Question écrite n° 2727 :
Révision des barèmes d'aides pour le chauffage au bois domestique

17e Législature

Question de : Mme Géraldine Grangier
Doubs (4e circonscription) - Rassemblement National

Mme Géraldine Grangier attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences préoccupantes de la révision annoncée des barèmes d'aides pour le chauffage au bois domestique, notamment dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov'. Depuis le 1er avril 2024, le montant des aides allouées à l'installation d'appareils de chauffage au bois a été réduit de 30 %. Une nouvelle diminution, cette fois-ci de 20 %, est envisagée à partir du 1er janvier 2025. En moins d'un an, cette décision entraînerait une réduction cumulée de 50 % des subventions accordées pour l'installation d'équipements performants tels que les poêles et chaudières à granulés de bois. Or le bois est une énergie locale, durable et compétitive. Le bois énergie est depuis longtemps reconnu comme une source de chauffage durable, économique et résiliente. Plusieurs arguments plaident en faveur de son maintien comme solution prioritaire. Premièrement, l'économie et le pouvoir d'achat des ménages : malgré la volatilité des prix de l'énergie, les granulés de bois se sont stabilisés autour de 350 euros la tonne. Cette énergie reste ainsi deux à trois fois moins coûteuse que le gaz, le fioul ou l'électricité. Pour les foyers les plus modestes, elle représente une solution viable et accessible pour chauffer leur logement. Deuxièmement, l'impact environnemental : avec des émissions moyennes de 26 g de CO2 par kWh, les granulés de bois s'imposent comme une des solutions les moins carbonées. À titre de comparaison, l'électricité produite par des centrales fossiles, ainsi que les combustibles comme le gaz ou le fioul, génèrent des émissions nettement supérieures. Troisièmement, la souveraineté énergétique : 85 % des granulés consommés en France sont produits sur le territoire national, souvent dans un rayon de moins de 200 km entre le site de production et les lieux de consommation. Ce bilan logistique renforce notre autonomie énergétique et réduit notre dépendance aux importations de combustibles fossiles. Quatrièmement, l'économie circulaire et la valorisation des déchets : la production de granulés repose sur l'utilisation de coproduits issus de l'industrie forestière (sciures, chutes de bois), ce qui évite leur mise en décharge et optimise l'utilisation des ressources naturelles. Il s'agit en outre d'une décision contradictoire avec les objectifs de transition énergétique. La réduction drastique des aides au chauffage au bois, sans distinction de performance ni de type d'usage, envoie un signal contradictoire. Elle semble ignorer les recommandations du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), qui préconise de maintenir le soutien au chauffage au bois domestique moderne, à condition qu'il remplace des systèmes plus émetteurs de CO2. Le chauffage au bois contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre (les équipements modernes, couplés à des combustibles de qualité, permettent de diviser par trois ou quatre les émissions de particules fines par rapport aux appareils obsolètes), limiter la pression sur le réseau électrique (face à la montée en puissance des pompes à chaleur, le chauffage au bois joue un rôle clé en diversifiant les solutions de chauffage et en réduisant les risques de pics de demande électrique). En décidant de réorienter la biomasse forestière vers des usages industriels, notamment pour la décarbonation des grands sites industriels, le Gouvernement prend le risque d'opposer deux objectifs pourtant complémentaires : celui de réduire les émissions industrielles et celui de décarboner le chauffage résidentiel. Cette décision aurait par ailleurs un impact économique et social désastreux pour la filière bois et les territoires ruraux. Le Doubs, comme d'autres départements ruraux, est directement concerné par cette révision. La filière bois, qui repose sur une économie locale et circulaire, risque de subir des pertes significatives. Selon les données du secteur, en 2023, les ventes de poêles ont chuté de 60 % et celles de chaudières de 70 % par rapport à 2022. Une telle contraction du marché pourrait entraîner des fermetures d'entreprises, mettant en péril des centaines d'emplois dans les zones rurales. Cette révision du barème générerait une économie budgétaire limitée face aux pertes induites. La justification avancée par le Gouvernement, selon laquelle cette révision permettrait d'économiser 40 à 50 millions d'euros annuels, est contestable. À long terme, les pertes en recettes de TVA liées à la diminution des ventes d'appareils de chauffage, couplées aux coûts sociaux des fermetures d'entreprises, risquent de surpasser les économies espérées. Cette mesure irait à l'encontre des attentes des acteurs de la filière. Plusieurs associations professionnelles ont exprimé leur désarroi face à cette décision. Elles réclament une concertation avec les parties prenantes avant toute modification des barèmes, une approche différenciée, qui maintienne le soutien aux équipements modernes et performants et un plan de transition clair, intégrant le chauffage au bois comme une solution d'avenir et non comme un concurrent des usages industriels. Il faut assurer une cohérence nécessaire dans la politique énergétique. La politique énergétique nationale gagnerait à clarifier ses priorités, en adoptant une vision équilibrée et pragmatique. Une opposition stérile entre les usages industriels et résidentiels de la biomasse risquerait de compromettre les deux objectifs. En conséquence, elle lui demande si le Gouvernement envisage de reconsidérer cette révision du barème MaPrimeRénov', notamment pour les équipements modernes et performants, quelles mesures d'accompagnement seront mises en œuvre pour éviter les répercussions sociales et économiques sur la filière bois et comment le Gouvernement compte articuler les objectifs de décarbonation industrielle et résidentielle, sans sacrifier l'un au profit de l'autre.

Réponse publiée le 18 février 2025

La décarbonation du chauffage des bâtiments, et notamment des logements individuels, est une nécessité pour atteindre nos objectifs climatiques. Ces dernières années, sous l'impulsion notamment des aides publiques renforcées, le chauffage à partir de biomasse solide a contribué en partie au remplacement d'équipements fossiles. Le projet de Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC3), récemment mis en consultation, prévoit un accroissement nécessaire de l'offre de biomasse utilisable à des fins énergétiques pour répondre à la hausse de la consommation et au développement d'usages décarbonés à base de biomasse. Le projet de SNBC3 pose également l'objectif de parvenir au « bouclage biomasse », soit un équilibre global entre l'offre et la demande de biomasse sur le territoire hexagonal, quatrième surface forestière de l'UE et première surface agricole utile. Ceci est un enjeu de souveraineté énergétique majeur, afin de ne pas faire reposer l'approvisionnement en biomasse sur un volume trop important d'imports. Les travaux relatifs à la SNBC3 sur le bouclage biomasse montrent que des tensions sur la ressource en biomasse apparaissent dès l'horizon 2030. Face à ce constat, le projet de SNBC3 pose le principe de hiérarchisation des usages de la biomasse qui distingue les utilisations de la biomasse selon trois grandes catégories : les usages à considérer en priorité, les usages à développer raisonnablement et sous conditions et les usages dont le développement est à modérer. Parmi les usages prioritaires consommateurs de bois-énergie, on trouve la chaleur haute température pour l'industrie et les réseaux de chaleur, tandis que le chauffage résidentiel et tertiaire est classé dans les usages « à développer raisonnablement » (pour les chauffages et équipements de fourniture d'eau chaude sanitaires, ECS, performants) et « à modérer » (pour les chauffages et ECS non performants). Pour tenir compte de cela, il convient de mobiliser le maximum de récolte forestière, de bois en fin de vie (bois-déchet) et de bois bocager ou issu de l'agroforesterie, d'isoler davantage les logements, de choisir les équipements les plus efficaces, mais aussi de diriger au maximum les flux de biomasse vers les usages considérés comme prioritaires par le projet de SNBC3. Il s'agira également de privilégier l'installation de nouveaux équipements individuels fonctionnant à partir de biomasse forestière lorsqu'ils viennent en substitution d'équipements biomasse existants, afin d'en améliorer la performance, tout en tenant compte de l'importance du chauffage au bois dans le monde rural, où il constitue une source de chauffage à coût abordable et un débouché économique pour la gestion des petites propriétés forestières privées. Par ailleurs, les contraintes budgétaires conduisent à devoir prioriser au mieux. Il a été ainsi décidé de diminuer les aides du dispositif MaPrimeRénov pour équipements de chauffage fonctionnant à base de biomasse (chaudières, équipements de chauffage ou de fourniture d'eau chaude sanitaire indépendants, poêles et cuisinières à granulés et à bûches, foyers fermés et inserts). L'arrêté du 4 décembre 2024 modifiant l'arrêté du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique indique les nouveaux montants de la prime en fonction des catégories de ménages, ainsi que le plafond de dépense éligible. La baisse atteinte est de l'ordre de 30 % des montants de la prime, pour toutes les catégories de ménages. Cela ne remet toutefois pas en cause la possibilité des ménages d'acquérir ces équipements s'ils le souhaitent (pas de contrainte réglementaire), ni la TVA réduite sur le bois de chauffage, ni l'éco-prêt à taux zéro. Ces orientations ne remettent pas non plus en cause le soutien plus général à la filière bois-énergie française, vecteur important pour la décarbonation de notre économie, qui bénéficie notamment des subventions du Fonds Chaleur pour les grandes installations. Par ailleurs, l'installation d'autres sources d'énergie renouvelables, (géothermie, solaire thermique, pompe à chaleur électrique, pompe à chaleur hybride, etc.) est également soutenue.

Données clés

Auteur : Mme Géraldine Grangier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Économie, finances et industrie

Ministère répondant : Logement

Dates :
Question publiée le 10 décembre 2024
Réponse publiée le 18 février 2025

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