Amiante : alerte sur les obstacles à l'indemnisation et à la prise en charge
Question de :
M. Sébastien Chenu
Nord (19e circonscription) - Rassemblement National
M. Sébastien Chenu alerte M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur les difficultés persistantes rencontrées par les victimes de l'amiante dans le département du Nord, notamment à Denain et ses environs, en matière d'indemnisation et de prise en charge adaptées. Malgré l'existence du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), de nombreux malades et leurs familles se heurtent à des délais excessifs, des procédures complexes et des indemnisations jugées insuffisantes au regard des préjudices subis. Le Comité amiante prévenir et réparer (CAPER) de Denain joue un rôle essentiel dans l'accompagnement des victimes, en les conseillant et en défendant leurs intérêts matériels et moraux. Toutefois, cette association alerte sur les nombreux obstacles entravant la reconnaissance des maladies professionnelles liées à l'amiante, ce qui allonge considérablement les délais de prise en charge et d'indemnisation. De plus, avec des ressources financières limitées avoisinant les 65 000 euros, le CAPER peine à répondre efficacement aux besoins des victimes. Les conséquences humaines de l'exposition à l'amiante sont tragiques et marquantes. L'histoire de M. Patrick Delcourt en témoigne : ancien ouvrier d'Eternit à Thiant, il a vu plusieurs membres de sa famille succomber à des maladies liées à l'amiante, mais poursuit son combat avec espoir pour « guérir » et « avancer ». Par ailleurs, plusieurs affaires judiciaires concernant l'exposition à l'amiante se sont soldées par des non-lieux, renforçant le sentiment d'injustice ressenti par les victimes et leurs proches. Cette situation interroge sur l'efficacité des dispositifs juridiques en place pour garantir une reconnaissance et une réparation à la hauteur des souffrances endurées. Depuis l'instauration du FIVA par la loi du 23 décembre 1998, aucune réforme d'ampleur n'a été engagée pour adapter les dispositifs de prise en charge aux avancées médicales et aux besoins réels des malades et de leurs familles. Par ailleurs, les sanctions à l'encontre des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante restent insuffisantes au regard des préjudices subis. Au-delà des enjeux d'indemnisation, la gestion des déchets d'amiante constitue également un défi majeur. M. Jean-Michel Despres, représentant du CAPER, déplore que la pratique de l'enfouissement persiste au lieu d'opter pour des solutions plus sûres comme la destruction ou l'inertage. Dans ce contexte, M. le député interroge M. le ministre sur sa position quant au développement de nouvelles filières industrielles permettant d'éliminer définitivement l'amiante plutôt que de le confiner sous terre. Il souhaite également connaître les mesures concrètes qui seront mises en œuvre pour accélérer l'indemnisation des victimes, améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles et garantir un suivi médical renforcé des personnes exposées. Enfin, il lui demande quelles actions seront engagées pour assurer des sanctions exemplaires à l'encontre des employeurs ayant manqué à leurs obligations en matière de protection contre l'amiante.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
AMIANTE
M. le président . La parole est à M. Sébastien Chenu, pour exposer sa question, no 267, relative à l'amiante.
M. Sébastien Chenu . Puisque vous êtes une élue nordiste, madame la ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap, vous connaissez le drame de l'amiante. Depuis la création, en 1998, du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva), lesdites victimes sont confrontées à plusieurs problèmes : délais excessifs, procédures complexes, indemnisation bien souvent insuffisante. Ils ressentent cette situation comme un manque d'attention à leur égard.
Dans ma circonscription, à Thiant, le comité amiante prévenir et réparer aide, guide les victimes et les alerte sur les obstacles qui entravent la reconnaissance des maladies professionnelles et augmentent les délais de leur prise en charge.
Plusieurs affaires judiciaires sont en cours. Les victimes ont un sentiment très fort d'injustice et on peut s'interroger sur les dispositifs juridiques censés garantir la reconnaissance et la réparation. Depuis la création du Fiva, il n'y a pas eu de réforme d'ampleur pour adapter les dispositifs de prise en charge et sanctionner les entreprises qui ont exposé ou qui pourraient encore exposer leurs salariés à l'amiante.
Enfin, au-delà de l'indemnisation, reste l'avenir, en l'occurrence la gestion des déchets de l'amiante. On en est toujours à les enfouir alors que leur destruction nous semble une priorité.
C'est sur ces questions que j'appelle l'attention du gouvernement. Quelles sont les nouvelles filières à même d'éliminer l'amiante ? Comment accélérer les indemnisations ? Comment reconnaître plus rapidement ces maladies professionnelles ? Comment garantir un suivi médical ?
Pour finir, je veux évoquer un événement fort regrettable – en précisant que vous n'y avez aucune part de responsabilité –, à savoir la disparition du groupe d'études sur l'amiante à l'Assemblée nationale. J'ai alerté la présidente de l'Assemblée pour lui dire combien je regrettais cette décision, entérinée par le bureau au sein duquel mon groupe politique n'est pas représenté. C'est, encore une fois, un mauvais signe envoyé aux victimes.
M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . Il existe trois tableaux des maladies professionnelles pour l’amiante. Le dernier, relatif aux cancers du larynx et de l’ovaire, a été créé par le gouvernement en 2023. Les travailleurs remplissant les conditions requises bénéficient enfin d'une reconnaissance automatique de l'origine professionnelle de leur maladie.
Le gouvernement a cherché à améliorer la réparation en encadrant, en 2019, les délais de traitement. Ainsi, la caisse primaire d'assurance maladie a cent vingt jours pour statuer sur le caractère professionnel ou pour saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). À défaut, la maladie est reconnue d’origine professionnelle et le CRRMP saisi dispose d'un nouveau délai de cent vingt jours pour statuer.
En 2022, ces délais ont été respectés à 99,9 %. Face à l’afflux de demandes depuis la crise sanitaire, le gouvernement a assoupli la composition des CRRMP et institué un dispositif de transfert vers les comités les moins engorgés. Les délais, qui s’étaient allongés, commencent de se résorber.
Une demande d’indemnisation peut aussi être adressée au Fiva, qui assure la réparation de tous les préjudices subis par les victimes de l’amiante, quelle qu’en soit l’origine, ainsi que par leurs ayants droit. Depuis sa création, 115 000 victimes ont saisi le Fiva, qui a versé 7,7 milliards d’euros d’indemnisations. Le versement est effectué pour les victimes en moyenne au bout de quatre mois et trois semaines, soit un délai inférieur au délai réglementaire de six mois. L’indemnisation a fait l’objet de deux revalorisations récentes : en octobre 2023 avec une majoration de 10,5 % du barème d’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux, et le 1er avril 2024 avec l’instauration d’une règle d’indexation sur l’inflation.
La prévention des risques professionnels liés à l’amiante est notre priorité et des sanctions sont prévues par le code du travail. En cas de danger grave et imminent, l’inspecteur peut arrêter temporairement des travaux.
Pour ce qui est des déchets amiantés, ils sont très majoritairement stockés dans des installations spécifiques. La vitrification, compte tenu de son coût, n'a pu être généralisée. Le rapport d’inspection établi à la demande de la ministre de la transition écologique ne mentionnait pas de piste envisageant un traitement industriel pour éliminer des déchets d'amiante de façon sûre et dans un délai court. Les initiatives de développement de nouvelles solutions doivent donc se poursuivre.
Auteur : M. Sébastien Chenu
Type de question : Question orale
Rubrique : Accidents du travail et maladies professionnelles
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 mars 2025