Accès aux origines des enfants nés sous X
Question de :
M. Bastien Marchive
Deux-Sèvres (1re circonscription) - Ensemble pour la République
M. Bastien Marchive appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargée de la famille et de la petite enfance, sur la situation des personnes nées d'une mère ayant décidé d'accoucher dans l'anonymat, dites « nées sous X ». La France est en effet l'un des seuls pays en Europe et au monde à permettre l'accouchement de manière totalement anonyme, garantissant ainsi à la mère le secret de son admission et ne permettant pas à l'enfant d'accéder à ses origines. Si plusieurs évolutions législatives sont venues renforcer l'information délivrée à la femme enceinte en amont de l'accouchement (notamment sur les conséquences de l'abandon de l'enfant et sur le choix de lui donner ou non son identité ou des éléments concernant ses origines), le droit en vigueur reste caractérisé par un déséquilibre entre deux droits de première importance : d'une part, celui au maintien du secret et à la vie privée de la mère et d'autre part, celui à l'accès à ses origines, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant. Ce dernier a notamment été consacré par la Convention internationale des droits de l'enfant, signée par la France en 1990 et par la Convention européenne des droits de l'homme, avant d'être retranscrit en droit français au sein du code de l'action sociale et des familles. La jurisprudence française tend par ailleurs à accorder une importance de plus en plus grande au droit à l'accès à ses origines, avec par exemple la reconnaissance par plusieurs décisions de justice des droits du père ou des grands-parents de l'enfant né sous X. Ces évolutions viennent ainsi remettre en cause, de manière indirecte mais certaine, le secret entourant l'identité de la mère. Il convient également de souligner que la plupart des pays européens ne permettent pas l'accouchement sous anonymat. Certains, comme le Royaume-Uni, vont jusqu'à favoriser les rapprochements entre enfants adoptés et familles d'origine, au regard de l'importance de l'accès aux origines dans le développement de l'enfant et la construction de son identité. Ces évolutions posent ainsi la question de la pertinence du dispositif encadrant actuellement l'accouchement sous X en France au regard des enjeux contemporains. Aussi, il lui demande si le Gouvernement entend faire évoluer ce cadre afin de garantir les conditions du développement de l'enfant sans pour autant empêcher le choix de la mère à sa naissance.
Réponse publiée le 25 février 2025
Les dispositions de l'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles reconnaissent à toute femme le droit de demander, lors de l'accouchement, la préservation du secret de son identité et de son admission et mettent à la charge de la collectivité publique les frais de son accouchement et de son hébergement. L'accouchement sous le secret garanti ainsi un droit à l'anonymat et la gratuité de la prise en charge lors de l'accouchement dans un établissement sanitaire. L'objectif est d'éviter le déroulement de grossesses et d'accouchements dans des conditions susceptibles de mettre en danger la santé tant de la mère que de l'enfant et de prévenir les abandons d'enfants. L'enjeu dans la mise en œuvre de cette mesure est de concilier le droit des femmes à accoucher sans indiquer leur identité, au nom du respect de la liberté individuelle et de la vie privée, et le droit à la connaissance de ses origines pour l'enfant au nom de la vérité biologique et de son propre équilibre psychologique. La loi de 2002 relative à l'accès aux origines personnelles des personnes adoptées et pupilles de l'Etat pose l'objectif de faciliter l'accès de l'enfant à ses origines et son histoire, avec le souci notamment de protéger la santé de la mère et de l'enfant lors de la grossesse et de l'accouchement, et d'éviter des avortements ou des abandons sauvages. Le législateur a ainsi essayé d'instaurer un équilibre entre les intérêts de la mère et ceux de l'enfant. A sa majorité, l'enfant a désormais la possibilité de demander au Conseil national d'accès aux origines personnelles (CNAOP) d'entreprendre des recherches pour retrouver sa mère de naissance. Si les recherches aboutissent, cette dernière conserve cependant en dernier ressort le droit de refuser tout contact et de conserver l'anonymat. De plus, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants crée le nouveau groupement d'intérêt public France Enfance Protégée dont une des missions est d'assurer le secrétariat général du CNAOP et d'analyser les demandes des personnes adoptées et des pupilles ou anciens pupilles de l'Etat qui recherchent leurs origines et de les informer et les orienter en fonction de leur situation vers les interlocuteurs compétents. Par ailleurs, le législateur s'est montré sensible aux demandes d'accès aux origines pour les personnes nées de dons (article L. 2143-2 et suivants du code de la santé publique). La loi bioéthique, entrée en vigueur le 4 août 2021, organise un système d'information qu'il met à la libre disposition des enfants issus de dons une fois devenus majeurs. Ils peuvent s'adresser à la commission d'accès des personnes nées d'une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs pour obtenir soit l'identité du donneur, soit les données non identifiantes collectées, soit les deux. Plus de vingt ans après l'adoption de la loi du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat, des discussions sont en cours au sein du Conseil national d'accès aux origines personnelles et du Conseil national de l'adoption pour aboutir à un avis permettant de mesurer l'intérêt d'une évolution de ces dispositifs.
Auteur : M. Bastien Marchive
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enfants
Ministère interrogé : Famille et petite enfance
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 25 février 2025