Demande d'autorisation de tirs simples et renforcés pour les éleveurs de bovins
Question de :
M. Christian Girard
Alpes-de-Haute-Provence (1re circonscription) - Rassemblement National
M. Christian Girard appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur la situation dramatique des éleveurs de bovins des Alpes-de-Haute-Provence face à la prédation du loup. Ce territoire provençal, bastion historique du pastoralisme en France, figure malheureusement en tête de liste des départements les plus touchés au niveau national. Aujourd'hui, c'est un pan entier de l'économie rurale qui est menacé en raison de la prédation du loup et de la multiplication anarchique des attaques sur les troupeaux, au point que l'élevage pastoral bovin risque de disparaître. La problématique de l'inégalité de traitement dont souffrent les éleveurs de bovins, sur le plan de la protection autant que de l'indemnisation, est devenue inacceptable. De récentes études montrent que le loup s'attaque de plus en plus fréquemment aux bovins, avec une hausse significative des attaques ces derniers mois dans le principal bassin des Alpes-de-Haute-Provence. Trop d'éleveurs ont assisté, impuissants, au massacre d'une partie de leur troupeau. Concernant les bovins, le plan loup 2024-2029, le plus récent PNA, précise à la page 19 qu'il n'existe toujours pas à ce jour de schéma de protection techniquement valide et éprouvé. L'idée d'utiliser des chiens de protection, mentionnée dans le PNA, n'est pas toujours adaptée pour sécuriser un troupeau de bovins, car ceux-ci ne peuvent être confinés dans un périmètre restreint entouré d'un filet. Leurs pâturages peuvent s'étendre sur plusieurs hectares. Chaque mise à mort d'un animal représente non seulement une perte économique, mais aussi un traumatisme pour les hommes et femmes attachés à leur troupeau. Les dommages collatéraux sont innombrables : blessures au sein du troupeau, avortements, stérilité résultant du stress subi par les animaux pourchassés, accidents concernant les chiens de troupeau et de protection. Les accidents de travail sont nombreux et souvent graves, compte tenu de la réaction dangereuse et soudaine des bovins agressés, sans oublier la détresse psychologique de l'éleveur et de sa famille. Les éleveurs éprouvent un véritable sentiment de désarroi et d'abandon, se sentant condamnés à attendre une première attaque pour prétendre au tir de défense simple. Cette situation n'est plus supportable ni acceptable. Une solution efficace et pragmatique doit être adoptée en urgence pour aider ces éleveurs, notamment à travers une simplification de la mise en œuvre des tirs. À cet effet, M. le député demande que les éleveurs de bovins, qu'ils aient subi une attaque ou non au cours de l'année écoulée, puissent être formés pour accéder au droit de tir simple et à l'utilisation d'armes équipées de dispositifs de visée nocturne. Il souhaite également qu'un éleveur, victime d'une première attaque à proximité d'un troupeau déjà prédaté, puisse solliciter un tir de défense renforcé pour son propre troupeau ; il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.
Réponse publiée le 20 mai 2025
La détresse des éleveurs est réelle et compréhensible. L'État est à leurs côtés, conscient de l'impact de la prédation par le loup sur leur activité, notamment en termes économiques, psychologiques et d'adaptation des pratiques agricoles. La population lupine, si elle semble se stabiliser d'après la nouvelle estimation 2024 de l'office français de la biodiversité (OFB) établie à un effectif moyen de 1 013 individus, a connu ces dernières année une augmentation ainsi qu'une expansion géographique. Cela a pour conséquence un nombre élevé de dommages aux troupeaux dont le bilan provisoire pour 2024 se chiffre à environ 12 000 animaux prédatés avec une augmentation en front de colonisation. Attentif à cette situation, l'État souhaite un accompagnement fort des éleveurs, autant pour prévenir que pour indemniser. C'est le sens du plan national d'actions (PNA) loup et activités d'élevage 2024-2029 qui vise à trouver le juste équilibre entre préservation de l'espèce et maintien de l'activité d'élevage. À cette fin, le ministère chargé de l'agriculture accompagne financièrement les éleveurs pour la mise en place de mesures de protection des troupeaux. Cette politique repose sur un triptyque de moyens de protection : gardiennage, mise en place de parcs électrifiés et recours aux chiens de protection des troupeaux. Ainsi, l'aide à la protection des troupeaux contre la prédation a été maintenue et renforcée dans la nouvelle programmation de la politique agricole commune. Cette aide permet le financement du gardiennage par les bergers, de l'achat de clôtures, de l'achat et de l'entretien de chiens de protection, ainsi que la réalisation d'étude de vulnérabilité et d'un accompagnement technique. Malgré les nombreux efforts des éleveurs pour protéger leur troupeau, des difficultés réelles de protection de certains troupeaux subsistent. Aussi, l'objectif du PNA loup et activités d'élevage 2024-2029 est de délivrer les autorisations de tirs dans les meilleurs délais dès lors que les conditions préalables en termes de protection des troupeaux sont réunies. Pour l'année 2025, suite à la nouvelle estimation établie par l'OFB sur la base d'une nouvelle méthode plus solide scientifiquement, le plafond de spécimens pouvant être détruit est fixé à 192. Afin également d'apporter des réponses aux éleveurs bovins qui font l'objet de prédation, en l'absence d'un référentiel de protection validé, l'État souhaite faciliter l'accès aux autorisations de tirs de défense. Pour tenir compte des dispositions particulières pour les bovins et équins en matière de dérogation aux interdictions de destruction, sans reconnaître pour autant une non-protégeabilité générale pour ces troupeaux, l'arrêté fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) a été modifié et publié en février 2025. Enfin, étant donné la remise en question de la vitalité de certains territoires face à ce phénomène de prédation, l'adaptation du statut de protection de l'espèce à son état de conservation réel dans les textes internationaux (Convention de Berne) et européens (directive Habitats) qui définisse sa protection est importante. Aussi, suite à la réunion du comité permanent de la Convention de Berne, la proposition d'abaissement du niveau de protection du loup portée par la Commission sur demande des États membres a été adoptée en mars 2025. Les États membres ont approuvé, le 16 avril 2025, la proposition de la Commission européenne de révision du statut de protection du loup dans le cadre de la directive Habitats. Ils devront néanmoins continuer à garantir un état de conservation favorable au loup et appliquer des mesures de surveillance pouvant conduire à des interdictions temporaires ou locales de chasse. Les soutiens de l'UE resteront disponibles pour les mesures de coexistence et de prévention, et les aides d'État destinées à indemniser les agriculteurs concernés par des attaques pourront être maintenues. Le Parlement européen a soutenu la proposition de la Commission européenne le 8 mai 2025. Le Gouvernement français suit avec attention ce processus de révision pour qu'il puisse aboutir à une mise en œuvre à l'échelle nationale dans les meilleurs délais.
Auteur : M. Christian Girard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 10 décembre 2024
Réponse publiée le 20 mai 2025