Question au Gouvernement n° 269 :
Situation à Mayotte

17e Législature

Question de : Mme Mathilde Panot
Val-de-Marne (10e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Question posée en séance, et publiée le 18 décembre 2024


SITUATION À MAYOTTE

Mme la présidente . La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot . Le cyclone Chido laisse Mayotte dévastée. La France pleure ses bien trop nombreuses vies arrachées au monde. Nos pensées se tournent vers les familles des disparus et vers ceux qui attendent des nouvelles de leurs proches. Nous saluons le courage des secouristes. La situation des survivants est dramatique : des bidonvilles transformés en cimetières, plus de 100 000 personnes sans toit ni eau, trois jours dans le noir, un système de santé réduit à néant, la faim et les épidémies qui menacent.

Monsieur le premier ministre, cette catastrophe n'est pas naturelle, elle est politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Dominique Voynet applaudit également.)

M. François Cormier-Bouligeon . Ce n'est pas possible !

M. Vincent Descoeur . Scandaleux !

Mme Mathilde Panot . Politique dans son déroulement, d'abord, depuis les nombreuses personnes qui ne se sont pas rendues dans les abris de la préfecture, par peur d'être prises au piège et expulsées, jusqu'au sous-investissement chronique, depuis des années, dans le département le plus pauvre de France – une personne sur trois n'avait déjà pas accès à l'eau potable et 40 % des logements étaient des habitats précaires.

M. Ian Boucard . Pourquoi ne pas avoir soutenu Wuambushu, alors ?

Mme Mathilde Panot . Politique dans ses causes, ensuite : le changement climatique ne vient pas de nulle part. Nous ne sommes pas devant le cyclone du siècle, nous sommes entrés dans le siècle des cyclones, des ouragans et de la montée des eaux. (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Dominique Voynet et M. Stéphane Peu applaudissent également.)

M. Thibault Bazin . On ne peut pas raconter n'importe quoi ! Un cyclone n'est pas une catastrophe politique !

Mme Mathilde Panot . Des questions surgissent déjà : pourquoi la grande loi de prévention des catastrophes naturelles en outre-mer, promise en 2018 par Emmanuel Macron, n'a-t-elle jamais vu le jour ? Pourquoi la délégation interministérielle aux risques majeurs outre-mer, créée en 2019, a-t-elle été dissoute ? Pourquoi la commission d'enquête sur les risques naturels majeurs en outre-mer, que nous avions obtenue à l'initiative de Jean-Philippe Nilor, a-t-elle été sabotée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

À cet instant et avant tout, la République doit porter secours par tous les moyens à Mayotte et à ses habitants. Dans ce contexte, monsieur le premier ministre, vous n'auriez pas dû vous rendre à Pau pour conserver un mandat mais à la réunion de crise de l'Élysée pour assumer votre nouveau rôle. (Mêmes mouvements.) Le mépris est éprouvé d'autant plus rudement quand la souffrance est là.

« Ce n'est pas par la tête que les civilisations pourrissent. C'est d'abord par le cœur » écrivait le grand poète Aimé Césaire. Notre cœur est tout entier avec Mayotte. Nous apportons notre solidarité à tous ses habitants et demandons que tout soit mis en œuvre pour sortir de ce cataclysme et prévenir les suivants. (Les députés du groupe LFI-NFP ainsi que Mmes Sabrina Sebaihi et Dominique Voynet se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre.

M. François Bayrou, premier ministre . Madame Panot, madame la présidente, vos mots sont justes sur la situation des Mahorais. Mayotte est en effet le département le plus pauvre de France, et non sans raison. Dernier département à avoir rejoint la France, il a entamé son développement plus tard que les autres, dans conditions socio-économiques assez peu favorables, en partie liées à sa situation géographique. Je me joins donc à vos regrets sur le fait que, ces trente ou quarante dernières années, l'île n'a bénéficié d'aucun véritable modèle de développement.

Ensuite, vous avez eu une petite phrase polémique, à laquelle je voudrais répondre.

Mme Sarah Legrain . Ce n'était pas polémique !

M. François Bayrou, premier ministre . C'est extrêmement simple : j'étais à la réunion de crise avec le président de la République ; j'y ai participé de la première à la dernière minute, mais en visio, comme le ministre de l'intérieur, lui aussi en visio depuis l'île de La Réunion.

M. Thibault Bazin . Le ministre de l'intérieur a été à Mayotte, lui !

M. François Bayrou, premier ministre . Je suis contraint de vous rappeler que Pau est en France (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS)

Mme Christine Arrighi . Mayotte, c'est où ?

M. François Bayrou, premier ministre . …et que s'y tenait, hier soir, comme dans la plupart des communes de France, un conseil municipal pour voter le budget.

Mme Dominique Voynet . Vous n'avez pas de premier adjoint ?

M. Alexis Corbière . Vous n'êtes pas irremplaçable !

M. François Bayrou, premier ministre . Si je m'étais rendu à la mairie du 7e arrondissement ou à celle de Neuilly-sur-Seine, vous n'auriez rien trouvé à redire (« Si ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

Permettez-moi de vous dire qu'existe entre les provinciaux et les cercles du pouvoir parisiens une rupture que sans doute vous ne percevez pas… (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Inutile de crier, même si nous avons des opinions différentes. Je suis de ceux qui pensent que l'on ne doit pas séparer la province et le cercle des pouvoirs, à Paris. (Les exclamations redoublent et gagnent plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)

Mme Marie Pochon. Ce n'est pas le sujet !

Mme Sabrina Sebaihi . Mais vous êtes premier ministre !

M. Thibault Bazin . Il s'enfonce…

Mme Mathilde Panot . Et les morts de Mayotte ?

M. François Bayrou, premier ministre . Vous pouvez vous égosiller, mais le ministre de l'intérieur était à Mayotte, le président de la République dirigeait la réunion de crise et j'y participais.

Si j'ai présidé le conseil municipal de ma ville, de dix-neuf à vingt-trois heures, c'est que, ce faisant, j'étais à ma place de citoyen. J'ai bien l'intention de défendre cette idée que la citoyenneté ne se divise pas entre ce que l'on fait à Paris et nos responsabilités de citoyen sur le terrain. C'est un enjeu crucial pour notre avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)

Données clés

Auteur : Mme Mathilde Panot

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 décembre 2024

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