Accès de l'Ordre des médecins au FIJAIS
Question de :
Mme Delphine Lingemann
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Les Démocrates
Mme Delphine Lingemann attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'opportunité de rendre accessible le fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) à l'Ordre des médecins afin de renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en milieu médical. Les résultats de l'enquête menée par le Conseil national de l'Ordre des médecins en novembre 2024, basés sur les réponses de plus de 21 140 médecins, sont particulièrement inquiétants. 54 % des médecins déclarent ainsi avoir eu connaissance de violences sexuelles ou sexistes commises par un autre médecin, que la victime soit un patient, un professionnel de santé ou une autre personne. De plus, 49 % des femmes médecins déclarent avoir été victimes de violence sexiste ou sexuelle de la part d'un autre médecin. Ces chiffres soulèvent des inquiétudes importantes quant à la sécurité des femmes médecins comme des patients. Pour améliorer la prévention de ces violences, l'Ordre des médecins, responsable de la régulation de la profession médicale, devrait avoir les moyens d'examiner les antécédents judiciaires des praticiens. Un tel examen n'est aujourd'hui pas possible. L'Ordre des médecins n'a en effet pas accès au FIJAIS lorsqu'il examine la demande d'inscription d'un praticien au tableau de l'Ordre. Seuls les officiers de police judiciaire, les préfets et certains agents habilités peuvent le consulter dans des contextes spécifiques. En l'absence de ce fichier, l'Ordre des médecins est donc dans l'incapacité de prendre des décisions parfaitement éclairées sur l'inscription ou le maintien d'un praticien dans ses rangs. Mme la députée propose de modifier l'article 706-53-7 du code de procédure pénale afin d'étendre l'accès du FIJAIS au président du Conseil de l'Ordre des médecins. Cette mesure permettrait une meilleure protection des professionnels de santé et des patients contre les violences sexistes et sexuelles. Elle souhaite connaître les perspectives à ce sujet.
Réponse publiée le 8 avril 2025
La lutte contre les violences sexuelles et sexistes est un engagement fort et constant du ministère. En cela, les conseils de l'ordre au niveau départemental et national disposent d'un accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire en vertu de l'article R.79 10° du code de procédure pénale aux fins d'effectuer les vérifications qui s'imposent avant toute inscription d'un médecin au tableau (R.4112-2s articles). Les conseils de l'ordre effectuent donc chaque année des centaines de vérification des extraits de casier judiciaire de leurs (futurs) confrères et consœurs. En outre, le Conseil national de l'Ordre des médecins est un partenaire régulier du service du Casier judiciaire national, à qui il demande, outre le bulletin n° 2, les bulletins de casiers judiciaires européens en fonction de la nationalité des impétrants. L'accès aux données du FIJAIS n'est pas permis au président du Conseil de l'ordre. Il n'est d'ailleurs expressément autorisé qu'aux administrations de l'Etat en vertu des articles 706-53-7 et R.53-8-24 du code de procédure pénale et, à titre indirect seulement, aux exécutifs des collectivités locales. Les consultations administratives du FIJAIS sont, pour le moment et concrètement, réservées essentiellement aux activités et professions en contact avec des mineurs, pour lesquelles l'autorité administrative dispose d'un pouvoir de tutelle ou a minima de contrôle. Dans le secteur de la santé, ce sont les directeurs et directrices des agences régionales de santé qui peuvent accéder à ces données. Dès la loi du 9 mars 2024 qui a créé le FIJAIS, le législateur a, en effet, tenu à encadrer l'accès à ces données particulièrement sensibles, qui, à la différence des mentions figurant au bulletin n° 2, ne concernent pas toujours des condamnations définitives à même d'emporter des conséquences administratives en termes d'incapacité professionnelle par exemple, mais aussi des condamnations frappées d'appel voire amnistiées ou réhabilités, ainsi que des mises en examen. L'accès à de telles données, dont le traitement répond à une autre finalité que celle du bulletin n° 2 du casier judiciaire, doit dès lors être précédé d'une analyse précise des textes qui encadrent le rôle du président du Conseil de l'Ordre et délimitent l'utilisation qu'il serait amené à faire de ces données, sans s'exposer, par exemple, à la critique de ne pas tenir compte de la présomption d'innocence qui s'attache à toute personne mise en examen ou non encore condamnée définitivement. Ainsi, un accès direct au données du FIJAIS par le président du Conseil national de l'ordre des médecins ne saurait être envisagé sans une réflexion globale préalable sur les finalités d'un tel accès et ses conséquences.
Auteur : Mme Delphine Lingemann
Type de question : Question écrite
Rubrique : Médecine
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 17 décembre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025