Question écrite n° 2935 :
Alternative à la voie dématérialisée pour les demandes de titre de séjour

17e Législature

Question de : Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Danièle Obono attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'absence d'alternative à la voie dématérialisée pour les demandes de titre de séjour. Depuis plusieurs années, la Défenseure des droits alerte sur les difficultés majeures rencontrées par les ressortissants étrangers pour mener à bien leurs demandes de titre de séjour. La situation est telle que le droit des étrangers est devenu le premier motif de saisine de l'institution depuis 2022. Pour l'année 2023, 28 % de l'ensemble des réclamations reçues concernaient cette thématique, contre 10 % des saisines reçues en 2019 et 2020. Parmi les éléments à l'origine de ces difficultés, le décret du 24 mars 2021 obligeant les personnes concernées par une série de demandes de titre de séjour à recourir à la voie dématérialisée via le site de l'ANEF (Administration numérique des étrangers en France). Le 3 juin 2022, un avis du Conseil d'État a estimé cette disposition excessive et a jugé indispensable qu'une voie alternative à la dématérialisation reste ouverte pour le dépôt des demandes de titres de séjour. Suite à cette décision, l'arrêté du 1er août 2023 est venu préciser les modalités d'accompagnement et la solution de substitution prévues pour les demandes de titre de séjour en cas de difficulté ou de dysfonctionnement du téléservice « ANEF ». Il s'agit de : la mise en place de centres de contact de citoyens ; la mise en place de points d'accès numérique ; la solution de substitution, qui doit être proposée par la préfecture par alternative physique ou postale pour permettre le dépôt de la demande lorsque la personne n'a pas pu effectuer la démarche en ligne. Or la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a récemment publié une enquête qui porte notamment sur ces outils d'accompagnement. Réalisée auprès des travailleurs sociaux en lien avec les demandeurs, les résultats sont particulièrement inquiétants. Voici quelques-uns des constats dressés : 70 % des répondants estiment qu'il n'y a aucune information sur le site de leur préfecture concernant les modalités de contact en cas de difficulté avec l'ANEF ; 82 % des répondants ayant contacté le centre de contact citoyens estiment ne pas avoir reçu d'aide concrète de sa part, celui-ci apportant des réponses stéréotypées et ne pouvant agir sur les dysfonctionnements techniques ; 1 répondant sur 2 estime l'accès difficile au point d'accès numérique et un accompagnement proposé très disparate selon le territoire ; seulement 5 % des répondants estiment que la préfecture propose systématiquement un accès à la modalité de substitution, quand 43 % estiment qu'elle le propose rarement. Un très récent rapport de la Défenseure des droits, publié le 11 décembre 2024, confirme que ces dispositifs d'accompagnement et de substitution sont « très insuffisants ». Ainsi, concernant le centre de contact citoyens (CCC), la Défenseure des droits constate que ce service est en incapacité de « résoudre ou contourner lui-même des blocages informatiques rencontrés par l'usager » et que les réponses apportées sont « souvent peu satisfaisantes ». Ce manque de pertinence est notamment dû au fait que les réponses des téléconseillers ne semblent pas ou peu correspondre aux problèmes évoqués par les usagers. La Défenseure des droits évoque par ailleurs des délais de réponses par mail de plus en plus longs et une très grande difficulté à les atteindre par téléphone. Ce rapport pointe également les très nombreuses limites des points d'accès numérique (PAN) parmi lesquelles le manque de notoriété du dispositif, l'obligation d'un passage préalable par le CCC dans certaines préfectures alors même que ce dernier oblige à un passage par le numérique, le manque de compétence des personnels les accueillant qui s'avèrent très souvent être des volontaires en service civique. Les limites sont nombreuses et majeures. Enfin, concernant la solution de substitution, le rapport de la Défenseure des droits la qualifie tout simplement de « fantôme» tant les données concernant son application sont peu nombreuses et tant le nombre de saisines reçues par la Défenseure des droits prouvent qu'elle est inefficace. La Défenseure des droits estime ainsi que les dysfonctionnements de l'ANEF et l'insuffisance des solutions d'accompagnement et de substitution engendrent de « graves atteintes aux droits fondamentaux » et contribuent « à la précarité économique et sociale des étrangers présents sur le territoire ». C'est ce que confirme l'enquête de la Fédération des acteurs de la solidarité qui indique notamment que : 58 % des répondants estiment que les personnes concernées ont perdu leurs droits à la CAF ; 50 % estiment que les personnes concernées ont perdu leurs droits à France Travail ; 45 % estiment que les personnes concernées ont perdu leurs droits à l'emploi ; 46 % estiment que les personnes concernées ont perdu d'autres droits sociaux. Aussi,Mme la députée souhaiterait savoir comment M. le ministre prévoit de répondre à la Défenseure des droits pour qui la situation oblige « l'adoption de mesures urgentes ». Elle aimerait ainsi savoir ce qu'il prévoit de mettre en place pour permettre de réelles modalités d'accompagnement et solutions de substitution à la voie dématérialisée et ainsi se mettre en conformité avec la décision du Conseil d'État susmentionnée.

Données clés

Auteur : Mme Danièle Obono

Type de question : Question écrite

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date :
Question publiée le 24 décembre 2024

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