Question écrite n° 2772 :
Mise en œuvre de la politique en faveur de la rénovation énergétique

17e Législature

Question de : M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Dominique Potier interroge Mme la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques sur les conditions de la mise en œuvre de la politique en faveur de la rénovation énergétique des logements. Actuellement, un certain nombre de pratiques observables sur le terrain invitent à s'interroger sur leur bonne utilisation. Il semble à M. le député que davantage de contrôles pourraient endiguer ce qu'il est convenu d'appeler « l'éco-délinquance », qui se traduit notamment par des fraudes sur les audits énergétiques, les matériaux utilisés ou encore les matériels installés. Cependant, au-delà de la fraude qu'il s'agit de combattre, M. le député appelle l'attention de M. le ministre sur deux points de vigilance que la réglementation en vigueur semble méconnaître et qui autorisent des pratiques contraires à la vocation de ce dispositif de soutien aux ménages : d'une part, de bien trop nombreux travaux sont réalisés en sous-traitance par des entreprises ne disposant pas du label « Reconnu garant de l'environnement » (RGE) et employant du personnel sous-qualifié, ce qui conduit à des rénovations de mauvaise facture ; d'autre part, les liens juridiques, capitalistiques ou familiaux existants entre les auditeurs et accompagnateurs dits « Mon accompagnateur Rénov » et les entreprises réalisant les travaux de rénovation énergétique entretiennent la suspicion sur ces derniers comme sur les diagnostics. Aussi, il souhaiterait savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour éviter ces écueils. Par ailleurs, s'il partage l'ambition affichée par l'État de massifier la rénovation globale des habitations, M. le député est également attentif à la vitalité économique des entreprises des territoires qui doivent, par ricochet, pouvoir bénéficier de ce dispositif. Aussi, le conditionnement des aides au fait que les travaux soient réalisés par des entreprises générales et la possibilité de recourir à un mandataire financier pour le pilier performance aboutissent trop souvent à l'exclusion des entreprises locales de ces marchés au bénéfice de plus grosses sociétés. Il l'interroge donc également sur les dispositions que le Gouvernement compte prendre pour garantir l'accès au marché de la rénovation énergétique aux entreprises locales et artisanales reconnues RGE.

Réponse publiée le 8 avril 2025

Pour permettre aux ménages d'améliorer le confort de leur logement, réduire leur consommation d'énergie et lutter contre le changement climatique, le Gouvernement fait de la rénovation énergétique une priorité. Au total, les aides financières aux rénovations énergétiques ont représenté en 2024, pour le parc résidentiel, un montant prévisionnel d'aides CEE engagées d'environ 4 Md€ et, pour le parc résidentiel privé, un montant d'aides MaPrimeRénov' engagées de 3,3 Md€. Le secteur de la rénovation est, du fait de ces montants, exposé à des pratiques commerciales trompeuses, fraudes et escroqueries dont les victimes sont à la fois les ménages abusés et les dispositifs d'aides publiques et les entreprises. Le Gouvernement lutte toutefois avec la plus grande détermination contre les diverses pratiques frauduleuses observées, notamment pour protéger les particuliers et les professionnels du secteur. Un plan interministériel cohérent associant l'ensemble des acteurs concernés a été présenté par le Gouvernement en novembre 2023. Le premier axe de ces mesures est d'agir auprès des particuliers pour améliorer la prévention et limiter les risques d'escroquerie ou usurpation d'identité. Une communication adaptée a été mise en place par la DGCCRF et le service public de la rénovation de l'habitat France Rénov' (sites internet France Rénov', Espaces Conseils France Rénov', Maisons France Services) afin de rendre plus accessible l'information sur les bons réflexes que doit avoir un ménage pour se protéger des fraudeurs : savoir que les services publics ne démarchent jamais pour réaliser des travaux ; ne pas partager d'informations personnelles sensibles (numéro fiscal, notamment) ; prendre le temps de comparer les offres, vérifier les délais de rétractation, être vigilant lors de la réception des travaux. En cas de doutes, un ménage peut contacter un Espace Conseil France Rénov', le cas échéant faire un signalement et doit, s'il est victime d'une escroquerie, porter plainte pour faire valoir ses droits. Le second axe de ces mesures consiste à renforcer les contrôles pour détecter et réprimer la fraude. Ceux-ci sont en constante augmentation depuis 2021, et portent leurs fruits, avec 229 M€ de fraudes évitées sur plus de 40 000 dossiers en 2024. Afin de sécuriser la demande d'aide, les demandes de subvention MaPrimeRénov' font l'objet d'une double instruction, avant et après les travaux. Ainsi, 100% des dossiers sont contrôlés sur pièces à chaque étape. Ce système est complété d'un contrôle de second niveau – soit de manière aléatoire, soit selon des critères de risques de fraude – qui a été renforcé. Enfin, des contrôles sur place sont diligentés, avant paiement, lorsque des questions subsistent, pour environ 10% des dossiers, contre 7% en 2023. De même, s'agissant des certificats d'économie d'énergie, le taux de contrôle imposé aux producteurs d'énergie avant dépôt de leurs dossiers auprès de la direction générale de l'énergie et du climat est passé de 10% à 15% entre 2023 et 2025. Pour les dispositifs les plus à risque, le taux de contrôle demandé est de 100%. Ainsi chaque année, les entreprises demandeuses de CEE réalisent environ 125 000 contrôles sur site par un organisme d'inspection accrédité. En complément le nombre de contrôles mandatés par la direction générale de l'énergie et du climat est également en augmentation : de l'ordre de 8 000 contrôles sur site ont été réalisés en 2024 et 380 000 vérifications par courrier afin de lutter spécifiquement contre les risques d'usurpation d'identité. Enfin, pour faire face aux pratiques trompeuses, dont notamment le démarchage frauduleux, la DGCCRF pilote une enquête nationale pluriannuelle visant l'ensemble des professionnels de la rénovation énergétique au stade précontractuel. L'enquête nationale réalisée en 2023 auprès de 797 établissements dans le secteur de la rénovation énergétique a ainsi fait ressortir, parmi ces établissements ciblés, un taux d'anomalie de 50% (contre 54 % en 2022). En 2024, le renforcement des moyens consacrés à ces enquêtes, et notamment le doublement des effectifs CCRF dédiés, a permis la réalisation de plus de 1 300 visites. Des sanctions pénales significatives ont été prononcées à la suite d'enquêtes des services de la CCRF ; par exemple en 2024, 16 salariés d'une entreprise de la Haute-Vienne ont été condamnés à des peines de prison : le dirigeant a notamment été condamné à 5 années d'emprisonnement, donc 4 fermes. L'ensemble de ces contrôles, et les signalements effectués par les particuliers ou professionnels, permettent d'identifier les entreprises qui usurpent le label RGE ou dont les chantiers présentent régulièrement des non-conformités. Ces éco-délinquants, généralement très agiles, ont malheureusement souvent le temps de faire quelques victimes avant que leur entreprise ne soit détectée et qu'ils n'en créent une nouvelle. Les organismes de qualification qui délivrent le label RGE sont tenus informées des entreprises RGE impliquées dans de telles fraudes et procèdent au retrait du label lorsque nécessaire. Depuis le 1er janvier 2024, pour bénéficier des aides les plus importantes pour la rénovation de son logement, il est obligatoire d'être accompagné par un « Accompagnateur Rénov' », tiers agréé par l'ANAH pour accompagner le ménage au plan technique, administratif et financier. L'agrément est délivré à des acteurs ayant démontré leur neutralité et leur indépendance. Ces derniers sont contrôlés lors de la délivrance de l'agrément, puis de façon continue sur place et sur dossier à travers les rénovations qu'ils accompagnent et les rapports d'activités qu'ils remettent à l'ANAH. Le respect des engagements et obligations de l'agrément « Accompagnateur Rénov' » fait l'objet d'une vigilance renforcée des services de contrôle. Tout élément suspect doit être signalé auprès de France Rénov' (espace conseil ou site internet). Afin de renforcer encore les leviers d'action des services de l'Etat, depuis la prévention jusqu'aux sanctions, le Gouvernement a pris connaissance avec intérêt de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, n° 447, déposée le mardi 15 octobre 2024 par M. le député Thomas Cazenave. Il s'attachera à soutenir les mesures qui y sont proposées et/ou à proposer de les amender dans l'objectif d'aller plus loin en matière de lutte contre la fraude à la rénovation énergétique, notamment pour renforcer l'arsenal des sanctions possibles en cas de fraude sur l'agrément « Mon Accompagnateur Rénov' », interdire le démarchage dans le secteur de la rénovation de l'habitat et mieux encadrer l'activité de mandataire des aides de l'ANAH. Ces dispositions luttent contre la concurrence déloyale qu'imposent les éco-délinquants aux entreprises de la filière du bâtiment. Elles contribuent ainsi à la structuration d'une filière de la rénovation qui doit répondre au double défi de l'augmentation du nombre de rénovation et de l'augmentation de leur performance. 

Données clés

Auteur : M. Dominique Potier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Logement : aides et prêts

Ministère interrogé : Transition écologique, énergie, climat et prévention des risques

Ministère répondant : Logement

Dates :
Question publiée le 10 décembre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025

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