Délais de traitement anormalement élevés des demandes de titre de séjour
Question de :
Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Danièle Obono alerte M. le ministre de l'intérieur sur les délais de traitement anormalement élevés des demandes de titre de séjour. Depuis plusieurs années, la Défenseure des droits alerte sur les difficultés majeures rencontrées par les ressortissants étrangers pour mener à bien leurs demandes de titre de séjour. Dès 2020, l'institution alertait, dans une décision, sur les difficultés rencontrées lors du dépôt d'une première demande de titre de séjour du fait de l'impossibilité de prendre rendez-vous par l'intermédiaire de la plateforme en ligne. Depuis, la situation ne cesse de se dégrader, à tel point que les droits des étrangers sont devenus le premier motif de saisine de l'institution depuis 2022. Pour l'année 2023, 28 % de l'ensemble des réclamations reçues concernaient cette thématique. Dans un très récent rapport, la Défenseure des droits indique que la dématérialisation de la procédure via le site de l'ANEF, présentée comme un moyen de simplifier l'accès à la démarche, manque totalement son objectif et empire même la situation : « Les nombreuses réclamations traitées par la Défenseure des droits mettent en évidence que l'ANEF, malgré ces avancées certaines et les ambitions louables du projet, ne tient pas les promesses qu'elle portait, de simplification des démarches des usagers, de fluidification des circuits et des procédures et d'optimisation des logiciels dédiés utilisés par les agents préfectoraux. L'ANEF contribue même, à rebours de ses ambitions affichées, à l'aggravation des difficultés qui lui préexistaient en affectant des usagers du service qui, jusqu'alors, semblaient relativement épargnés ». Ce constat concorde avec les nombreuses remontées des habitants et habitantes et associations spécialisées de la circonscription de Mme la députée. En effet, les alertes se multiplient et une évolution est observable dans le type de publics confrontés au problème d'accès à ce service. Limitées il y a quelques années à des personnes primo-arrivantes en attente d'un premier titre de séjour, les interpellations sont nombreuses aujourd'hui de la part de personnes qui résident en France depuis de très nombreuses années et qui ont déjà obtenu plusieurs titres de séjour ou cartes de résidents. Par ailleurs, ces mauvaises performances semblent confirmées par les éléments chiffrés contenus dans le projet annuel de performances 2025 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Ainsi le délai moyen de traitement des demandes de renouvellement de titre séjour est passé de 60 jours en 2022 à 76 jours en 2024. Des indicateurs qui se sont donc nettement dégradés. Pour ce qui concerne le délai moyen de traitement des premières demandes d'admission au séjour, l'objectif visé est d'un délai de 100 jours pour l'année 2025. Or non seulement ce délai semble extrêmement important pour des personnes dont la vie dépend de cette décision mais, de plus, aucune donnée n'est apportée sur le délai moyen des années 2023 et 2024. Aussi, aucune référence n'est disponible sur l'état actuel des indicateurs et aucun recul sur l'évolution de la performance du service rendu et donc sur l'adéquation entre les moyens mis en place et les besoins. Enfin, un récent communiqué de la préfecture de l'Isère fait mention de délai de 7 à 8 mois en moyenne pour les demandes d'admission au séjour au motif de la vie privée familiale. Des temps d'attente insupportables pour des personnes qui se trouvent placées en extrême précarité. Aussi, Mme la députée souhaiterait savoir ce que M. le ministre prévoit de mettre en place pour inverser la tendance sur les délais de traitement et ainsi permettre aux usagers d'obtenir une réponse dans des délais raisonnables. En particulier, elle lui demande si et comment il compte suivre la préconisation de la Défenseure des droits qui consiste à « renforcer durablement les moyens humains affectés aux préfectures », seule préconisation qui semble susceptible de faire réellement et durablement baisser les délais de traitement pour les usagers et usagères.
Réponse publiée le 17 juin 2025
Entre 2023 et 2024, le délai moyen de traitement des premières demandes de titres de séjour a sensiblement augmenté (+21%) à l'instar du délai de traitement des demandes de renouvellements (+20%), qui s'élève en moyenne en 2024 à 95 jours. Ces délais sont à mettre en perspective avec l'augmentation du nombre de renouvellements, en hausse de 2,4 % par rapport à 2023, pour atteindre près de 885 000, et de 11 % par rapport à 2022. Dans le même temps, entre 2022 et 2024, le nombre de primo-délivrances a également augmenté de 4,5 %. La récurrence des crises internationales et la hausse de la demande qui en résulte a en effet conduit à un accroissement de la charge de travail des services préfectoraux. Face aux volumes que représente aujourd'hui la délivrance des titres de séjour (1.229.869 titres délivrés en 2024) et conscient des conséquences que peuvent entrainer ces délais de traitement dégradés, le ministère de l'Intérieur a fait de la lutte contre les ruptures de droit une priorité, notamment dans le cadre du déploiement du programme « Administration numérique pour les étrangers en France » (ANEF). Ce portail, utilisable à tout moment, sur ordinateur, tablette ou smartphone, a été conçu pour être simple d'utilisation et fluidifier le parcours des usagers qui n'ont dès lors plus besoin de prendre un rendez-vous pour déposer leurs demandes. Aujourd'hui, plus de 80% des demandes traitées par les préfectures sont déposées au moyen du téléservice. Afin de garantir l'égal accès au service public et l'exercice effectif des droits des étrangers, un dispositif d'accompagnement numérique des usagers étrangers a par ailleurs été mis en place à compter de novembre 2021 pour les personnes éloignées du numérique ou ne disposant pas d'un accès à internet. Cet accompagnement est réalisé par le centre de contact citoyen (CCC) de France Titres et les points d'accueil numérique (PAN) des préfectures et des sous-préfectures. L'administration est en outre tenue de mettre en œuvre une « solution de substitution » pour les usagers qui demeurent dans l'impossibilité de déposer leur demande de manière dématérialisée pour des raisons tenant à la conception ou au mode de fonctionnement de l'ANEF. La demande de titre est alors effectuée directement auprès de la préfecture ou de la sous-préfecture du département de résidence de l'usager. Un rendez-vous physique individuel est systématiquement proposé et les modalités de prise de rendez-vous comprennent au moins deux vecteurs, dont l'un n'est pas numérique. La dématérialisation des demandes de titres de séjour est ainsi assortie de la mise à disposition d'un accompagnement aux démarches en ligne ainsi que d'une voie de dépôt de substitution en cas de défaillance constatée du téléservice. En outre, afin d'éviter les situations de ruptures de droit et d'atténuer ainsi les incidences pour l'usager des délais de traitement s'ils sont dégradés, le téléservice ANEF permet à l'usager de télécharger, via son espace personnel, les documents suivants : - une attestation de prolongation d'instruction d'une durée de trois mois, renouvelable, lorsque l'instruction se poursuit au-delà de la date de validité du titre expiré, dès lors qu'un dossier complet est déposé. Ce document permet de justifier de la régularité du séjour, accompagné du titre expiré dans le cas d'un renouvellement ; - une attestation de décision favorable, générée automatiquement, dès que l'administration statue favorablement sur la demande. Ce document permet de justifier de la régularité du séjour dans l'attente de la remise effective du titre de séjour accordé. Afin de garantir la prise en compte de ces documents et ainsi l'accès aux droits des usagers, une campagne de sensibilisation et de communication a été menée à l'attention des usagers étrangers mais également des acteurs de l'accompagnement de ces publics ainsi que de ceux de la protection sociale et de l'emploi. Par ailleurs, un nouvel outil numérique visant à prévenir les situations de ruptures de droit a été développé par le ministère de l'Intérieur. Les usagers étrangers titulaires d'un titre de séjour dont le motif est disponible sur l'ANEF sont désormais alertés par courriel et par SMS de l'arrivée à échéance prochaine de leur titre et du délai dans lequel leur demande de renouvellement doit être présentée. Il existe également un dispositif légal qui permet de garantir la continuité des droits de l'étranger qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour pluriannuelle d'une durée de quatre ans, d'une carte de résident ou d'un titre de séjour d'une durée supérieure à un an prévu par une stipulation internationale. En effet, l'article L. 433-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit que l'étranger, titulaire de l'un de ces titres et qui en demande le renouvellement, peut justifier de la régularité de son séjour entre la date d'expiration de ce document et la décision prise par l'autorité administrative sur sa demande par la présentation de la carte ou du titre expiré, jusqu'à trois mois à compter de cette date d'expiration. Pendant cette durée de trois mois, l'usager conserve l'intégralité de ses droits sociaux ainsi que son droit d'exercer une activité professionnelle. En parallèle, l'accompagnement individualisé des préfectures dans le cadre des missions d'appui et de conseil conduites par les services centraux du ministère de l'Intérieur a permis la mise en œuvre par les services concernés de préconisations tendant à optimiser les procédures d'instruction et méthodes de travail internes. Depuis 2022, une trentaine de missions d'accompagnement a été conduite auprès du réseau des préfectures. S'agissant des moyens humains, les effectifs affectés aux services étrangers ont augmenté de 67% entre 2010 et 2024 alors que les effectifs des préfectures baissaient dans le même temps. Malgré un contexte des finances publiques très contraint, le ministère de l'Intérieur a poursuivi l'affectation d'effectifs pérennes supplémentaires dans les services des étrangers et en charge de l'accueil en 2023 et 2024 (86 sur 2 ans). Cet effort se poursuivra en 2025. Enfin, un plan de renforts triennal à hauteur de 570 vacataires (soit 190 par an) a été déployé au titre des années 2022 à 2024. En 2025, malgré le contexte budgétaire, il a été décidé de maintenir à un niveau équivalent aux années précédentes les renforts fléchés pour les services des étrangers, soit 190.
Auteur : Mme Danièle Obono
Type de question : Question écrite
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 24 décembre 2024
Réponse publiée le 17 juin 2025