Avenir incertain de l'hospitalisation à domicile (HAD)
Question de :
Mme Géraldine Grangier
Doubs (4e circonscription) - Rassemblement National
Mme Géraldine Grangier appelle l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur l'avenir incertain de l'hospitalisation à domicile (HAD) qui constitue une réponse innovante et essentielle aux défis actuels du système de santé français. Elle permet de garantir des soins de qualité aux patients dans leur environnement familial, tout en réduisant la pression sur les hôpitaux. Cependant, une série de décisions administratives remettant en question le fonctionnement des structures locales d'HAD suscite une vive inquiétude. Le cas emblématique de la Mutualité française comtoise (MFC), acteur historique dans le Doubs, illustre parfaitement cette problématique. Depuis plus de 20 ans, la Mutualité française comtoise joue un rôle vital dans le système de santé local en gérant des autorisations d'HAD dans le Doubs, le Jura et le Territoire de Belfort. En 2024, la MFC accompagne quotidiennement 280 patients, grâce à une équipe expérimentée de 180 collaborateurs, composés d'infirmiers, d'aides-soignants, de kinésithérapeutes, de psychologues et d'autres professionnels de santé. Des résultats incontestables. La MFC a su répondre aux besoins croissants de la population avec des performances exemplaires : une augmentation de 50 % de l'activité depuis 2019, prouvant sa capacité à s'adapter aux exigences sanitaires croissantes ; des investissements massifs dans l'équipement et la formation continue des équipes, garantissant un niveau élevé de qualité et de sécurité des soins et un ancrage territorial fort, avec une collaboration étroite avec les hôpitaux locaux (notamment les CH de Besançon et de Pontarlier) et les professionnels de santé libéraux. Malgré ce bilan, l'Agence régionale de santé (ARS) Bourgogne-Franche-Comté a annoncé la non-reconduction des autorisations d'HAD de la MFC, les transférant à un opérateur hospitalier public à compter du 31 décembre 2024. Cette décision repose sur une vision stratégique centralisatrice, mais pose plusieurs problèmes majeurs. Tout d'abord, un manque de transparence : aucun défaut dans la gestion ou la qualité des soins de la MFC n'a été signalé par l'ARS. Ensuite, une absence de concertation locale : ni les élus ni les professionnels de santé locaux n'ont été associés à cette décision. Enfin, un calendrier précipité, laissant peu de temps pour organiser une transition sans rupture de soins pour les patients ou désorganisation pour les personnels. Dans un département à la démographie vieillissante, où la densité médicale est déjà problématique, la disparition de la MFC risque d'augmenter la pression sur les hôpitaux, obligeant certains patients à être hospitalisés loin de leur domicile, mais aussi de créer des inégalités d'accès aux soins, notamment dans les zones rurales comme celles de la Haute-Chaîne du Jura ou des plateaux du Haut-Doubs, ainsi que de déstabiliser des parcours de soins complexes, avec des interruptions dans les traitements pour des pathologies graves (oncologie, soins palliatifs, pédiatrie spécialisée, etc.). Les 180 salariés de la MFC, parmi lesquels de nombreux spécialistes formés aux particularités de l'HAD, risquent de perdre leur emploi, car leur absorption dans les structures hospitalières publiques n'est pas garantie, mais aussi de subir une dévalorisation de leurs compétences, les protocoles de l'HAD étant souvent différents de ceux des soins hospitaliers conventionnels. La fermeture de la MFC affaiblirait l'ensemble de l'écosystème sanitaire local. La coexistence entre structures privées non lucratives comme la MFC et les opérateurs publics permet une flexibilité et une complémentarité essentielles. En concentrant les autorisations sur un seul acteur, le système devient plus vulnérable aux crises. Des exemples similaires ailleurs en France : un problème systémique Le cas de la MFC s'inscrit dans une tendance nationale inquiétante. En Occitanie, une HAD mutualiste couvrant plusieurs départements a été privée d'autorisation au profit d'un opérateur public, entraînant une désorganisation durable des soins palliatifs. ' Dans le Centre-Val de Loire, des associations locales d'HAD ont dénoncé la complexité croissante des exigences administratives, qui favorisent les grandes structures au détriment des acteurs de proximité. À La Réunion, une décision similaire a provoqué une pénurie temporaire de soins pour les patients en chimiothérapie. Ces situations montrent que les réformes actuelles de l'HAD privilégient une vision centralisatrice, sans prendre en compte les spécificités locales ni l'intérêt des patients. Des questions fondamentales pour l'avenir de l'HAD. Face à ces enjeux, Mme la députée interroge Mme la ministre sur plusieurs points. Sur les critères de décision : Quels éléments objectifs ont conduit l'ARS Bourgogne-Franche-Comté à ne pas renouveler les autorisations de la MFC, malgré son bilan exemplaire ? Pourquoi les acteurs non lucratifs comme la MFC, historiquement ancrés dans les territoires, ne sont-ils plus considérés comme des partenaires de confiance ? Sur la concertation locale : Pourquoi les élus et les représentants locaux de la santé n'ont-ils pas été consultés avant cette décision ? Ne pense-t-elle pas que la réforme de l'HAD devrait systématiquement inclure une phase de concertation avec les parties prenantes locales ? Sur les conséquences humaines : Quelles mesures de transition sont prévues pour éviter des ruptures de soins pour les 280 patients actuellement pris en charge dans le Doubs ? Quel accompagnement est prévu pour les 180 salariés de la MFC ? Sur la politique nationale de santé : En quoi la centralisation des autorisations d'HAD auprès des grands opérateurs publics s'inscrit-elle dans une stratégie de santé publique équilibrée ? Le ministère envisage-t-il de réviser les critères d'autorisation pour mieux valoriser les structures locales et non lucratives ? Elle souhaite obtenir des réponses à ces interrogations.
Auteur : Mme Géraldine Grangier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Date :
Question publiée le 10 décembre 2024