Question orale n° 284 :
Situation du statut du conjoint collaborateur

17e Législature

Question de : Mme Danielle Brulebois
Jura (1re circonscription) - Ensemble pour la République

Mme Danielle Brulebois appelle l'attention de Mme la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi, au sujet de la situation des conjoints collaborateur, dont l'évolution inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et la limitation à 5 ans du statut engendreraient comme possible conséquence la perte de leur protection sociale, ainsi que leur mandat de gestion de l'entreprise de leur partenaire. L'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 impose en effet une limite de 5 ans à ce statut. Au-delà de cette durée, il ne sera plus possible de l'obtenir. Les conjoints collaborateurs devront alors soit devenir conjoints salariés et être rémunérés en conséquence, soit conjoints associés, avec la détention de parts dans la société. Cette nouvelle limitation porte atteinte aux femmes en premier lieu, notamment dans l'artisanat. De plus, elle pourrait mettre en péril l'équilibre économique de nombreuses TPE, qui ne sont pas toutes en capacité d'accueillir un nouveau salarié. Il souhaite connaître les évolutions envisageables pour laisser la liberté aux TPE de pérenniser ce statut de conjoint collaborateur si utile à leur fonctionnement.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

STATUT DU CONJOINT COLLABORATEUR
M. le président . La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour exposer sa question, no 284, relative au statut du conjoint collaborateur.

Mme Danielle Brulebois . À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, la commission femmes de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) du Jura m’a fait part de sa profonde inquiétude face à la suppression programmée du statut de conjoint collaborateur. Choisi par près de 26 000 femmes dans l’artisanat du bâtiment, ce statut est le fruit d’un long combat syndical. Il est générateur de droits protégeant les conjoints, tout en étant bien adapté à la vie des très petites entreprises (TPE) et des couples d'entrepreneurs.

L’article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 impose une limite de cinq ans à l’exercice du statut de conjoint collaborateur. Au-delà de cette durée et à partir du 1er janvier 2027, les conjoints collaborateurs seront contraints de devenir conjoints salariés ou conjoints associés. Cette réforme va toucher directement les femmes, qui représentent 85 % des conjoints collaborateurs, et menacer la viabilité de nombreuses petites entreprises artisanales.

En effet, cette réforme aurait pour conséquence de plonger les femmes ayant le statut de conjoint collaborateur dans une situation précaire en leur faisant perdre leur protection sociale ainsi que leur mandat de gestion de l’entreprise de leur partenaire. Cela porterait atteinte à la pérennité de l'entreprise artisanale et remettrait en cause la liberté de choix.

Cette mesure ignore les réalités du terrain en niant le rôle et l’engagement des femmes dans les entreprises familiales, qui sont prépondérantes dans le Jura comme dans d'autres départements. Je sais combien le gouvernement est attaché à la liberté des femmes, à leur protection et à leur intégration économique. Ce sont des enjeux qui lui tiennent à cœur. C'est pourquoi je sollicite son soutien dans ce combat.

M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie. La question posée appelle l'attention du gouvernement sur l'évolution du statut de conjoint collaborateur et sur les conséquences de la limitation de sa durée à cinq ans, introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Le statut de conjoint collaborateur a été créé en 2005. Il a permis de formaliser la participation régulière du conjoint non rémunéré à l'activité de l'entreprise. Dans la grande majorité des cas, il concerne des conjointes. Ce statut donne accès à une protection sociale partielle, notamment pour la retraite de base, l'invalidité décès, les indemnités journalières et la formation professionnelle, moyennant le versement de cotisations calculées sur des assiettes minimales.

Il a constitué une avancée importante pour lutter contre le travail dissimulé et contre l'invisibilisation du travail des femmes dans les très petites entreprises en leur permettant d'être identifiées et de bénéficier d'une première couverture sociale. Toutefois, il présente des limites notables en matière de droits sociaux, notamment pour la retraite et la sécurité financière à long terme.

C'est dans cette optique que l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a prévu une limitation à cinq années de la durée d'exercice du statut. Cette mesure vise à encourager, au-delà de cette période transitoire, le basculement vers des statuts plus protecteurs, comme celui de conjoint salarié, qui ouvre droit à une rémunération et à une couverture sociale complète, ou celui de conjoint associé, qui confère des droits en lien avec la détention de parts dans l'entreprise. À défaut de choix explicite à l'issue de ce délai, le statut le plus protecteur, à savoir celui de conjoint salarié, s'applique automatiquement.

Cette évolution n'a pas pour objet de pénaliser les femmes ou de fragiliser les très petites entreprises mais, bien au contraire, de garantir aux conjointes une meilleure reconnaissance de leur rôle dans l'entreprise et de renforcer leur couverture sociale. Elle permet aux personnes concernées de commencer leur parcours professionnel avec un statut souple et accessible, tout en les incitant à accéder progressivement à une protection plus complète.

Le gouvernement reste attentif aux conditions de mise en œuvre de cette mesure et mobilisé pour accompagner les couples d'entrepreneurs dans cette transition. Nous continuerons de travailler en lien étroit avec les organisations professionnelles, comme celle que vous avez évoquée, et avec les acteurs de terrain pour nous assurer que cette réforme bénéficie effectivement à celles et ceux qu'elle entend protéger.

M. le président . La parole est à Mme Danielle Brulebois.

Mme Danielle Brulebois . Je remercie M. le ministre pour sa réponse. Toutefois, je tiens à souligner qu'il serait dommage que l'évolution du statut du conjoint collaborateur aboutisse au fait que la parité dans les instances de gouvernance ne soit plus une priorité et que cette réforme prive les femmes de leur droit de siéger dans des institutions clés, comme les chambres de métiers et de l'artisanat ou les caisses de sécurité sociale. D'autant que, par ailleurs, nous voulons que la parité soit respectée dans toutes les instances de gouvernance.

De plus, la Capeb a proposé une solution simple et équitable : permettre aux conjointes collaboratrices de cotiser davantage, afin d'améliorer leur protection sociale, tout en leur laissant la possibilité de conserver leur statut au-delà de cinq ans. Cette mesure ne coûterait rien au régime obligatoire et garantirait aux conjointes collaboratrices une sécurité accrue, conformément à l'objectif que vous avez évoqué, monsieur le ministre, sans peser sur les finances publiques. Il est encore temps de réfléchir et d'agir en faveur de la liberté des femmes, de leur protection et de leur intégration économique en revenant sur cette réforme.

Données clés

Auteur : Mme Danielle Brulebois

Type de question : Question orale

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : Travail et emploi

Ministère répondant : Commerce, artisanat, PME, économie sociale et solidaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 mars 2025

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