Heures de cours perdues du fait de non-remplacement de professeurs absents
Question de :
Mme Ayda Hadizadeh
Val-d'Oise (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Ayda Hadizadeh attire l'attention de Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les milliers d'heures de cours perdues par les élèves du primaire et du secondaire, en raison du non-remplacement de professeurs absents ou de professeurs qui n'ont pu être recrutés. À titre d'exemple, dans sa circonscription, les élèves de 4e et de 3e du collège du Parc en réseau d'éducation prioritaire (REP) ont perdu l'équivalent de 250 heures de cours de français depuis la rentrée scolaire. Dans l'école primaire du Nantouillet de Presles, les élèves actuellement en CM2 ont cumulé 55 jours d'enseignement perdus en deux ans, soit 14 jours par an en moyenne. Certains parents en sont à envisager le redoublement de leurs enfants de peur que ceux-ci ne décrochent au collège. Partout en France, les témoignages se multiplient : des milliers d'élèves manquent des heures de cours essentielles pour leur apprentissage. Le prédécesseur de Mme la ministre, M. Pap N'Diaye, avait évalué le nombre d'heures non assurées à 2 millions par an. Le discours du certains irresponsables consistant à blâmer les professeurs absents doit être dénoncé avec force : les professeurs ne sont pas « absentéistes », ils le sont même statistiquement moins que d'autres fonctionnaires. Mais, parce qu'ils sont essentiels, toute absence se fait plus durement ressentir, pour les élèves, pour leurs parents et pour la société. Si le système éducatif est aujourd'hui dans un état critique, c'est le résultat de choix politiques assumés depuis plus de 20 ans : dévalorisation salariale, suppression de 70 000 postes, conditions d'exercice du métier devenues plus difficiles etc. Aujourd'hui, la République n'est plus en mesure de tenir un de ses premiers devoirs : assurer un professeur devant chaque élève, pour l'ensemble des heures d'enseignement obligatoire. Cette désorganisation structurelle a d'ailleurs été reconnue par la justice. Le 10 avril 2024, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'État pour manquement à son obligation d'assurer la continuité du service public de l'éducation nationale, après la plainte de parents dont les enfants avaient été privés de plusieurs mois de cours, faute de remplacements. Mme la députée alerte Mme la ministre sur les conséquences dramatiques de ces heures perdues : baisse du niveau scolaire, creusement des inégalités entre élèves, augmentation du décrochage. L'incapacité à constituer un vivier suffisant de remplaçants désorganise les établissements, crée des tensions avec les familles et aggrave la crise d'attractivité du métier d'enseignant. Faudra-t-il, à l'avenir, que les parents d'élèves saisissent systématiquement la justice pour que l'État remplisse son obligation fondamentale : assurer à chaque enfant le droit à l'instruction ? Elle l'interroge donc sur l'estimation du nombre d'heures d'enseignement perdues depuis le début de l'année scolaire ; l'organisation prévue pour permettre aux élèves de rattraper les heures d'enseignement perdues cette année ; le plan d'action prévu pour réussir à recruter davantage d'enseignants en travaillant sur l'attractivité du métier.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
REMPLACEMENT DES ENSEIGNANTS ABSENTS
M. le président . La parole est à Mme Ayda Hadizadeh, pour exposer sa question, no 273, relative au remplacement des enseignants absents.
Mme Ayda Hadizadeh . Le hasard de l'ordre du jour fait bien les choses, puisque ma question porte sur le même sujet et que ma circonscription relève également de l'académie de Versailles.
Avec Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, nous sommes de celles qui ont conscience de tout devoir à l'école de la République. C'est grâce à elle que nous sommes qui nous sommes – peut-être est-ce également votre cas.
Comme de nombreux collègues, je vous alerte sur le fait que notre école a atteint un point de rupture, résultat de la logique comptable que nous lui appliquons depuis des années et qui a conduit à son abandon. Comme l'a rappelé Marie Lebec, nous n'arrivons plus à assurer le remplacement des enseignants absents.
Chaque année, ce sont des millions d'heures qui sont perdues : le prédécesseur de la ministre, M. Pap Ndiaye, avait évalué leur nombre à 2 millions.
Dans ma circonscription, les élèves de CM2 de Presles ont manqué cinquante-cinq jours d'enseignement en deux ans, les élèves de grande section de maternelle et de CP d'Éragny n'ont plus d'enseignant depuis le 23 janvier et les collégiens en réseau d'éducation prioritaire (REP) à Saint-Ouen-l'Aumône, où j'ai été adjointe au maire, ont manqué deux cent cinquante heures d'enseignement de français. Je pourrais continuer à égrener les cas, dans ma circonscription comme ailleurs.
Des parents se sont organisés pour compenser la faillite de l'État à assurer les heures d'enseignement obligatoire pour tous les élèves, pourtant sa mission première. Ils ont également porté plainte devant le tribunal administratif, au motif que leurs enfants avaient manqué plusieurs mois d'enseignement obligatoire. Le tribunal administratif leur a donné raison.
Faudra-t-il attendre que ces cas se multiplient pour que nous prenions conscience que le remplacement de tous les enseignants est la première action à mettre en place ?
Je le dis solennellement : celles et ceux qui veulent faire de l'absentéisme la cause de ce problème sont coupables. Les enseignants ne sont pas plus absents que les autres fonctionnaires – des chiffres prouvent même qu'ils le sont moins –, mais comme ils sont des travailleurs essentiels, leur absence se fait durement ressentir par les élèves, les parents et les autres enseignants, qui accueillent dans leurs classes les élèves sans professeur.
Le ministère de l'éducation nationale dispose-t-il d'un indicateur permettant de suivre, au jour le jour, les heures d'enseignement perdues ? À court terme, quelles sont les solutions proposées aux parents pour organiser, avec volontarisme, le rattrapage des heures d'enseignement perdu ? Enfin, à moyen et, je l'espère, à long terme, quel plan d'action est prévu pour mettre fin à cette situation intolérable pour une grande démocratie comme la nôtre, pour la République française ?
M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du premier ministre, porte-parole du gouvernement.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du premier ministre, porte-parole du gouvernement . Je vous ferai la même réponse qu'à votre collègue Marie Lebec, qui pointait, comme vous, le non-remplacement des enseignants dans l'académie de Versailles. Nous rencontrons des difficultés et le recrutement par concours est insuffisant pour les résoudre.
J'ai donné plus tôt les chiffres relatifs au recrutement d'enseignants contractuels et vous assure que le nombre d'heures perdues est très étroitement surveillé, au niveau de chaque académie et de chaque département.
Vous évoquez une compensation volontariste des heures d'enseignement non dispensé. Je voudrais appeler votre attention sur certaines mesures, même si celles-ci ne pourront pas être durables. Je pense d'abord aux activités pédagogiques complémentaires, qui permettent de soutenir les apprentissages et sont organisées dans des classes qui ont souffert trop longtemps d'une absence non compensée : elles occupent deux heures hebdomadaires, lors desquelles les professeurs prennent en charge le soutien des élèves les plus fragiles. Ce dispositif n'est pas suffisant, mais constitue une première solution.
À plus long terme se pose la question de l'attractivité du métier d'enseignant, dont le déficit est la source de toutes les difficultés rencontrées. En février, la ministre de l'éducation nationale a annoncé reprendre les concertations portant sur la formation des enseignants : nous espérons qu'elles débouchent, dès la prochaine rentrée, sur des améliorations. Dès juin 2026, un nouveau concours de recrutement sera ouvert ; il sera accessible en fin de troisième année de licence et ses lauréats profiteront d'un nouveau modèle de formation, dans lequel les nouveaux enseignants seront rémunérés dès leur entrée en première année de master. Nous espérons que ce changement permettra d'attirer de nouveaux enseignants de tous horizons, d'améliorer leur formation et de diminuer les sollicitations des brigades de remplacement. La ministre de l'éducation nationale et le premier ministre sont très attentifs à ces réformes de fond et de long terme.
M. le président . La parole est à Mme Ayda Hadizadeh.
Mme Ayda Hadizadeh . La formation des enseignants est l'un des aspects de l'attractivité de leur métier, mais n'est pas le seul. Nous devons impérativement prendre le temps d'interroger les enseignants au sujet de leur charge de travail. Une revalorisation de leur salaire améliorera la situation, mais leur charge mentale est réelle : ils ressentent toujours plus vivement une lourdeur administrative qui pourrait être allégée.
La réflexion sur l'attractivité du métier d'enseignant doit partir de la réalité de celui-ci et passer par la sollicitation de ces professionnels de terrain. Je vous remercie d'accorder une grande attention à cet enjeu.
Auteur : Mme Ayda Hadizadeh
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 mars 2025