Question orale n° 270 :
Protection des captages d'eau potable : situation de la source de Lucérat

17e Législature

Question de : M. Fabrice Barusseau
Charente-Maritime (3e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Fabrice Barusseau attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur l'implantation d'activité industrielle polluante sur les aires d'alimentation de captage d'eau destinée à la consommation humaine. Le bilan environnemental de la France, publié en mars 2024, montre qu'en quarante ans : 13 000 captages ont été abandonnés, sur 32 900 captages utilisés pour l'alimentation en eau potable ; 32,3 % d'entre eux ont été fermés à cause d'une dégradation de la qualité de la ressource (dont 40,8 % du fait de teneurs excessives en nitrates ou pesticides) ; 500 millions à 1 milliard d'euros par an sont dépensés par l'État et les collectivités territoriales pour le traitement des eaux contaminées. Dégradation, fermeture, surcoût financier : l'état des captages d'eau oblige à davantage de prévention. Le principe de précaution est nécessaire. Sur la circonscription de Charente-Maritime de M. le député, le captage de Lucérat alimente la communauté d'agglomération de Saintes en eau potable pour 62 000 habitants, plus une partie du littoral atlantique. L'aire d'alimentation du captage s'étend sur 5 870 ha, dont 4 200 ha de surface agricole utile. La vulnérabilité de la nappe de Lucérat se traduit par une concentration moyenne en nitrates et une tendance générale à l'augmentation. Des périmètres de protection ont été définis pour lutter contre les pollutions chroniques et accidentelles. En 2017, l'aire d'alimentation du captage ainsi que les zones vulnérables ont été délimitées afin de prioriser la lutte contre les pollutions diffuses d'origine agricole, dans le cadre du programme Re-Sources et conduisant à la mise en œuvre de productions agricoles plus respectueuses de l'environnement. Des zones prioritaires ont été identifiées, dont la zone de très forte vulnérabilité des Charriers qui fait l'objet de l'intervention de M. le député aujourd'hui. Les agriculteurs sont souvent mis en cause dans les affaires de pollution des eaux, or certaines industries ont leur part de responsabilité et manquent à leur devoir de vigilance. Comme le monde agricole, les entreprises, quelles qu'elles soient, doivent s'efforcer de préserver les ressources. Depuis février 2025, sur cette zone sensible, la société Eurovia souhaite implanter une centrale à bitume produisant jusqu'à 50 000 tonnes d'enrobé donc à fort impact pour l'environnement et la santé des habitants, notamment au regard de la nature du sol, le risque de pollution rapide est élevé. L'enquête publique, portant un avis défavorable, a été annulée puis relancée. Les règles de la procédure n'ayant pas été respectées. Par ailleurs, cette entreprise, bien que propriétaire du terrain visé, n'a pas étudié les alternatives possibles à la zone d'implantation. Également, elle n'a pas attendu les conclusions de l'enquête pour débuter son installation sur site. Cette entreprise, filiale de Vinci, serait-elle au-dessus des lois ? Ainsi, il souhaite qu'elle puisse lui indiquer, avant que la nouvelle procédure d'enquête d'utilité publique ne se clôture, quelles sont les mesures prises par l'État quant à la protection des captages et les recommandations de bonnes pratiques à tenir qu'elle recommanderait aux entreprises ; il attend que l'État réaffirme la protection des captages en eau potable comme priorité et demande à ce grand groupe d'installer ailleurs cette activité à très haut risque, au titre du principe de précaution.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

SOURCE DE LUCÉRAT
M. le président . La parole est à M. Fabrice Barusseau, pour exposer sa question, no 270, relative à la source de Lucérat.

M. Fabrice Barusseau . Je souhaite appeler votre attention sur l'implantation d'activités industrielles polluantes sur les aires d'alimentation des captages d'eau destinée à la consommation humaine.

Le bilan environnemental de la France, publié en mars 2024, montre que 13 000 des 32 900 captages utilisés pour l'alimentation en eau potable ont été abandonnés en quarante ans. Il souligne également que 32,3 % de ces fermetures sont liées à une dégradation de la qualité de la ressource. Chaque année, l'État et les collectivités territoriales dépensent 500 millions à 1 milliard d'euros pour le traitement des eaux contaminées. Dégradations, fermetures, surcoûts financiers : l'état de nos captages d'eau doit nous faire prendre conscience de l'importance de la prévention et du nécessaire respect du principe de précaution.

Dans ma circonscription en Charente-Maritime, le captage de Lucérat alimente en eau potable les 62 000 habitants de la communauté d'agglomération de Saintes, ainsi qu'une partie du littoral atlantique.

L'aire d'alimentation du captage s'étend sur 5 800 hectares, dont 4 200 hectares de surface agricole utile. La nappe de Lucérat est vulnérable, la concentration moyenne de l'eau en nitrates y étant en hausse.

Des périmètres de protection ont été définis pour lutter contre les pollutions chroniques et accidentelles. La délimitation de l'aire d'alimentation du captage, et des zones vulnérables alentour, a été effectuée en 2017 afin de lutter contre les pollutions diffuses d'origine agricole, le programme Re-Sources visant à développer les productions agricoles plus respectueuses de l'environnement.

Des zones prioritaires ont été identifiées, dont la zone des Charriers, très vulnérable, objet de mon intervention.

Si les agriculteurs sont souvent mis en cause dans la pollution des eaux, certaines industries ont leur part de responsabilité et manquent à leur devoir de vigilance. Comme le monde agricole, les entreprises, quelles qu'elles soient, doivent s'efforcer de préserver nos ressources.

Depuis février, dans cette zone sensible, la société Eurovia souhaite implanter une centrale à bitume produisant jusqu'à 50 000 tonnes d'enrobé, à fort impact pour l'environnement et la santé des habitants. Or, du fait de la nature du sol, le risque de pollution rapide est élevé.

L'enquête publique a été annulée puis relancée, les règles de la procédure n'ayant pas été respectées. En outre, bien que propriétaire du terrain, l'entreprise n'a pas étudié de possibles alternatives. Enfin, elle n'a pas attendu les conclusions de l'enquête pour débuter son installation sur site. Cette entreprise, filiale de Vinci, serait-elle au-dessus des lois ?

Avant que la nouvelle enquête d'utilité publique ne s'achève, quelles mesures l’État a-t-il prises pour protéger les captages ? Quelles bonnes pratiques recommanderiez-vous aux entreprises ?

J'attends que l'État réaffirme que la protection des captages en eau potable est une priorité et demande à ce grand groupe d'installer cette activité à très haut risque ailleurs, au nom du principe de précaution.

Enfin, je rappelle que le président de l'agence de l'eau Adour-Garonne, ainsi que le syndicat départemental d'eau potable Eau17, ont déjà rendu un avis défavorable au projet, la date de fin d'enquête publique étant fixée au 1er avril.

M. le président . La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire . Ma collègue Agnès Pannier-Runacher vous prie de bien vouloir excuser son absence ; elle m'a demandé de vous répondre en son nom.

La protection des captages d'eau potable contre les pollutions est une priorité pour le gouvernement, qui favorise l'approche préventive plutôt que curative. Alors que les molécules recherchées sont de plus en plus nombreuses, nous devons privilégier une approche captage par captage, ciblée, là où la situation est la plus sensible. C'est le sens du travail interministériel engagé par les ministères en charge de l'environnement, de l'agriculture et de la santé.

Il s'agit de délimiter précisément les aires de captage sensibles afin de mieux cibler les actions, prioriser et protéger les captages menacés, mais aussi d'accompagner les acteurs locaux pour leur permettre d'adopter des pratiques respectueuses de la ressource en eau.

Concernant le captage de Lucérat, le projet que vous évoquez – une centrale temporaire d'enrobé – est soumis au régime de l'enregistrement des installations classées pour la protection de l'environnement.

Le dossier est soumis à la consultation du public jusqu'au 31 mars 2025. Le projet respecte les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 2 juillet 2018 relatif à la protection de la source de Lucérat. Le captage n'est donc pas affecté par l'activité.

En outre, sur ce site, le rejet des eaux pluviales est encadré par un arrêté préfectoral du 15 juin 2023, pris après avis favorable de l'hydrogéologue agréé, portant prescriptions particulières concernant l'aménagement d'une plateforme d'accueil de centrale d'enrobé sur la commune de Saintes. Ce texte prévoit la collecte des eaux pluviales dans un bassin de rétention étanche et définit les conditions des rejets dans le milieu naturel en dehors du périmètre de protection rapprochée du captage.

Soyez assuré que la préservation de la qualité de la ressource en eau fait l'objet d'une attention particulière des services de l'État, sous l'égide du préfet.

Données clés

Auteur : M. Fabrice Barusseau

Type de question : Question orale

Rubrique : Eau et assainissement

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mars 2025

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