Question orale n° 265 :
Concurrence déloyale et situation économique des pêcheurs normands

17e Législature

Question de : M. Patrice Martin
Seine-Maritime (6e circonscription) - Rassemblement National

M. Patrice Martin attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la situation préoccupante des pêcheurs normands. Malgré un chiffre d'affaires de 1,9 milliard d'euros, la filière halieutique dans l'ensemble du territoire est fragilisée par une concurrence jugée déloyale, notamment par les chalutiers néerlandais et britanniques sur la côte normande. En outre, la flotte nationale souffre d'un déséquilibre criant. Au port de Dieppe, les pêcheurs sont contraints de rejeter jusqu'à 80 000 euros de poisson par an et par bateau, une situation insoutenable. Alors que des règles strictes pèsent sur eux, l'absence de contrôles rigoureux chez certains voisins accentue ces inégalités, le Brexit amplifiant la crise. Face à ces menaces dans les ports normands, il demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour rétablir une concurrence équitable et garantir la pérennité de la filière.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

PÊCHEURS NORMANDS
M. le président . La parole est à M. Patrice Martin, pour exposer sa question, no 265, relative aux pêcheurs normands.

M. Patrice Martin . Quotas drastiques, interdictions potentielles de certaines techniques dans les aires marines protégées, conséquences préoccupantes du Brexit : les pêcheurs normands affrontent une série de graves difficultés.

La situation est devenue critique, voire intenable. Chaque jour, ces professionnels voient leur métier menacé par des contraintes multiples aux conséquences désastreuses. Ces difficultés sont accentuées par des réglementations européennes complexes et souvent déconnectées des réalités locales, menaçant ainsi une filière essentielle à notre patrimoine maritime et économique.

Dans les ports de Dieppe et du Tréport, dans ma circonscription, les quotas imposés à nos pêcheurs illustrent parfaitement cette injustice. Alors que d'autres pays européens, tels que les Pays-Bas, disposent de moyens bien supérieurs, nos pêcheurs doivent subir des contrôles rigides et disproportionnés.

L'obligation absurde de rejeter chaque année en moyenne 80 000 euros de poissons à la mer par bateau constitue une perte économique considérable, et une injustice flagrante eu égard à l'objectif affiché de lutter contre la surpêche.

En outre, les répercussions du Brexit aggravent la situation. La reprise par le Royaume-Uni de sa zone économique exclusive, la fin de la politique commune de pêche remplacée par le droit international, ainsi que la concurrence exacerbée des pays tiers, fragilisent davantage nos pêcheurs, déjà pénalisés par la pêche illégale persistante.

Enfin, l'implantation croissante de parcs éoliens marins, comme celui à venir de Dieppe-Le Tréport ou celui, déjà opérationnel, de Fécamp, ainsi que d'autres projets prévus ou en cours sur le littoral normand, empiètent sur des espaces indispensables à la pêche, perturbant gravement les écosystèmes et réduisant encore davantage les zones d'activité disponibles.

La pression de l'Office français de la biodiversité, bien que nécessaire pour la préservation des ressources marines, constitue une difficulté supplémentaire pour nos pêcheurs, déjà lourdement contraints. Ces derniers se sentent délaissés et impuissants face à une politique européenne souvent inadaptée à leur quotidien, ce qui accentue leur sentiment d'abandon.

La France enregistre un déficit commercial inquiétant de 5 milliards d'euros dans le secteur de la pêche – le gouvernement l'a mentionné il y a quelques semaines. C'est une situation difficilement acceptable compte tenu de notre statut de deuxième façade maritime mondiale.

À l'approche de la conférence des Nations unies sur l'océan, quelles mesures concrètes pourraient rassurer nos pêcheurs et améliorer durablement leur situation ? Comment comptez-vous inverser la tendance préoccupante de notre balance commerciale dans le secteur de la pêche ? Pouvez-vous vous engager à soutenir fermement la filière de la pêche française lors de cette importante conférence internationale ?

M. le président . La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire . Je réponds à la place de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, retenue, dont je vous prie de bien vouloir excuser l'absence.

Les ressources halieutiques sont généralement partagées entre plusieurs pays, raison pour laquelle une gestion commune est indispensable pour assurer la durabilité des stocks, mais également éviter la concurrence déloyale.

C'est pourquoi les règles qui s'appliquent à nos pêcheurs sont édictées à l'échelle de l'Union européenne, qui a compétence en la matière. Le droit européen laisse la possibilité aux États membres d'adopter des mesures techniques tenant compte des spécificités régionales des pêcheries. Là encore, ces mesures, approuvées au niveau européen, sont applicables à l'ensemble des flottilles, quel que soit le pavillon du navire.

Enfin, les pêcheurs eux-mêmes peuvent s'entendre pour assurer une gestion commune de la ressource, comme en témoigne l'accord signé en octobre 2024 entre professionnels utilisant la senne démersale en Manche Est, qui concerne vingt-quatre navires néerlandais, vingt et un navires français et quatre navires belges.

Le gouvernement veille à ce que toutes ces mesures – européennes, nationales ou professionnelles – garantissent l'accès à la ressource pour nos pêcheurs afin qu'ils puissent mener leur activité, activité qui concourt par ailleurs à la souveraineté alimentaire de la France.

Enfin, j'accorde une attention particulière aux relations avec le Royaume-Uni, qui sont cruciales en matière de pêche. Les professionnels français bénéficient en effet de droits d'accès indispensables aux eaux britanniques. Le gouvernement est mobilisé au plus haut niveau pour préserver ces droits dans le cadre des discussions actuelles entre les autorités britanniques et l'Union européenne.

Malgré le Brexit, l'harmonisation des mesures européennes et britanniques se poursuit dans le cadre du comité spécialisé de la pêche créé par l'accord de commerce et de coopération conclu fin 2020. Ainsi, ce sont bien les règles européennes qui s'appliquent aux pêcheurs britanniques travaillant dans les eaux européennes.

Données clés

Auteur : M. Patrice Martin

Type de question : Question orale

Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mars 2025

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