Gratuité des églises
Question de :
Mme Lisette Pollet
Drôme (2e circonscription) - Rassemblement National
Mme Lisette Pollet alerte Mme la ministre de la culture sur les vives inquiétudes concernant la non-gratuité des églises. La proposition d'instaurer un droit d'entrée pour les touristes visitant des églises, comme Notre-Dame de Paris, soulève des questions fondamentales sur la vocation des lieux de culte, leur rôle dans la société et les moyens de préserver le patrimoine religieux. Bien qu'animée par l'intention louable de financer leur entretien, cette mesure va à l'encontre de principes essentiels inscrits dans l'histoire républicaine et culturelle de la France. Tout d'abord, la gratuité d'accès aux édifices religieux est une tradition ancrée dans la loi de 1905, qui consacre la séparation des Églises et de l'État tout en garantissant la liberté de culte. Les églises ne sont pas de simples monuments : elles sont des lieux vivants, affectés intégralement à la pratique religieuse et leur gratuité est une expression de cette vocation. Remettre en question ce principe risquerait de brouiller leur signification spirituelle et de les réduire à de simples attractions touristiques. Ensuite, cette mesure menace de porter atteinte à la dimension universelle des églises. Ces espaces ont toujours été ouverts à tous, qu'ils soient croyants ou non, riches ou pauvres, touristes ou habitants locaux. Les rendre payants pourrait exclure les personnes les plus modestes et créer une barrière là où l'ouverture doit être la règle. Les églises représentent une « magnifique exception » dans une société où tout devient « marchandisé ». Enfin, il existe des alternatives viables et respectueuses de la nature spirituelle de ces lieux. Le mécénat privé, les dons volontaires ou les campagnes de financement participatif offrent des solutions permettant de mobiliser les fonds nécessaires tout en préservant la gratuité d'accès. Ces approches renforcent l'implication citoyenne et la solidarité, au lieu d'imposer une logique commerciale. Mme la députée tient également à souligner que les églises ne sont pas de simples bâtiments : elles portent en elles une mémoire collective, une histoire et un rôle spirituel qui transcendent les époques. Leur accès libre et gratuit est une richesse pour la société française et un symbole de fraternité auquel on ne doit pas renoncer. Elle souhaite savoir comment elle va pouvoir, dans un contexte où la France s'enorgueillit d'un patrimoine religieux unique au monde, concilier le droit d'entrée payant des églises avec le respect des principes fondamentaux de liberté et d'universalité qui font l'essence même des églises.
Réponse publiée le 28 janvier 2025
L'article 17 de la loi du 9 décembre 1905 portant séparation des Églises et de l'État dispose que « la visite des édifices [du culte] et l'exposition des objets mobiliers classés seront publiques : elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance ». Comme le montrent les travaux parlementaires, cette disposition n'avait pas pour but de garantir le libre accès aux fidèles - qui en disposent déjà par l'affectation cultuelle - mais de s'assurer que toute personne, quelle que soit sa religion, ou son absence de religion, pourrait visiter les édifices et les objets mobiliers classés. L'article L. 2124-31 du code général de la propriété des personnes publiques (2006) déroge cependant à l'article 17 de la loi de 1905, en disposant que « lorsque la visite de parties d'édifices affectés au culte, notamment de celles où sont exposés des objets mobiliers classés ou inscrits, justifie des modalités particulières d'organisation (…) cet accès (…) donne lieu, le cas échéant, au versement d'une redevance domaniale dont le produit peut être partagé entre la collectivité propriétaire et l'affectataire ». C'est dans ce cadre que la visite de certaines parties des édifices du culte (tours, trésors, cryptes, etc.) peut donner lieu à tarification. Ainsi, dans les 87 cathédrales propriété de l'État et affectées au ministère de la culture, ces visites payantes sont, en vertu de la convention de gestion domaniale conclue entre l'État (ministères chargés de la culture et des finances) et le Centre des monuments nationaux, assurées par ce dernier, soit directement, soit par délégation à des collectivités ou des associations. L'hypothèse de la mise en place d'un tarif d'entrée pour la cathédrale Notre-Dame de Paris (au-delà de la visite des tours et du trésor, déjà payante) est née de sa notoriété mondiale, dans un objectif de conservation des monuments concernés, conformément, d'ailleurs, à la pratique de certains pays voisins, où le clergé, propriétaire des édifices, perçoit un droit d'accès sur les touristes pour contribuer à la conservation des édifices, qui lui incombe dans ces États. Cette question d'une éventuelle tarification n'a pas été soulevée pour les églises, qui sont généralement propriété des collectivités territoriales et non de l'État, et dans lesquelles l'instauration d'un droit d'entrée serait, dans la plupart des cas, structurellement déficitaire. Une telle réflexion concernerait également le ministère de l'Intérieur, compétent en matière de cultes. Le dispositif, quels que soient les édifices affectés au culte concernés, devra enfin, quoi qu'il en soit, recueillir l'accord du clergé, affectataire cultuel.
Auteur : Mme Lisette Pollet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Patrimoine culturel
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Dates :
Question publiée le 3 décembre 2024
Réponse publiée le 28 janvier 2025