Difficultés des centres de santé et évolution de leur financement
Question de :
M. Jean-Claude Raux
Loire-Atlantique (6e circonscription) - Écologiste et Social
M. Jean-Claude Raux interroge M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur les difficultés des centres de santé et les perspectives d'évolution de leur mode de rémunération. Les centres de santé jouent un rôle essentiel dans l'offre de soins de proximité en France, en garantissant un accès aux soins pour toutes et tous, notamment dans les territoires où la démographie médicale est en tension. Grâce au tiers payant et à une tarification en secteur 1, ces structures permettent à tous les patients, y compris les plus éloignés des parcours de soins, d'accéder à une prise en charge adaptée. Il existe aujourd'hui près de 3 000 centres de santé, dont environ 1 230 centres de santé médicaux et polyvalents. Le mouvement de création de centres de santé est fort et est particulièrement porté par les collectivités territoriales pour lutter contre la désertification médicale. Toutefois, les centres de santé font face à de nombreuses contraintes financières et administratives qui freinent leur développement et fragilisent leur pérennité. Leur modèle économique, reposant sur des subventions et des conventions avec l'assurance maladie, est souvent jugé inadapté aux réalités du terrain. Les gestionnaires dénoncent une sous-évaluation des coûts réels de fonctionnement et des délais de paiement qui impactent leur trésorerie. Le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), publié le 11 février 2025, a mis en lumière ces difficultés : un déficit d'accompagnement des autorités sanitaires et un financement aussi inadapté qu'inapproprié. Le modèle actuel, majoritairement fondé sur la rémunération à l'acte, ne prend pas en compte les spécificités des centres de santé, notamment l'accueil d'une patientèle plus précaire nécessitant un suivi renforcé. L'expérimentation du paiement en équipe de professionnels de santé en ville (PEPS) a démontré l'intérêt d'un financement forfaitaire par capitation. Ce mode de rémunération, assis sur la patientèle plutôt que sur l'acte, permet à la fois une meilleure organisation des soins et une qualité de prise en charge des patients. Ces résultats sont possibles grâce à une réorganisation des pratiques médicales qui renforce la coordination et la délégation de tâches au sein d'une équipe pluriprofessionnelle de santé. Par ailleurs, le recrutement et la fidélisation des professionnels de santé restent des défis majeurs, notamment en raison de la concurrence avec le secteur libéral, des charges administratives importantes et de la difficulté à proposer une rémunération attractive. À cet égard, la subvention dite « Teulade », en place depuis 1991, est jugée trop lourde administrativement et son versement mériterait d'être simplifié et revalorisé. Enfin, des remontées territoriales interrogent sur l'application de l'article D. 6323-8-1 du code de la santé publique, pris en application de l'article L. 6323-1-4, qui prévoit que les comptes du gestionnaire d'un centre de santé soient certifiés annuellement par un commissaire aux comptes, sauf si le gestionnaire est une collectivité territoriale et que le budget relatif à ce centre de santé n'est pas individualisé au sein d'un budget annexe de la collectivité, dès lors que le montant des recettes annuelles sont supérieures à un montant déterminé, renvoyé à l'article D. 612-5 du code du commerce. Ce dernier fixe un seuil de 153 000 euros de subventions annuelles. La différence pour les centres de santé entre le montant annuel des recettes et des subventions étant importante, une clarification sur l'obligation de rapport d'un commissaire aux comptes est souhaitable pour sécuriser juridiquement les gestionnaires de centre de santé. Sur ces différents constats et perspectives d'évolution, il l'interroge sur les mesures que le Gouvernement entend mettre en place pour lever ces freins et soutenir le développement des centres de santé pluriprofessionnels afin de garantir une offre de soins accessible et pérenne sur l'ensemble du territoire.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
CENTRES DE SANTÉ
M. le président . La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour exposer sa question, no 282, relative aux centres de santé.
M. Jean-Claude Raux . Les centres de santé jouent un rôle essentiel pour permettre l'accès aux soins, dans des territoires où la désertification médicale est criante, pour toutes et tous, en particulier les personnes qui ne peuvent se permettre le luxe des dépassements d'honoraires ou même des avances de frais.
On recense environ 3 000 centres de santé en France, dont 1 200 médicaux. Ils constituent ainsi un maillon essentiel du service public de santé de proximité. On doit leur développement, en grande partie, aux collectivités territoriales, affligées par la disparition des médecins et agacées de l'inaction de l'État.
Or ces structures font face à de nombreuses contraintes qui freinent leur essor et fragilisent leur pérennité. Un récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) énumère ces difficultés : manque d’accompagnement des autorités sanitaires, complexité administrative ou encore financements inappropriés ne prenant pas en considération leurs spécificités. Les gestionnaires des centres de santé dénoncent des sous-évaluations des coûts de fonctionnement et des délais de paiement souvent trop longs.
Pourtant, d'autres solutions existent. L’expérimentation du paiement en équipe de professionnels de santé en ville – plus connu sous l'acronyme Peps – a montré l’intérêt d’une rémunération forfaitaire par capitation, c’est-à-dire reposant sur la patientèle plutôt que sur les actes réalisés. Il faut généraliser cette modalité de rémunération, qui favorise une meilleure qualité de prise en charge, à tous les centres de santé pluriprofessionnels volontaires.
Le recrutement et la fidélisation des professionnels de santé représentent d'autres défis pour les centres de santé. À cet égard, une rémunération attractive est nécessaire. La subvention dite Teulade, créée en 1991, est aujourd’hui insuffisante et son accès est rendu difficile par des lourdeurs administratives. Il est urgent d’en augmenter le taux et d’en simplifier le versement.
Par ailleurs, j’ai été saisi dans mon département, la Loire-Atlantique, d’une interrogation spécifique sur la certification des comptes des centres de santé. Sur ce point, votre éclairage semble nécessaire pour éviter toute incertitude juridique.
J'ajoute que, cette semaine, nous devrions enfin avoir l’occasion d’examiner une proposition de loi transpartisane visant à lutter contre les déserts médicaux. Or les centres de santé à but non lucratif et pluriprofessionnels font partie intégrante des solutions pour rendre accessible le service public de santé de proximité à toutes les populations et dans tous les territoires, en complétant l'offre libérale sans la concurrencer.
Face à l’ensemble de ces constats, quelles mesures concrètes le gouvernement prendra-t-il pour lever les freins et soutenir le développement des centres de santé pluriprofessionnels ? Comment comptez-vous garantir un modèle économique viable, qui assure un accès aux soins pour tous, sur l’ensemble du territoire ?
M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . Je me permets de vous transmettre la réponse du ministre de la santé, que vous interrogez sur les difficultés des centres de santé et sur l'évolution de leur mode de rémunération. Le gouvernement partage pleinement votre préoccupation et reste mobilisé pour lever les freins à leur bon fonctionnement, assurer leur pérennité et accompagner leur développement.
Les centres de santé sont des structures de proximité essentielles, délivrant des soins ambulatoires accessibles grâce au tiers payant obligatoire et à l'absence de dépassement d'honoraires. Ils sont au cœur de la politique de renforcement des soins de ville, avec un objectif de 700 centres pluriprofessionnels d'ici à 2027. Fin 2023, on en comptait déjà 638.
Les difficultés économiques et administratives que vous soulignez sont bien identifiées. Le ministère travaille en lien étroit avec l'assurance maladie et les représentants du secteur pour mettre en œuvre les recommandations issues du rapport de l'Igas que vous avez mentionné.
Plusieurs axes sont engagés. Premièrement, la discussion du modèle économique se poursuit dans le cadre du financement conventionnel. Ensuite, des simplifications sont étudiées, notamment s'agissant de l'accès à la subvention dite Teulade. D'autre part, un allègement des obligations administratives et comptables est en cours – un guide vient d'ailleurs d'être publié à ce sujet.
L'attractivité des centres auprès des professionnels de santé doit aussi être renforcée car ils offrent une solution alternative, complémentaire de l'exercice libéral, que nous soutenons.
Enfin, nous voulons faire de l'exercice isolé l'exception. Le travail en équipe et la délégation de tâches sont essentiels pour améliorer l'accès aux soins et la qualité de la prise en charge.
Soyez assuré de notre engagement total pour soutenir les centres de santé et garantir à chacun un accès équitable aux soins.
M. le président . La parole est à M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux . Nous débattrons demain de la proposition de loi transpartisane visant à lutter contre les déserts médicaux. Elle comprend un article sur la régulation de l'installation des médecins qui a suscité une levée de boucliers quelque peu disproportionnée.
Nous savons qu'il n'existe pas de solution miracle qui résoudrait le problème de la désertification médicale. En tout état de cause, force est de constater l'absence de réponse appropriée sur l'ensemble des territoires. Si, bien sûr, nous ne souhaitons pas opposer médecine libérale et centres de santé, nous constatons que l'exercice salarié est aujourd'hui attractif. Nous devons orienter toute notre énergie vers la défense du développement des centres de santé, qui constituent non pas la solution unique mais une des réponses.
Auteur : M. Jean-Claude Raux
Type de question : Question orale
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 25 mars 2025