Question orale n° 294 :
Moratoire sur le solaire en toiture favorisant l'agrivoltaïsme

17e Législature

Question de : M. Christophe Bex
Haute-Garonne (7e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Christophe Bex interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique concernant le moratoire sur le solaire en toiture favorisant les grands projets d'agrivoltaïsme. Depuis plusieurs années, le Gouvernement affiche son ambition d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables afin d'assurer la transition énergétique et garantir la souveraineté du pays. Et depuis juillet 2024, les habitants de Haute-Garonne sont effectivement les champions de France des panneaux solaires, avec 104 MW en autoconsommation individuelle. Pourtant, la dernière programmation pluriannuelle de l'énergie réduit les objectifs pour l'énergie photovoltaïque, privilégiant ainsi l'agrivoltaïsme et les installations de grande taille, au détriment des petits projets : 41 % sur petites et moyennes toitures ; 5 % sur petites installations au sol ; 54 % sur grandes installations, correspondant à 38 % au sol et 16 % sur toiture. Cette orientation inquiète fortement les acteurs de la filière solaire en toiture, qui permettent un développement des énergies renouvelables sans empiéter sur les terres agricoles. La révision brutale du tarif S21, divisant par trois le tarif de rachat pour les particuliers, pénalise également lourdement celles et ceux qui ont fait le choix de produire leur propre énergie. Alors que plus de 150 hectares de terres agricoles du Volvestre sont menacés par des projets photovoltaïques industriels, la filière solaire en toiture, mais aussi les petits agriculteurs souhaitant bénéficier des aides de l'État, sont ainsi sacrifiés au profit d'un agrivoltaïsme qui échappe aux règles d'artificialisation et dont la valeur est accaparée à 97 % par les industriels. Cette pratique ne garantit aucun partage de la valeur avec les agriculteurs, rend quasi impossible l'achat de foncier agricole et n'est soumise à aucune règle contraignante de remise en état. Et les pertes de rendement agricole sont bien réelles. Comment le Gouvernement peut-il justifier une décision qui accélère l'accaparement des terres agricoles par des acteurs énergétiques industriels, alors que l'ADEME affirme qu'il est tout à fait possible d'atteindre les objectifs de 100 GW en équipant les toitures individuelles, entrepôts, parkings et autres surfaces déjà artificialisées ? À la lumière de ces informations, il lui demande si le Gouvernement prendra la mesure des dangers de l'agrivoltaïsme et agira en conséquence lors de l'examen de la proposition de loi encadrant l'agrivoltaïsme, le mardi 1er avril 2025.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

ÉNERGIE PHOTOVOLTAÏQUE
M. le président . La parole est à M. Christophe Bex, pour exposer sa question, no 294, relative à l'énergie photovoltaïque.

M. Christophe Bex . Dans le Volvestre en Haute-Garonne, 150 hectares de terres agricoles sont concernés par des projets agrivoltaïques, dont l'un représente l'équivalent de soixante-dix terrains de foot. Ces projets comportent des risques, tels que la baisse des rendements, la financiarisation des terres, l'absence de partage de la valeur et l’impossibilité du rachat des terres par des agriculteurs.

Dans la dernière programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), les objectifs de production d'électricité solaire sont fortement réduits pour 2035. Récemment, un arrêté gouvernemental a divisé par trois le tarif de rachat pour les particuliers, ce qui pénalise celles et ceux qui ont fait le choix de produire leur propre énergie. Cette décision bouleverse les modèles économiques construits autour du photovoltaïque résidentiel. Que répondez-vous aux particuliers et aux professionnels de la branche ?

En faisant reposer plus de la moitié du développement de l’énergie solaire sur de grandes installations, vous priorisez les grands opérateurs et ceux qui peuvent déjà se permettre de financer ce genre de structure. Remettez-vous en question l'affirmation de l'Agence de la transition écologique (Ademe), selon laquelle il est tout à fait possible d’atteindre l'objectif de 100 gigawatts d'électricité solaire en équipant les toitures individuelles, les entrepôts, les friches industrielles et les parkings ? Il suffirait de 3 000 kilomètres carrés – 0,5 % de la superficie de la France – pour produire autant d'électricité que toutes nos centrales nucléaires.

M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie. Je vous remercie d'appeler l'attention du gouvernement sur la filière photovoltaïque, en particulier sur l'arrêté gouvernemental et sur le développement de l'agrivoltaïsme. Tout d'abord, s'agissant du cadre général, l'arrêté modifiant le dispositif de soutien au petit photovoltaïque sur bâtiment, publié il y a quelques jours, vise, pour les particuliers, à recentrer le soutien sur l'autoconsommation, tout en préservant l'ambition de la trajectoire énergétique du gouvernement.

Je précise que cet arrêté ne vaut que pour l'avenir : les contrats existants ne sont aucunement remis en question – il est important de le préciser car il peut y avoir des malentendus à ce sujet.

S'agissant des installations de taille plus importante, le soutien sera recentré sur les plus efficaces économiquement. L'arrêté, qui a été soumis pour avis à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et au Conseil supérieur de l'énergie (CSE), a fait l'objet de nombreux échanges avec les acteurs. Il répond aux préoccupations de la filière – j'en veux pour preuve les réactions des syndicats professionnels aux modifications opérées à la suite de la consultation.

L'agrivoltaïsme vise à concilier deux enjeux essentiels pour l'avenir de notre pays : la transition énergétique et la souveraineté agricole et alimentaire. La loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite loi Aper, a inscrit pour la première fois dans le code de l'énergie une définition de l'agrivoltaïsme. Le cadre de régulation transparent et équilibré qui s'applique depuis est le résultat d'un long processus de concertation avec les parties concernées : les acteurs du monde agricole, les énergéticiens et les services déconcentrés de l'État.

L'approche retenue par la loi, et que le gouvernement défend résolument, est fondée sur la confiance dans les acteurs locaux : dans les agriculteurs porteurs de projets, qui sont les plus à même d'identifier les besoins et de concevoir des solutions adaptées aux spécificités locales ; dans les parties prenantes, notamment les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), qui réunissent les chambres d'agriculture et les associations ; dans l'innovation technologique qui émergera à partir des différents projets locaux.

Bien sûr, la confiance n'exclut pas le contrôle. Par ailleurs, nous continuons à travailler sur la question du partage de la valeur avec l'ensemble des parties prenantes sur le territoire.

M. le président . La parole est à M. Christophe Bex.

M. Christophe Bex . Plus de 1 400 projets agrivoltaïques sont sur le bureau du préfet de Haute-Garonne. Les collectifs citoyens, les agriculteurs et les maires dénoncent l'absence d’un cadre clair garantissant une juste répartition de la valeur et la préservation des terres agricoles. L’avis de l’autorité environnementale souligne les pertes irrémédiables de terres cultivables et l’absence d’obligation concrète de remise en état. Votre gouvernement soutiendra-t-il la proposition de loi visant à assurer le développement raisonné et juste de l’agrivoltaïsme de Pascal Lecamp, ou refuse-t-il d’encadrer le développement des installations agrivoltaïques pour garantir une réelle protection des riverains, des terres agricoles et de l’ensemble des acteurs ?

Données clés

Auteur : M. Christophe Bex

Type de question : Question orale

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 25 mars 2025

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