Filière cerise : moyens de lutte contre la mouche drosophile
Question de :
Mme Catherine Rimbert
Vaucluse (5e circonscription) - Rassemblement National
Mme Catherine Rimbert interroge Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les difficultés de la filière Cerise d'industrie. Face à la prolifération de la mouche Drosophila suzukii, la filière est en grande difficulté. Cependant, des substances actives efficaces existent et ont même fait l'objet d'expérimentations à l'étranger et pourraient être une solution aux problèmes auxquels font face les agriculteurs de cette filière. Pourtant, ces substances sont encore interdites en France, fragilisant encore un peu plus la production nationale et créant encore une distorsion de concurrence avec d'autres pays où elles sont homologuées. Elle lui demande quelles pistes le Gouvernement envisage pour soutenir cette filière et garantir son avenir, en accordant notamment une dérogation sur certaines substances.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
FILIÈRE DE LA CERISE D'INDUSTRIE
M. le président . La parole est à Mme Catherine Rimbert, pour exposer sa question, no 264, relative à la filière de la cerise d'industrie.
Mme Catherine Rimbert . Depuis dix ans, la filière cerise française est confrontée à une crise majeure. En cause, l'absence de solutions de traitement destinées à protéger les vergers contre les mouches de la cerise, en particulier la Drosophila suzukii.
Au fil des ans, la filière a connu de nombreux retraits de molécules qui ont, chaque année, diminué un peu plus son potentiel de production. Ainsi, la filière cerise d'industrie a perdu 38 % de son potentiel en huit ans, si bien que les contrats qu'elle était parvenue à signer ne peuvent plus être honorés en raison de l'incertitude de la production. Les nouvelles demandes de contrat, quant à elles, ne peuvent pas être acceptées du fait de l'absence de visibilité à moyen et à long terme.
Si nombre de filières agricoles subissent des crises sévères, la filière cerise d'industrie française ne connaît pas, à ce jour, de crise commerciale mais une profonde crise technique : elle n'est plus en mesure de protéger efficacement ses vergers pour offrir aux consommateurs et aux industriels français des cerises de qualité.
Parce que toutes les molécules efficaces ont été progressivement interdites sans que des solutions alternatives pérennes soient proposées, la filière cerise française est en train de disparaître, au profit d'importations turques et bulgares dont les contraintes réglementaires sont bien loin de celles que vous exigez de nos agriculteurs. Si la filière cerise répond en tout point aux critères de la souveraineté alimentaire, pourquoi la laissons-nous péricliter sans lui apporter de solution durable et efficace ?
Nous savons que la recherche travaille, mais son rythme est trop lent comparé à la réalité des vergers : depuis l'arrivée de la Drosophila suzukii, quinze ans se sont écoulés sans aucune proposition de solution économiquement viable.
Les conséquences sont multiples : économiques, avec des pertes d'emplois au sein des industries locales, des transporteurs, des transformateurs, et une cessation d'activité dans certaines exploitations agricoles ; financières, avec 40 % des surfaces de production perdues ; touristiques, avec l'abandon des parcelles entretenues par les agriculteurs et, dans ma circonscription, la perte du savoir-faire des fruits confits d'Apt, inscrits au patrimoine culturel immatériel de la France.
En 2024, l'esfenvalérate, une molécule employée sur les pêchers, les abricotiers, les vignes ou encore les céréales a été testée par le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes pour lutter contre les mouches de la cerise. Les résultats de cette étude ont été statistiquement probants, démontrant l'efficacité de cette molécule. Une demande de dérogation a été déposée par la profession, en décembre 2024, pour une utilisation en avril 2025. Mais elle n'a, à cette date, toujours pas reçu de réponse.
Madame la ministre, le gouvernement envisage-t-il d'accorder une dérogation pour l'esfenvalérate, dès avril 2025 ? Comment voyez-vous l'avenir de cette filière cerise si les produits phytosanitaires continuent d'être interdits ?
M. le président . La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire . Combien de fois n'ai-je pas parlé de la cerise ? C'est l'exemple même d'une filière menacée dans son existence, ce qui est absolument désolant. Vous l'avez rappelé, la mouche Drosophila suzukii entraîne des pertes très importantes, pouvant aller jusqu'à la destruction complète de la récolte, qui compromettent la pérennité de toute la filière.
La lutte contre ce ravageur est difficile parce que les moyens de traitement ont été interdits au niveau européen. Or, et vous le savez comme moi, vous qui êtes de ce merveilleux territoire d'Apt, dont nous aimons les fruits confits (Mme Annie Vidal sourit) et dont les productions sont sévèrement touchées, dès lors qu'un produit – le diméthoate, en l'occurrence – est interdit au niveau européen, il n'est plus question d'en parler.
Cependant, comment pouvons-nous aider les producteurs de cerises à traverser ce moment particulièrement périlleux ? Nous sommes à un point de bascule, j'en ai parfaitement conscience : continuerons-nous à produire des cerises en France ?
Des moyens non chimiques existent : les filets permettent d'obtenir des résultats, mais leur coût constitue un obstacle. C'est la raison pour laquelle j'ai soutenu, dans le cadre de la planification écologique, des aides à l'investissement dans ces matériels pour les vergers. De plus, le filet n'est pas une méthode adaptée aux vergers de haute taille, notamment pour les cerises d'industrie.
Plusieurs produits phytopharmaceutiques restent autorisés contre ce moucheron. Toutefois, leur nombre et leur efficacité sont insuffisants en cas de pression parasitaire forte, ce qui conduit le ministère de l'agriculture à délivrer chaque année, depuis 2015, plusieurs autorisations provisoires permettant aux professionnels de sécuriser leur production. Ces dérogations portent sur des produits qui contiennent des substances approuvées au niveau européen et autorisées dans d'autres États membres. Cette année encore, le ministère de l'agriculture a octroyé quatre dérogations, dont deux concernent des produits de biocontrôle utilisables en agriculture biologique.
Au-delà de ces réponses ponctuelles, notre priorité est au développement de stratégies de lutte plus durables – c’est mon souhait autant que le vôtre. Nous pourrons lever ainsi l’aléa phytosanitaire et assurer la pérennité de la production.
Le plan Écophyto a permis de financer un projet pluriannuel doté de plus de 3,5 millions d’euros, porté par l’Inrae – l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement – et le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes. Il permettra d’explorer toutes les voies, d’envisager tous les leviers possibles, des plus traditionnels aux plus innovants – y compris la technique de l’insecte stérile, sur laquelle je fonde beaucoup d’espoir.
Soyez assurée, madame la députée, de ma détermination à répondre aux difficultés de cette magnifique filière. J’espère que nous continuerons longtemps à manger des cerises françaises. Nous importons beaucoup trop de cerises, qui sont parfois francisées après qu’elles ont passé la frontière – tromperie du consommateur contre laquelle je m’insurge. Espérons que la recherche nous permette de mener à son terme la lutte contre la Drosophila suzukii.
Auteur : Mme Catherine Rimbert
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mars 2025