Narcotrafic par des mineurs dans les Yvelines : réalités de terrain et solutions
Question de :
M. Laurent Mazaury
Yvelines (11e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. Laurent Mazaury attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la montée du narcotrafic, qui touche de plus en plus de mineurs dans plusieurs communes de sa circonscription. Ce phénomène alarmant entraîne une multiplication de rixes violentes, impliquant souvent de très jeunes adolescents armés. Récemment, des parents ont alerté le proviseur d'un des collèges de la circonscription de M. le député sur une confrontation imminente entre des élèves de 6e. Face à cette menace, le principal a dû modifier les emplois du temps pour éviter l'affrontement. Afin de lutter contre la délinquance des mineurs, la ville de Saint-Cyr-l'École, par exemple, a mis en place pour les élèves de CM2 des programmes de prévention, en partenariat avec des associations. Le système semble efficace, mais fragile du fait de problématiques de financement de ces associations. Par ailleurs, sur le terrain, les communes alertent sur le manque d'effectifs de police nationale et les difficultés à recruter des policiers municipaux. Ces derniers sont pourtant des acteurs essentiels de la sécurité locale, mais leurs missions restent pour l'heure limitées. Aujourd'hui, ils ne peuvent ni verbaliser l'usage illicite de stupéfiants, ni même accéder aux fichiers, ce qui entrave l'efficacité de leur action. Dans ce contexte, le Beauvau des polices municipales suscite de nombreuses attentes. L'élargissement des missions, via l'amende forfaitaire délictuelle par exemple, leur permettra de sanctionner immédiatement certaines infractions. De même, un accès aux fichiers leur offrirait un gain de temps et une meilleure réactivité sur le terrain. Il l'interroge notamment sur la possibilité de signer des conventions entre les maires et l'autorité judiciaire, afin d'assurer la constitutionnalité du renforcement des missions des polices municipales. Il souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur ces évolutions et savoir quelles mesures concrètes sont prévues.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
LUTTE CONTRE LE NARCOTRAFIC DANS LES YVELINES
M. le président . La parole est à M. Laurent Mazaury, pour exposer sa question, no 260, relative à la lutte contre le narcotrafic dans les Yvelines.
M. Laurent Mazaury . Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la montée du narcotrafic, qui touche de plus en plus de mineurs dans plusieurs communes de ma circonscription, dans les Yvelines. Ma question rejoint la proposition de loi que défend actuellement devant la représentation nationale M. le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau.
Ce phénomène alarmant entraîne une multiplication des rixes violentes, impliquant souvent de très jeunes adolescents armés. Récemment, des parents ont par exemple alerté le proviseur de l'un des collèges de ma circonscription sur une confrontation imminente entre des élèves de sixième. Face à cette menace, le principal a dû modifier les emplois du temps pour éviter l'affrontement. Afin de lutter contre la délinquance des mineurs, la ville de Saint-Cyr-l'École a par ailleurs introduit, dans les classes de CM2, des programmes de prévention, en partenariat avec des associations. Le système semble efficace, mais il est fragile, du fait des problèmes liés au financement de ces associations.
Sur le terrain, les communes mettent en garde contre le manque d'effectifs de la police nationale, malgré la construction – d'ailleurs financée par les collectivités locales – du nouveau commissariat d'Élancourt, et contre les difficultés à recruter des policiers municipaux. Alors qu'ils sont des acteurs essentiels de la sécurité locale, leur mission reste malheureusement limitée. En effet, ils ne peuvent ni verbaliser l'usage illicite de stupéfiants, ni même accéder aux fichiers, ce qui entrave l'efficacité de leur action.
Dans ce contexte, le Beauvau des polices municipales suscite à juste titre de très nombreuses attentes. L'élargissement de leurs missions, à travers l'amende forfaitaire délictuelle, leur permettrait de sanctionner immédiatement certaines infractions. De même, un accès aux fichiers serait pour eux un gain de temps et leur offrirait une meilleure réactivité sur le terrain.
Monsieur le ministre, pensez-vous qu'il serait possible que des conventions soient signées entre les maires et l'autorité judiciaire afin d'assurer la constitutionnalité du renforcement des missions des polices municipales ? Pouvez-vous nous donner votre position sur ces évolutions et nous indiquer les mesures concrètes que vous comptez prendre ?
M. le président . La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur . Je ne reviens pas sur la gravité du narcotrafic : nous en avons tous conscience et le débat est en cours.
Nous avons lancé, il y a quelques semaines, des plans d'action départementaux de restauration de la sécurité au quotidien, qui ont été élaborés en collaboration très étroite avec nos préfets. Ils vont maintenant pouvoir se déployer. Ils seront notamment dirigés vers les consommateurs, qui sont des acteurs majeurs de ce trafic, au travers de sanctions, mais aussi d'une campagne d'information, que vous avez peut-être déjà vue à la télévision. Nous nous apprêtons par ailleurs à instaurer une organisation administrative et judiciaire similaire à celle qui a fait ses preuves en matière d'antiterrorisme dans la proposition de loi relative au narcotrafic, dont l'examen devrait s'achever jeudi soir.
Dans les Yvelines, ce combat peut s'appuyer sur des moyens substantiels : la direction interdépartementale de la police nationale dispose de 2 727 agents, contre 2 682 fin 2023. Le seul service interdépartemental de police judiciaire dispose de 319 agents – ils étaient 252 fin 2016 et 314 fin 2023. Dans votre département, en 2024, près de 450 mineurs ont été mis en cause dans des affaires de stupéfiants entraînant des amendes forfaitaires et des procédures judiciaires, et près de 260 ont été placés en garde à vue.
Plus de 830 opérations visant le démantèlement de points de deal ont été opérées l’an dernier dans les Yvelines, et les consommateurs aussi sont ciblés : la police nationale a dressé près de 5 300 amendes forfaitaires délictuelles dans votre département en 2024 et plus de 650 depuis le début de l’année.
La violence croissante des mineurs est une réalité à laquelle nous devons faire face – il suffit de penser aux événements dramatiques qui sont encore survenus hier. Nous devons faire un travail de prévention, mais aussi en tirer toutes les conséquences dans la réponse pénale. C’est pourquoi, avec le garde des sceaux – avec qui nous collaborons étroitement –, nous soutenons la proposition de loi visant à restaurer la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents, qui a été adoptée à l’Assemblée nationale, qui sera examinée cette semaine au Sénat, et que nous souhaitons voir évoluer vers plus de fermeté.
Pour ce qui nous concerne, qu’il s’agisse des violences commises sur fond de narcotrafic ou de rixes entre bandes, nous menons un combat total, en agissant tant dans le renseignement que sur la voie publique ou bien sûr en matière d'investigation. Mais il faut regarder la réalité en face : ces dérives ultraviolentes soulèvent aussi des questions liées au rôle des parents et à l’éducation, sur lesquelles je ne reviens pas.
Le Beauvau des polices municipales va bientôt se terminer : nous sommes en train de faire la synthèse des propositions qui ont été faites. Sur les questions que vous avez évoquées, nous voulons effectivement évoluer. Oui, je veux que l'on donne plus de pouvoir aux polices municipales ; oui, elles doivent rester la police du maire ; oui, il faut donner aux policiers municipaux la capacité de délivrer des amendes forfaitaires délictuelles et d'accéder à certains fichiers, qui – pour être parfaitement transparent – ne sont pas des fichiers de renseignement.
Il y a une difficulté d'ordre juridique : le Conseil constitutionnel a indiqué à deux reprises qu'il n'était pas possible de donner un rôle d'officier de police judiciaire (OPJ) à nos policiers municipaux parce qu'ils devaient être sous le contrôle du procureur de la République. Mais il existe tout de même des possibilités d'évolution sur le plan juridique. La question que vous posez est d'actualité à tous points de vue. Les polices municipales sont au premier rang : les événements de Mulhouse, hélas, l'ont encore démontré de façon dramatique.
M. le président . La parole est à M. Laurent Mazaury.
M. Laurent Mazaury . Je vous remercie de votre réponse. Vous aurez compris que dans ma circonscription, qui comprend Trappes et La Verrière, ces questions sont très importantes, à la fois pour les familles, pour les parents d'élèves que nous sommes tous, et pour les élus locaux.
Auteur : M. Laurent Mazaury
Type de question : Question orale
Rubrique : Drogue
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 mars 2025