Question écrite n° 2859 :
Pratiques frauduleuses massives de Nestlé Waters

17e Législature
Question signalée le 17 février 2025

Question de : Mme Mathilde Panot
Val-de-Marne (10e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Mathilde Panot interroge Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargée de la consommation, sur les mesures prises par le Gouvernement à la suite des nombreuses révélations du scandale Nestlé. Depuis les premières alertes lancées en 2020 et jusqu'à l'été 2024, il a été révélé - notamment par la journaliste Pascale Pascariello - que durant 15 à 30 ans, des pratiques frauduleuses ont été mises en place par le groupe Nestlé Waters afin de continuer à vendre pour des profits vertigineux une eau dont la qualité était équivalente à celle de l'eau du robinet, contrairement à toutes les promesses commerciales de cette multinationale. Mme la députée rappelle que les rapports rendus par le service national d'enquête de la DGCCRF et de l'IGAS ont ainsi démontré que différentes marques du groupe Nestlé Waters (Vittel, Contrex, Hépar) traitent les eaux prélevées avec des techniques illégales pour ce type de commercialisation en tant qu'eaux minérales naturelles et eaux de source. Les traitements incluent l'utilisation de microfiltres, d'UV, de filtres à charbon actif. Non seulement ces rapports mettent à jour ces pratiques illégales, mais ils soulignent également le mensonge perpétré par Nestlé Waters sur la qualité des eaux prélevées, ces traitements étant rendus nécessaires selon eux par une contamination bactérienne et de pathogènes au-dessus des seuils autorisés. Mme la députée tient à préciser que si ces pratiques sont scandaleuses, la justification invoquée par les dirigeants de Nestlé l'est d'autant plus. Ceux-ci expliquent que ces traitements sont en place depuis de nombreuses années, au mépris de la réglementation nationale et en toute connaissance de cause, mais que leur recours est nécessaire. La diminution des nappes d'eau, qu'ils imputent au changement climatique, laisserait ainsi le champ libre à la prolifération de bactéries, qui nécessite alors ces traitements pour que l'eau embouteillée puisse continuer d'être vendue au prix fort. Ils omettent de préciser que Nestlé Waters a une responsabilité écrasante dans la raréfaction de la ressource et ne s'attardent pas sur les 19 milliards de litres d'eau - au moins ! - prélevés sans autorisation dans la nappe du Müschelkak, depuis plus de 30 ans. Ils ne s'étendent pas non plus sur l'absence d'alerte aux services sanitaires de l'État une fois constatées les contaminations. Ils n'ont enfin pas eu la décence de la transparence pour demander le changement de classification de leurs produits, de « minérale naturelle » à « rendue potable par traitements », ce qui aurait nécessairement impacté leur image de marque et leurs profits faramineux. Les enquêteurs estiment ainsi à 3 milliards d'euros le montant de cette fraude de Nestlé. En résumé, Mme la députée constate que Nestlé Waters a vendu frauduleusement pendant de nombreuses années de l'eau forée illégalement, de qualité non satisfaisante, en ayant recours à une commercialisation mensongère, en le sachant pertinemment et en dissimulant sciemment une partie de ces pratiques aux autorités sanitaires chargées des contrôles. Elle l'interpelle donc sur l'énormité des faits reprochés à Nestlé Waters. Elle lui demande quelles mesures sont prises par le Gouvernement et l'administration à la suite de ces révélations, afin d'assurer que ce niveau de tromperie et de fraude ne puisse se reproduire.

Réponse publiée le 8 juillet 2025

Le système de contrôle des eaux embouteillées en France repose sur trois autorités compétentes au sens du droit européen : au sein du ministère chargé de la santé, la direction générale de la santé (DGS), au sein du ministère chargé de l'économie, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et, depuis la création de la police sanitaire unique le 1er janvier 2023, au sein du ministère chargé de l'agriculture, la direction générale de l'alimentation (DGAL). Les agences régionales de santé (ARS) sont les autorités locales compétentes pour le contrôle des eaux destinées à la consommation humaine, depuis l'exploitation de la source jusqu'à la mise en bouteille. Concernant l'action de l'État ces dernières années, les éléments détaillés produits dans le cadre des travaux de la commission d'enquête en cours sur ce dossier au Sénat permettent de rendre compte publiquement de manière très détaillée sur les actions mises en œuvre. Par ailleurs, une convention judiciaire d'intérêt public en matière environnementale préalablement conclue entre le procureur de la République d'Épinal et la SAS Nestlé Waters Supply Est a été validée le 10 septembre 2024. Pour l'avenir, afin d'améliorer la coopération entre services compétents, un protocole de coopération entre la DGS, la DGAL et la DGCCRF est en cours de rédaction pour préciser les modalités de leur intervention et l'articulation de leurs compétences dans le secteur des eaux embouteillées. Ce protocole viendra notamment préciser le partage d'informations permettant à la DGCCRF de mettre en œuvre les suites les plus appropriées, en termes de mise en conformité et d'information des consommateurs notamment, pour garantir la loyauté des eaux mises sur le marché dans le cas où celle-ci est remise en cause par les conclusions des contrôles d'une ARS portant sur leur processus de production. Ce protocole permettra enfin d'assurer une compréhension partagée de la répartition des compétences, rappelée brièvement ci-après. Au titre de leurs responsabilités du contrôle des eaux destinées à la consommation humaine, de l'exploitation de la source jusqu'à la mise en bouteille, les ARS exercent plusieurs missions en application du code de la santé publique, notamment : - elles vérifient le respect des dispositions législatives et réglementaires associées à la production de l'eau, et la conformité des processus de production aux dispositions des arrêtés préfectoraux (Art R. 1321-10 et suivants, R. 1322-9 et suivants du code de la santé publique) ; - elles exercent le contrôle sanitaire de ces eaux (articles R. 1321-15 et R. 1322-40 et R. 1322-41 du code de la santé publique), lequel comprend notamment l'inspection des installations. Sous pilotage de la DGCCRF, les agents CCRF dans les DDPP et DDETSPP, sont chargés de la loyauté des eaux embouteillées distribuées sur le territoire national. Ils sont à ce titre chargés de s'assurer que l'étiquetage des eaux embouteillées respecte les exigences réglementaires, et plus généralement, que l'information donnée au consommateur est loyale et non trompeuse. S'agissant des mentions d'étiquetage liées aux conditions d'exploitation, elle vérifie, au stade de la mise sur le marché, leur cohérence avec le contenu des arrêtés d'autorisation d'exploitation, qui précisent les mentions à porter à la connaissance du consommateur (dénomination, mentions d'étiquetage relatives aux traitements, nom de la source, du lieu d'exploitation, déclaration des teneurs en certains constituants et le cas échéant avertissements s'y rapportant…). Il n'appartient en revanche pas aux agents CCRF dans les DDPP et DDETSPP, mais aux ARS, de s'assurer de l'adéquation des pratiques effectives des opérateurs avec les exigences des arrêtés d'autorisation d'exploitation. Sur sollicitation d'une ARS ou saisine du juge, notamment s'il y a besoin de pouvoir mobiliser ses pouvoirs d'enquêtes extraordinaires (« opération de visites et de saisies », équivalente à une perquisition dont les ARS ne disposent pas), sous le contrôle d'un juge des libertés et de la détention, et donc de façon exceptionnelle, les services CCRF peuvent intervenir au stade de la production avant embouteillage. En effet, dans le domaine des eaux embouteillées, cette activité est encadrée par une règlementation spécifique, dont le contrôle relève de la compétence d'une autre autorité de l'État, en l'occurrence ici les ARS.]

Données clés

Auteur : Mme Mathilde Panot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Environnement

Ministère interrogé : Consommation

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 17 février 2025

Dates :
Question publiée le 17 décembre 2024
Réponse publiée le 8 juillet 2025

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