Politique de réduction des risques en prison
Question de :
Mme Andrée Taurinya
Loire (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Andrée Taurinya attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la politique de réduction des risques en prison en matière de drogues. En janvier 2024, 17 associations ont interpellé l'État sur la politique de réduction des risques en prison en matière de drogues, en titrant « la France ne respecte ni la santé ni les droits fondamentaux des personnes incarcérées ». En effet, depuis 2016, le Parlement a inscrit dans la loi de modernisation de notre système de santé l'extension du principe d'équivalence des soins entre le milieu ouvert et fermé à la réduction des risques (RdR). Huit ans plus tard, le décret d'application n'est toujours pas publié et la loi n'est toujours pas respectée. En conséquence, l'accès aux outils et dispositifs de RdR est quasiment inexistant en prison. La réponse actuelle en matière de réduction des risques en milieu carcéral ne répond pas à la hauteur des enjeux de santé publique. Le matériel mis à disposition en détention est bien plus limité qu'en milieu ouvert et sa distribution varie très fortement d'un établissement pénitentiaire à l'autre. Le très faible accès à la RdR en prison met en danger la santé des personnes incarcérées déjà particulièrement fragile, entrave le recul des épidémies VIH et hépatites ainsi que le respect de leurs droits fondamentaux. Comme le soulignent les associations, la situation actuelle dans les prisons françaises est une véritable urgence sanitaire car elle cumule une forte prévalence des addictions, des conditions de consommations dégradées et une forte prévalence des maladies infectieuses. Dans ce contexte sanitaire particulièrement alarmant, qui n'a pas évolué depuis la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, il apparaît indispensable que soit encadré la mise en œuvre opérationnelle de la RdR en milieu carcéral par la publication d'un décret d'application. Ainsi, Mme la députée interroge le ministère de la justice afin de savoir si le futur décret entend : prévoir pour les personnes incarcérées les mêmes dispositifs et outils de réduction des risques et des dommages qu'à l'extérieur de la prison (voir la liste des matériels de prévention pour les services de réduction des risques, ministère des solidarités et de la santé, 2020 ; incluant les programmes d'échange de seringues) et garantir leur accès. Garantir l'accessibilité, en toute confidentialité, à ces outils (ce qui implique de prévoir une possible utilisation en cellule, sans condition d'encellulement individuel ou d'une densité carcérale inférieure à 100 %), outils qui ne sauraient être l'objet de mesures disciplinaires. Garantir l'accès aux outils et dispositifs de réduction des risques dans l'ensemble des établissements pénitentiaires, sans exception. La mise en œuvre de la stratégie de réduction des risques est confiée aux unités sanitaires, en partenariat avec l'administration pénitentiaire et les différents intervenants publics et privés, dont les associations. Et enfin, garantir la participation de l'ensemble des acteurs, y compris les personnes incarcérées (selon la démarche participative) à l'élaboration et à la mise en œuvre de la réduction des risques à l'échelle de l'établissement pénitentiaire. Elle souhaite connaître sa position sur le sujet.
Réponse publiée le 8 avril 2025
Le ministère de la Justice est pleinement mobilisé aux côtés du ministère de la Santé et de l'Accès aux Soins pour favoriser l'accès aux soins des personnes placées sous main de justice (PPSMJ). La prise en charge des conduites addictives et la lutte contre la consommation de drogues en milieu carcéral constituent des missions essentiellement dévolues au ministère de la Santé et de l'Accès aux Soins en vertu de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994. Les services du ministère de la Justice et du ministère de la santé et de l'accès aux soins travaillent conjointement à la mise en œuvre d'une politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogue adaptée au milieu pénitentiaire. En ce sens, la feuille de route santé des PPSMJ 2024-2028 signée le 5 juillet dernier rassemble six actions dédiées à la lutte contre les addictions en milieu carcéral. En outre, la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) nourrit une collaboration étroite avec les services de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA). En 2024, l'appel à projets lancé dans le cadre du fonds de concours (FDC) « Drogues » de la MILDECA et auquel la DAP a répondu au même titre que les années précédentes, a permis d'allouer 1 190 000 € à la mise en œuvre de 44 projets répartis sur l'ensemble du territoire national. Par ailleurs, l'administration pénitentiaire s'attache depuis de nombreuses années à tisser un réseau diversifié d'acteurs, notamment par le biais de conventions avec les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). La DAP a également signé des conventions avec les associations Alcooliques anonymes, Camerup et Narcotiques anonymes. Dans ce cadre, de multiples actions sont menées quotidiennement à l'échelle des établissements pénitentiaires, des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et des réseaux d'associations spécialisées dans les troubles addictifs afin de proposer des solutions durables. Ainsi, l'actuel cadre législatif permet de développer et déployer sur le territoire national les dispositifs de réduction des risques et des dommages à destination des PPSMJ. Aucun décret n'est donc prévu, dans l'immédiat, en la matière. Le Conseil d'Etat, dans une décision n° 466859 rendue le 8 avril 2024, a confirmé cette position, considérant qu'il ne « résulte pas que l'application de cette politique aux personnes détenues serait subordonnée à l'intervention préalable du pouvoir réglementaire ».
Auteur : Mme Andrée Taurinya
Type de question : Question écrite
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 10 décembre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025