Question écrite n° 2761 :
Affaires classées sans suite pour alléger la charge de travail des juridictions

17e Législature

Question de : Mme Sophie Blanc
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Rassemblement National

Mme Sophie Blanc appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'état préoccupant du système judiciaire, mis en lumière par les récents reportages d'Envoyé Spécial. Ces enquêtes dévoilent une cascade de dysfonctionnements graves au sein de la justice : affaires classées sans suite pour alléger la charge de travail des juridictions, passivité et manque de rigueur de certains magistrats, délais insupportables pour les justiciables et gestion inadéquate des moyens alloués au bon fonctionnement du système judiciaire. Ces failles suscitent un doute légitime quant à la capacité de la justice française à remplir son rôle de protection des citoyens, d'équité et d'impartialité. Les citoyens français, qui espèrent une justice transparente, rigoureuse et prompte, voient quant à eux un système embourbé dans des lenteurs inadmissibles et des pratiques bureaucratiques qui nuisent aux droits des victimes et à la confiance en cette institution essentielle. Devant cette réalité, Mme la députée soulève les questions suivantes. Sur la politique de classement sans suite et ses conséquences pour les citoyens tout d'abord. Des directives récentes, semblant viser les « stocks » de dossiers non traités, ont encouragé un classement massif des affaires. Il a été révélé que plusieurs centaines de plaintes sont chaque jour classées sans suite, même lorsqu'elles concernent des cas graves, des infractions pénales ou des atteintes physiques. L'émission Envoyé Spécial sur les agressions de Pont-Sainte-Maxence montre que des affaires liées à des violences physiques et des délits caractérisés ont été classées sans justification, laissant ainsi les victimes sans recours. Cette orientation administrative, qui privilégie le désengorgement à l'obligation d'une justice équitable, est-elle compatible avec les valeurs de la République ? Comment M. le ministre explique-t-il qu'une justice, qui doit normalement défendre les victimes, applique de telles consignes de classement en masse, risquant ainsi de renforcer le sentiment d'abandon des citoyens ? Sur la faible implication et traitement superficiel des affaires sensibles. Plusieurs dossiers emblématiques montrent une défaillance manifeste des procédures judiciaires, comme dans le cas d'Estelle Mouzin où les retards et les faiblesses dans l'investigation ont mené à une absence de réponses concrètes pour la famille pendant plus de 20 ans. De même, dans l'affaire Bénédicte Belair, les juges ont mis plus de cinq ans pour examiner des preuves essentielles, aggravant la souffrance et le désarroi des proches. Ces exemples soulignent des comportements d'inertie, un manque de rigueur et un manque de supervision dans les enquêtes les plus délicates. Que compte faire M. le ministre pour garantir une diligence accrue et une supervision plus stricte des dossiers prioritaires ? Quelles mesures concrètes envisage-t-il pour assurer qu'aucune affaire, surtout lorsqu'elle concerne des infractions graves, ne soit traitée de manière expéditive ou superficielle ? Sur les justifications des retards malgré l'augmentation des moyens alloués. Alors que le budget alloué au ministère de la justice n'a cessé d'augmenter, les retards et les saturations des tribunaux se perpétuent, plongeant les citoyens dans une attente interminable et les privant de leurs droits fondamentaux. Dans certaines juridictions, le délai d'attente avant une audience peut excéder deux ans, même pour des litiges civils d'importance majeure pour les justiciables. Comment peut-il expliquer que malgré les ressources mobilisées, les retards persistent, voire s'aggravent ? Un audit des dépenses allouées a-t-il été réalisé pour identifier les sources de ces dysfonctionnements et si oui, quelles sont les actions correctives en cours pour garantir un traitement plus rapide et efficace des affaires ? Sur le sort des victimes dans la politique de classement sans suite. Le classement sans suite des affaires pénales, qui écarte de fait de nombreux citoyens de toute réponse judiciaire, se traduit pour les victimes par un sentiment de mépris et de non-considération de leur préjudice. Des agressions, des violences conjugales et d'autres délits graves sont fréquemment classés sans suite, laissant les victimes livrées à elles-mêmes. Ces classements, effectués dans l'urgence et sans écoute des plaignants, se révèlent destructeurs pour des milliers de familles et affaiblissent la légitimité de notre justice. Que peut dire M. le ministre aux Français pour les assurer que leurs plaintes seront prises en compte de manière rigoureuse ? Quelle stratégie envisage-t-il pour réformer les pratiques de classement sans suite et faire en sorte que le droit des victimes soit respecté dans chaque procédure ? Sur le délai de traitement des affaires et la saturation des juridictions. La lenteur de la justice française, particulièrement en matière pénale, engendre une frustration légitime chez les citoyens. L'exemple des affaires non résolues, dont certaines datent de plus de dix ans et les délais d'audience interminables en matière civile comme pénale démontrent une saturation des juridictions. Comment le ministère envisage-t-il de réformer la structure des juridictions pour fluidifier les procédures et réduire ces délais ? Enfin, sur l'évaluation des réformes récentes et l'impact sur la satisfaction des citoyens. Bien que de nombreuses réformes aient été mises en œuvre, telles que la numérisation des procédures ou le renforcement de certains effectifs, les résultats demeurent insuffisants au regard des attentes citoyennes. Ces mesures semblent encore loin de combler les lacunes qui caractérisent notre système judiciaire et laissent les justiciables déçus. Quel bilan tire-t-il de ces réformes et quelles sont les mesures concrètes à venir pour renforcer l'efficacité de la justice et répondre aux besoins urgents des justiciables ? Elle souhaite obtenir des réponses à ces questions.

Réponse publiée le 8 avril 2025

Les difficultés soulevées ont été identifiées et prises en compte par le ministre de la justice. Fortes de ce constat, le 28 novembre 2024, trois missions d'urgence relatives à la déjudiciarisation, à l'exécution des peines ainsi qu'à l'audiencement criminel et correctionnel ont été installées. La première mission a pour objet de désengorger les juridictions en menant un examen des dispositifs alternatifs à la voie judiciaire. La deuxième mission d'urgence poursuit l'objectif de juger dans des délais raisonnables en identifiant les moyens d'action nécessaires pour y parvenir. Enfin, la dernière mission vise l'effectivité de la sanction pénale, en identifiant les moyens permettant une meilleure exécution des peines. S'agissant de la mobilisation des ressources et du délai de traitement des affaires, le budget alloué au programme justice judiciaire est passé de 3,5 milliards d'euros en 2018 à 4,7 milliards en 2024 soit une hausse de 35 % - et notamment une hausse de 32 % depuis 2020 - afin de rendre une justice de meilleure qualité et répondre ainsi au mieux aux attentes des justiciables. L'ensemble de l'action du ministère de la justice vise notamment à poursuivre l'amélioration, déjà constatée, des délais de traitement des décisions de justice, tant civiles que pénales, à réduire le stock d'affaires et à optimiser l'allocation des ressources entre juridictions. A ce titre, le travail de refonte des dialogues de gestion annuels mené avec les chefs de cour a permis d'offrir des outils d'analyse de l'activité des juridictions modernisés, synthétiques et opérationnels. Dans cette optique, les crédits attribués ont permis l'adaptation des effectifs et des organisations aux besoins des juridictions. Le schéma d'emplois prévu dans le quinquennal 2018-2022 s'établissait à 832 créations. In fine, sous l'effet conjugué de la création de postes au titre de la justice de proximité, de la réforme de la généralisation de l'intermédiation financière des pensions alimentaires et de la mise en œuvre du code de la justice des mineurs, le nombre d'emplois effectivement créés sur le quinquennal précédent s'est élevé à 2 905. A ces 2905 emplois, s'ajoutent 1 246 recrutements supplémentaires en 2023 et 1 307 prévus en 2024. A date, et conformément à la trajectoire prédéfinie, ces recrutements ont eu pour premier résultat de résorber la vacance constatée en juridiction. Magistrats : Taux de vacance prévisionnel en janvier 2025 qui devrait s'élever à 1,6 % au niveau national, réparti comme suit : 1,5 % au siège et 2,0 % au parquet. Personnels de greffe : taux de vacance sur les greffes était de 7,76 % en 2020.  Néanmoins, ce taux devrait diminuer de manière significative au 1er janvier 2025 eu égard aux importants recrutements réalisés en 2024 et à venir d'ici la fin de l'année pour avoisiner les 6,5 %, et descendre significativement sous la barre des 5 %, notamment pour les greffiers en atteignant un niveau frictionnel en prenant en compte les greffiers en préaffectation sur poste titularisés au 1er semestre 2025. Les délais de traitement par suite se sont améliorés tant pour les affaires civiles que les affaires pénales en 1ere instance. Ainsi, au regard des indicateurs retenus dans le programme annuel de performance, la « proportion d'affaires terminées en moins de douze mois sur les douze derniers mois en 1ère instance » s'inscrit globalement dans une dynamique positive. P Par ailleurs, des actions complémentaires au recrutement historique sont mises en place pour améliorer ces résultats et répondre ainsi au mieux aux attentes des justiciables, notamment : - une équipe juridictionnelle clarifiée ; - une organisation du réseau judiciaire adaptée et plus efficace ; - la poursuite des évolutions numériques pour simplifier le travail des personnels de justice. S'agissant plus précisément de l''état des stocks de procédures judiciaires dans les services de police, à l'échelle nationale comme locale, elle fait l'objet d'une attention particulière du ministère de la justice, ainsi que des procureurs de la République et des procureurs généraux. l

Données clés

Auteur : Mme Sophie Blanc

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 10 décembre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025

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