Question écrite n° 2585 :
Bilan de l'état d'urgence en Kanaky-Nouvelle-Calédonie

17e Législature
Question signalée le 3 février 2025

Question de : M. Bastien Lachaud
Seine-Saint-Denis (6e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer, sur le bilan de l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie et les suites de celui-ci sur le territoire. En effet, suite à la révolte populaire provoquée par l'obstination du gouvernement Attal à imposer unilatéralement le dégel du corps électoral pour les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, l'état d'urgence est entré en vigueur le 15 mai 2024 et a été levé le 28 mai. Cet état exceptionnel prévoit de nombreuses mesures : assignations à résidence, fermetures provisoires d'établissements, périmètres de protection ou encore perquisitions administratives. Depuis le début des affrontements, 13 morts ainsi que plusieurs centaines de blessés sont à déplorer. Le système de santé est dangereusement mis sous tension. Ces troubles ont soulevé de nombreuses inquiétudes parmi la population. Beaucoup s'inquiètent en particulier du développement de véritables milices privées, composées de particuliers qui souvent sont armés, voire lourdement armés. Ces milices agiraient en toute impunité sur le territoire calédonien, sans être inquiétées par les forces de l'ordre, voire en coordination avec celles-ci. Cet état de fait est inacceptable, puisque ces milices conduisent des actions violentes et manifestement illégales. Dans le cadre du contrôle de l'action du Gouvernement, M. le député souhaite savoir précisément combien de personnes sont décédées en Nouvelle-Calédonie pendant cette période et dans quelles circonstances. Il souhaiterait également apprendre de M. le ministre le décompte de personnes blessées pendant l'état d'urgence. Il souhaite savoir combien de personnes ont été transférées en Hexagone pour des raisons sanitaires ou pénitentiaires. Par ailleurs, M. le député souhaiterait avoir des précisions sur le décompte publié par des experts de l'ONU qui fait état de « au moins 6 manifestants Kanaks auraient été abattus et 169 autres auraient été blessés. Plus de 2 235 manifestants ont été arrêtés, dont beaucoup arbitrairement arrêtés et détenus et des dizaines d'entre eux ont été déportés vers la France métropolitaine. 500 personnes Kanakes auraient été victimes de disparitions forcées. Des informations font également état d'allégations de criminalisation de défenseurs des droits de l'Homme Kanaks par l'application abusive du droit pénal ». M. le député souhaiterait savoir si M. le ministre peut confirmer ou infirmer ces affirmations, singulièrement au sujet des personnes qui auraient été victimes de disparitions forcées. Il souhaite savoir précisément ce qu'il compte faire pour empêcher que des particuliers usurpent les fonctions qui sont normalement dévolues à la police ou à la gendarmerie et obtenir la dissolution de ces milices. Il souhaite également savoir ce qu'il compte faire concernant les actions illégales des forces de l'ordre elles-mêmes et quelles sanctions il compte prendre en concertation avec son homologue du ministère de l'intérieur ; cette question avait été initialement posée à M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur mais a été retirée du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale du 9 juin 2024.

Réponse publiée le 5 août 2025

À compter du 13 mai 2024, l'État a fait face à une crise majeure d'ordre public et de souveraineté dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie. Le commandement de la gendarmerie pour la Nouvelle-Calédonie (COMGENDNC) et la direction territoriale de la police nationale (DTPN) de la Nouvelle-Calédonie ont été pleinement engagés dans cette crise. Du 15 au 28 mai 2024, l'état d'urgence a été décrété sur le territoire afin de contrer une vague insurrectionnelle et d'actions violentes durant laquelle 10 000 émeutiers ont commis de nombreux saccages et pillages à Nouméa et dans son agglomération. Par ailleurs, des barrages ont été érigés sur l'ensemble du territoire. Le bilan humain s'élève à 14 morts, dont 2 gendarmes décédés. Dans un premier temps, les forces de police et de gendarmerie présentes (566 policiers, près de 500 gendarmes affectés au COMGENDNC et 7 escadrons de gendarmerie mobile - EGM - en renfort sur place) se sont concentrées sur des missions prioritaires : secours aux personnes, protection des emprises stratégiques de l'État, des emprises de la gendarmerie et de la police nationales sur tout le territoire (une dizaine de brigades de gendarmerie dégradées et deux commissariats de quartier incendiés) ainsi que des emprises publiques, et défense de points sensibles et la tenue des axes prioritaires. Dans un délai contraint, des renforts massifs ont été acheminés depuis l'hexagone. Concernant la gendarmerie, le nombre d'EGM a été porté à 27 unités au 31 mai 2024, puis à 35 EGM dans les semaines suivantes. Ainsi, plus de 3 000 gendarmes ont été déployés sur le territoire, incluant des renforts d'unités spécialistes comme le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale ou des personnels de la gendarmerie départementale et d'unités de police judiciaire. Jusqu'à 250 personnels, hors EGM, ont été projetés pour faire face à la crise de haute intensité dans tous les domaines (renseignement, police judiciaire, intervention, logistique, soutien, composante héliportée et blindée…). Pour la police nationale, ce sont 1 500 personnels de l'ensemble des directions et services actifs de police qui ont été projetés dans l'archipel. À l'instar des renforts de gendarmerie, tous les « métiers » (investigation, ordre public, etc.) de la police nationale ont ainsi été renforcés. Il convient notamment de souligner la projection de 3 compagnies républicaines de sécurité (CRS). Ont également été projetés au profit de la police nationale d'importants moyens (plus de 100 000 munitions, 22 véhicules, plusieurs dizaines de tonnes de fret : équipements de protection, matériel de secours, armement, etc.). Dans les zones d'action qui leur étaient imparties, la gendarmerie nationale et la police nationale ont agi pour réaffirmer leur rôle exclusif dans le rétablissement et le maintien de l'ordre public, de façon notamment à contrer toute velléité de la part de la population de créer spontanément des dispositifs d'auto-défense, pour se substituer à l'action de l'État. Leur action déterminante rappelle que la sécurité des citoyens ne peut être garantie que par les forces de sécurité intérieure (FSI) de l'État. Grâce à la présence permanente et dissuasive de leurs unités, les forces de l'ordre ont permis d'éviter que les initiatives locales, notamment des regroupements de citoyens visant à renforcer la vigilance au sein des quartiers, puissent être perçues comme nécessaires.  Lors de ces événements, la gendarmerie a déploré 619 blessés, dont 107 durant l'état d'urgence ainsi que 2 gendarmes décédés. La confrontation avec les émeutiers s'est notamment soldée aux dépens des FSI par 705 prises à partie par armes à feu, dont 167 tirs touchants. La police nationale déplore quant à elle 126 blessés, dont 104 policiers des CRS et 3 blessés graves (des policiers de BAC). A la fin du mois d'août, la sécurité sur le territoire a pu être rétablie par des actions coordonnées et dissuasives venant entraver la délinquance, et par l'instauration d'une présence de voie publique permanente comme mode d'action prioritaire. Ainsi, la population a pu être rassurée. Sur le plan judiciaire, l'action de la gendarmerie s'est concentrée sur l'identification des auteurs de saccages, de violences et de tirs d'armes. Depuis le 13 mai 2024, et dans le strict respect du cadre légal, la gendarmerie a mené 1 742 gardes à vue, dont 124 durant la période d'état d'urgence. L'engagement des forces de la gendarmerie et leur efficacité opérationnelle ont notamment permis d'identifier et de confondre les auteurs du meurtre d'un gendarme précédemment évoqué. La police nationale a pour sa part procédé à 1 611 interpellations et 1 567 gardes à vue au cours de la période. Actuellement, le bureau des enquêtes judiciaires de l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) diligente 6 procédures à la demande du tribunal de première instance (TPI) de Nouméa, pour des usages des armes de la gendarmerie, en lien avec les opérations de sécurisation durant les émeutes sur le territoire calédonien. Pour la police nationale, 4 procédures sont en cours.

Données clés

Auteur : M. Bastien Lachaud

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Outre-mer

Ministère répondant : Intérieur

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 3 février 2025

Dates :
Question publiée le 3 décembre 2024
Réponse publiée le 5 août 2025

partager