Question orale n° 268 :
Indemnités logement et chauffage des anciens mineurs

17e Législature

Question de : M. Kévin Pfeffer
Moselle (6e circonscription) - Rassemblement National

M. Kévin Pfeffer appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le versement des indemnités logement et chauffage aux anciens mineurs et à leurs ayants droit. Le « statut du mineur », défini par le décret n° 46-1433 du 14 juin 1946 relatif au statut du personnel des exploitations minières et assimilées prévoit, dans ses articles 22 et 23, le versement par l'exploitant, d'une prime chauffage et d'une indemnité mensuelle de logement aux membres et anciens membres du personnel ainsi qu'au conjoint survivant. À partir de 1988, tous les mineurs des Charbonnages de France ont été fortement incités à souscrire un contrat de rachat-viager de ces indemnités sous forme de capital pour aider à l'accession à la propriété dans le cadre de la récession imposée à l'industrie minière et de la cession de son immense patrimoine immobilier. Le contrat, dont le contenu a été précisé par une circulaire de Charbonnages de France du 9 février 1988, a fixé un système de coefficient de capitalisation pour déterminer le capital-rachat de ces indemnités. Cependant, le Conseil d'État a jugé cette circulaire illégale le 5 juin 2009 (arrêt n° 312990) car prise par une autorité incompétente. La loi de finances n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 a aussi permis d'abandonner la notion de viager pour celle de contrat de capitalisation, introduisant le principe d'une fin de remboursement. Depuis plus de 20 ans, des centaines de contentieux et actions judiciaires demandent donc le rétablissement du versement des indemnités, après amortissement du capital, par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM), qui a succédé à Charbonnages de France en 2004. Après plusieurs décisions de justice favorables aux ayants droit, dont trois arrêts de la Cour de cassation en 2013 (R. Nadolski) 2014 (R. Hilpert) et 2016 (F. Cathani), la cour d'appel de Nancy, le 31 janvier 2018, a invoqué la prescription. Ces jugements ont permis de mettre en évidence les difficultés d'interprétation des contrats et une rupture du principe d'égalité de traitement par rapport au statut du mineur. Aujourd'hui, les procédures collectives ont été retirées. Plusieurs amendements aux projets de loi de finances ont tenté de corriger cette injustice et ont été adoptés de façon transpartisane - le 26 octobre 2023 par la commission des finances de l'Assemblée nationale (n° II-CF1592) et le 20 janvier 2025 en séance publique au Sénat (n° II-1797). Mais ils ont été écartés lors de l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution pour l'adoption des budgets 2024 et 2025. L'ANGDM a estimé le montant nécessaire à la reprise de ces versements aux 7 328 anciens mineurs et ayants droit concernés à 12 772 243 euros (13 114 910 euros en 2023), en diminution notable chaque année en raison de l'âge moyen des bénéficiaires, qui s'établit à 82 ans. Il souhaiterait connaître sa position sur le rétablissement du versement des indemnités prévues par le statut des mineurs après amortissement du capital réel perçu.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

ANCIENS MINEURS
M. le président . La parole est à M. Kévin Pfeffer, pour exposer sa question, no 268, relative aux anciens mineurs.

M. Kévin Pfeffer . J'appelle votre attention sur un dossier qui fait débat depuis plusieurs années ; pendant ce temps, plusieurs milliers d'anciens mineurs et leurs ayants droit se trouvent pénalisés. Il s'agit du versement de la prime chauffage et de l'indemnité logement prévus par le statut du mineur de 1946.

À partir de 1988, tous les mineurs de Charbonnages de France ont été fortement incités à souscrire un contrat de rachat-viager de ces prestations sous forme de capital pour les aider à accéder à la propriété. Ces contrats, dont le contenu a été précisé par une circulaire du 9 février 1988, ont fixé un système de coefficient pour déterminer le capital-rachat. Cependant – première embûche –, le Conseil d'État a jugé cette circulaire illégale dès 2009 pour cause d'incompétence de l'autorité qui l'avait émise. En outre, la loi de finances pour 2008 a permis d'abandonner la notion de viager pour celle de contrat de capitalisation, introduisant ainsi le principe de la fin du remboursement.

Dès lors, depuis plus de vingt ans, des centaines de contentieux et d'actions judiciaires demandent légitimement le rétablissement du versement des indemnités, après amortissement du capital. Il y a d'ailleurs eu des décisions de justice favorables aux ayants droit : ce fut le cas de trois arrêts de la Cour de cassation pris respectivement en 2013, en 2014 et en 2016. Mais depuis 2018, un arrêt de la cour d'appel de Nancy invoquant la prescription a mis fin aux espoirs judiciaires des anciens mineurs.

Je précise que les procédures collectives ont été retirées, que plusieurs amendements ont été déposés à l'occasion des différents projets de loi de finances pour corriger cette injustice et qu'ils ont été adoptés de façon transpartisane à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Il existe donc une majorité parlementaire pour rectifier cette injustice, mais ces amendements ont été écartés par les 49.3 de Mme Borne puis de M. Bayrou.

L'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) a estimé à 12,7 millions d'euros le montant nécessaire à la reprise de ces versements. Cette somme était de 13,1 millions l'an dernier : elle diminue notablement chaque année en raison de l'âge moyen des bénéficiaires, qui s'établit à 82 ans.

Je souhaiterais donc que votre gouvernement puisse enfin réparer cette injustice. Il est dans les compétences du ministère de l'économie d'allouer des crédits supplémentaires à l'ANGDM pour la reprise de ces versements. Le sort de ce dossier relatif aux anciens mineurs, qui ont tant donné pour la prospérité de notre pays, est entre vos mains.

M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . Vous m'interrogez sur la possibilité de reprendre le versement des prestations de chauffage et de logement des anciens mineurs de charbon ayant opté pour un contrat de capitalisation, dont vous avez rappelé l'historique.

Dans le cadre du statut du mineur, des prestations de logement et de chauffage sont dues à vie aux anciens de la profession. Il y a une trentaine d'années, certains mineurs ont délibérément signé un contrat prévoyant le rachat de ces avantages sous forme de capitalisation. Ce rachat était alors un dispositif optionnel, aucunement imposé par l'employeur. Certains mineurs l'ont choisi car il était avantageux. Grâce à la capitalisation, ils ont pu disposer immédiatement d'un capital au moment de leur retraite, ce qui a leur a permis, par exemple, d'acquérir un bien immobilier. La contrepartie du choix de la capitalisation est un renoncement définitif et en toute connaissance de cause au versement des indemnités de chauffage et de logement.

Par ailleurs, la Cour de cassation a définitivement tranché la question du retour aux indemnités après l'âge retenu pour le calcul du capital. Pour toutes ces raisons, il n'est pas possible d'envisager un retour au versement des indemnités logement pour les mineurs ayant opté de leur plein gré pour la capitalisation.

M. le président . La parole est à M. Kévin Pfeffer.

M. Kévin Pfeffer . Je suis peiné et très gêné de répéter année après année à ces mineurs qui se battent pour qu'on respecte leurs droits – qui, vous l'avez dit, sont acquis à vie dans le cadre du statut du mineur – que les gouvernements successifs ne sont pas disposés à les rétablir.

Les gouvernements font preuve de beaucoup de cynisme dans ce dossier. Vous devez certainement vous dire qu'après avoir épuisé les demandeurs dans des procédures judiciaires interminables, il suffit d'attendre quelques années en maintenant le statu quo car, après tout, la démographie éteindra naturellement ce problème dans un avenir proche.

Pourtant, l'État est responsable des séquelles laissées par l'industrie minière. En évoquant cette question, je pense à un autre dossier qui attend depuis plus de trente ans et qui concerne particulièrement la commune de Rosbruck, dans ma circonscription. Je pense aux dix-sept années de procédure pendant lesquelles les avocats de l'État se sont acharnés contre des dizaines de sinistrés dont le patrimoine immobilier a été endommagé par l'exploitation minière, qui vivent depuis des décennies dans des maisons fortement penchées, parfois à la limite de l'insalubrité, et dans des zones touchées par la remontée des nappes phréatiques. Dans ce dossier aussi, dix-huit plaignants sont décédés avant le dénouement des procédures judiciaires.

Je dénonce avec vigueur cette politique de la montre qui gâche des vies entières alors que, dans le même temps, vous laissez l'argent des Français filer vers de bien moins nobles causes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

Données clés

Auteur : M. Kévin Pfeffer

Type de question : Question orale

Rubrique : Mines et carrières

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 mars 2025

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