Faillites d'entreprises record, quelles solutions ?
Question de :
Mme Alma Dufour
Seine-Maritime (4e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Alma Dufour interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les faillites d'entreprises record. En 2024, la France a enregistré un record historique de défaillances d'entreprises : 66 000, du jamais vu depuis la crise de 2009 ! C'est une hausse de 28 % par rapport à 2019 et les prévisions pour 2025 s'annoncent encore plus sombres avec 68 000 faillites attendues. 256 000 emplois sont menacés d'après le cabinet Altares. Aucun secteur n'est épargné, l'industrie est sévèrement touchée - notamment l'automobile (fermetures de MA France, Fonderie de Bretagne, Michelin, Valéo) et la chimie (Vencorex, Arkema) - mais aussi le commerce (Auchan), le bâtiment ou les services. Les causes de cette hécatombe sont multifactorielles mais sont bien identifiées. Mme la députée et le groupe LFI-NFP ont alerté le bloc central depuis plusieurs années : l'explosion des prix de l'énergie a asphyxié les entreprises, notamment industrielles et artisanales, et a représenté le « choc de trop » d'après les fédérations professionnelles comme la Fédération des industries mécaniques, l'ADEPAL ou le CLEEE. Il est pourtant possible de leur offrir un prix de l'électricité proche des coûts de production nationaux, plutôt que les exposer aux prix de marché volatiles et en augmentation, ainsi qu'à la contractualisation inégalitaire et opaque avec les fournisseurs. L'absence de protection contre le dumping a fortement nui au commerce et à l'industrie. Le développement appuyé par l'État des parts de marché des géants du e-commerce a eu raison de 82 000 emplois, en solde net, entre 2008 et 2019. L'absence de barrières douanières a exposé les industries françaises à une concurrence déloyale. Maintenant que le président américain menace de taxer les produits français, il est indispensable de changer de stratégie. Enfin, les entreprises de petite taille, SME, TPE et PME, subissent un environnement économique et fiscal qui ne leur permet pas de dégager des marges suffisantes et stables et ce depuis longtemps. Il est difficilement acceptable qu'elles paient en proportion plus de prélèvements obligatoires que les grands groupes, comme le démontre l'INSEE. Ni le budget 2025, ni le calendrier des projets de loi gouvernementaux ne prennent en compte cette catastrophe. Elle lui demande si le Gouvernement est prêt à soutenir la proposition de retour au tarif réglementé de l'électricité au coût de production, la proposition de loi pour sauver le petit commerce qui sera déposée le 11 mars 2025, les propositions de barrières douanières nationales si l'Union européenne échoue à prendre le nécessaire virage protectionniste et la nationalisation temporaire de certaines industries stratégiques.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
M. le président . La parole est à Mme Alma Dufour, pour exposer sa question, no 257, relative aux entreprises en difficulté.
Mme Alma Dufour . La France a enregistré un record historique de défaillances d’entreprises en 2024 : leur nombre s'élève à 66 000 – du jamais-vu depuis 2009 – et ce chiffre marque une hausse de 28 % par rapport à 2019. L'année 2025 s'annonce encore pire, car 68 000 faillites sont attendues et 256 000 emplois sont en cours de destruction. Le chômage augmente en flèche. Aucun secteur n’est épargné : ni l'automobile, ni la chimie, ni le commerce, ni le bâtiment.
Si le gouvernement peut compter sur certaines chaînes d’information en continu pour produire une polémique par jour sur tous les sujets sauf ceux qui comptent vraiment pour les Français, il va bien falloir affronter la réalité. Le pire, c’est que le groupe La France insoumise vous a alertés année après année.
L’explosion des prix de l’énergie asphyxie nos entreprises. Cela fait trois ans que le gouvernement bloque toute proposition de loi visant à revenir à un tarif encadré de l’électricité basé sur le coût de production national, c’est-à-dire deux fois moins cher. Les entreprises françaises continuent de payer la crise énergétique allemande et vous décidez de les priver de notre seul avantage compétitif… Combien de mesures protectionnistes pour préserver les industries et les petits commerces du dumping le gouvernement a-t-il refusées ? Il y a encore un an, on me riait au nez quand je demandais de conditionner l’ensemble des aides publiques au secteur automobile à un score de CO2 minimal ; désormais c’est exactement ce que propose la Commission européenne, mais avec des années de retard – et nous ne savons toujours pas quand le plan sera déployé.
Alors que les États-unis mènent désormais une guerre commerciale contre nous, continuerez-vous de refuser d'instaurer des barrières pour protéger notre industrie ? Combien de fois avez-vous refusé nos propositions d’amendements visant à instaurer un impôt sur les sociétés proportionné au chiffre d’affaires des entreprises et des cotisations patronales proportionnées au chiffre d’affaires, afin de permettre aux très petites entreprises d’augmenter les salaires ? Quand reviendrez-vous enfin sur l’abaissement du seuil d’exonération de la TVA à 25 000 euros pour les petits entrepreneurs ? Nous recevons des centaines de témoignages de personnes désespérées.
Le modèle économique reposant sur la politique de l'offre est en fin de course. Regardez partout autour de vous : aucun dispositif en ce sens n’a fonctionné. Le gouvernement a dépensé des centaines de milliards pour attirer des grands groupes qui délocalisent à présent tout en ignorant la souffrance des petits patrons, dont certains nous parlent de suicide. Allez-vous enfin proposer un plan d’urgence en utilisant tous les moyens fiscaux et réglementaires à votre disposition pour sauver notre pays de l'hécatombe ?
M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence d'Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, retenu en d'autres lieux.
Vous appelez l'attention du gouvernement sur le nombre des défaillances d'entreprises, sur la compétitivité des sociétés, notamment industrielles, sur les mesures de protection douanière, ainsi que sur l'abaissement du seuil de franchise de TVA.
Tout d'abord, comme vous le rappelez, il y a eu 66 000 défaillances d'entreprises en France en 2024, dont moins de 50 % employaient au moins un salarié. Sans nier les fragilités de certains secteurs – j'y reviendrai –, cette augmentation est avant tout liée à un rattrapage post-covid. En effet, une fois les données lissées sur la période 2020-2024, le niveau de défaillances reste inférieur à celui d'avant la crise, ce qui relativise la forte hausse des deux dernières années.
En outre, le nombre de défaillances doit être regardé en comparaison avec le nombre de créations d'entreprises. Or l'économie a, sur la même période, créé beaucoup d'entreprises et d'emplois, de sorte que le solde net des créations d'entreprises a continué de croître et que le taux de chômage a baissé.
Par ailleurs, sur le front industriel, la tendance demeure positive. Depuis 2017, nous avons fait des progrès considérables du point de vue de l'attractivité, de la compétitivité et des emplois ; 130 000 emplois ont été créés dans l'industrie. En 2024, nous avons continué à ouvrir plus d'usines qu'à en fermer : il y a eu 89 créations ou extensions nettes en 2024 ; au total, leur nombre s'est élevé à 450 depuis 2022.
Cette situation ne doit pas pour autant cacher les difficultés auxquelles les plans d'action que nous portons, tant au niveau national qu'européen, entendent répondre. Je pense aux secteurs de la chimie, de l'automobile et de l'acier. Soumis à une concurrence internationale parfois déloyale, exposés à une potentielle guerre commerciale et confrontés au défi d'évolutions technologiques majeures, ils connaissent tous les trois des mutations qu'il faut accompagner.
S'agissant de l'acier, la France est à l'initiative du dialogue stratégique qui arrive actuellement à son terme. Des mesures fortes et rapides sont attendues. Je pense au renforcement des clauses de sauvegarde et du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, ainsi qu'aux prix de l'électricité.
En ce qui concerne la chimie, le ministre de l'industrie a réuni une dizaine de pays, la semaine dernière, afin de soutenir cette industrie de base. Nous avons besoin d'agir avec détermination en reconnaissant le rôle stratégique du secteur et en identifiant les molécules clés pour l'industrie européenne, notre défense et notre souveraineté.
Notre conviction et notre détermination restent intactes. Nous nous engageons à préserver nos forces et notre résilience, ainsi qu'à travailler aux côtés des élus. Vous pouvez compter sur nous. Je sais que, dès vendredi, vous échangerez avec le cabinet du ministre Ferracci sur ces sujets.
M. le président . La parole est à Mme Alma Dufour.
Mme Alma Dufour . Ne nous voilons pas la face. L'exemple de l'électricité est parlant : pendant deux ans, alors que nous l'alertions sur la crise qui se profilait, le gouvernement nous a ri au nez, en nous répondant que les marges des entreprises se portaient très bien. Nous sommes confrontés à un grave problème : l'Insee n'est pas capable de fournir des statistiques sur les marges en fonction de la taille des entreprises. Je pense aux marges colossales de certains grands groupes, qui les ont gagnées en spéculant et en étranglant les PME industrielles. Dans le secteur automobile, par exemple, quand Renault fait 14 % de marge et Stellantis plus de 20 %, leurs PME sous-traitantes n'arrivent à dégager que 2 % à 3 % de marge.
C'est l'arbre qui cache la forêt. Pendant deux ans, nous avons nié la réalité. Résultat des courses : M. Séjourné, commissaire européen, a reconnu que les faillites étaient causées par la crise de l'énergie. Réveillez-vous ! Nous le disons avec sérieux : l'économie va vraiment très mal.
Auteur : Mme Alma Dufour
Type de question : Question orale
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 mars 2025