Conséquences des taxes douanières sur les marchandises dans les outre-mer
Question de :
M. Stéphane Lenormand
Saint-Pierre-et-Miquelon (1re circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. Stéphane Lenormand alerte M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer, sur les conséquences de l'application de nouvelles taxes douanières aux marchandises depuis 2022 en provenance ou à destination de plusieurs départements régions d'outre-mer (DROM) et depuis la fin 2023 également dans les collectivités d'outre-mer (COM), donc à Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. En effet, considérées comme des importations et des exportations, ces marchandises sont soumises à taxation et des formalités douanières spécifiques, y compris lorsqu'elles sont contenues dans un envoi postal tel que le colis entre particuliers. C'est une application du « paquet TVA e-commerce », en vigueur depuis le 1er juillet 2021, visant à garantir les conditions d'une concurrence loyale entre tous les acteurs européens et étrangers du commerce en ligne, ainsi qu'entre ceux du commerce électronique et du commerce physique. C'est pourquoi l'ensemble des colis est désormais automatiquement taxé et déclaré, généralement par un transporteur agissant pour le compte des particuliers et professionnels, à partir du seuil de franchise de 22 euros. Toutefois, comme certains DROM et COM font partie du territoire douanier de l'Union européenne (UE), mais en revanche, ils ne font pas partie du territoire fiscal de l'Union européenne, une fiscalité particulière s'y applique et ils sont ainsi considérés comme des « pays tiers » (y compris dans leurs relations avec la France hexagonale) au même titre que la Chine ou la Russie (l'octroi de mer n'existe pas dans le sens DROM vers l'Union européenne). De ce fait, les marchandises en provenance ou à destination de ces territoires sont soumises à taxation et des formalités douanières spécifiques, avec des conséquences financières très lourdes pour ces populations. Plus particulièrement, pour les envois postaux de marchandises ayant un caractère occasionnel, pour un usage personnel ou familial et étant adressés sans contrepartie (financière ou autre), donc dépourvu de caractère commercial, tels que notamment les cadeaux, le seuil de franchise de taxes (TVA) est de 45 euros seulement. Aussi, dans un contexte économique difficile, marqué par la « vie chère » structurelle en outre-mer et aggravé par une conjoncture de forte inflation persistante, ces taxes et frais pèsent sur le pouvoir d'achat des familles ultramarines ainsi que sur celui de leurs proches installés sur le territoire de l'Union européenne notamment en France hexagonale. C'est pourquoi une révision urgente de ces mesures est réclamée pour répondre aux attentes de ces concitoyens et soulager leur portefeuille et le pouvoir d'achat. Aussi, il lui demande quels dispositifs il compte mettre en place, permettant aux ultramarins de se faire livrer ou d'adresser des produits à des prix abordables et ainsi rétablir au plus vite l'équité réelle et nécessaire entre les outre-mer et l'Hexagone.
Réponse publiée le 25 mars 2025
La lutte contre la vie chère dans les territoires ultramarins est une priorité du ministre d'Etat, ministre des outre-mer et du Gouvernement. L'application des taxes douanières et fiscales lors d'envois de colis entre particuliers doit tenir compte de cet objectif. La mesure « paquet TVA e-commerce » mise en place à compter du 1er juillet 2021 vise à lutter contre le fractionnement des colis qui échappent ainsi à la taxation. Si elle concerne les échanges entre particuliers, il s'agit néanmoins de relations commerciales entre particuliers via des plateformes. Ainsi, les ventes à distance de biens situés en dehors de l'UE de moins de 22 euros ne sont plus exonérées de TVA en Hexagone du fait de la suppression du titre IV de la directive TVA 2009/132/CE. En revanche, les directives européennes ne s'appliquant pas en outre-mer, cette exonération a été conservée pour les départements et régions d'Outre-Mer (DROM) de la Martinique, de la Guadeloupe et de La Réunion (cf. article 50 octies de l'annexe IV au CGI). Pour rappel, la TVA ne s'applique pas en Guyane et à Mayotte ni dans les collectivités d'outre-mer (COM) pour les raisons évoquées supra et, dans les trois DROM où elle s'applique, les taux applicables à l'importation sont plus faibles que ceux applicables dans l'hexagone, soit à 2,1 % (au lieu de 5,5 % ou 10 %) pour le taux réduit ou à 8,5 % pour le taux normal (au lieu de 20 %). S'agissant des envois non commerciaux de colis de marchandises ayant un caractère occasionnel, pour un usage personnel ou familial, en provenance de pays tiers à l'UE vers un Etat de l'UE ou vers un DROM (à l'exception de la Guyane et de Mayotte où la TVA ne s'applique pas), ils sont indistinctement exonérés de taxes (TVA et/ou droits de douane) dès lors que la valeur est inférieure ou égale à 45 euros. Il en va de même pour les envois en provenance des DROM vers un pays de l'UE. Les droits de douane sont quant à eux exemptés en application de la franchise douanière applicable aux envois de valeur négligeable jusqu'à 150 euros. En outre, afin de lutter contre la vie chère en outre-mer et permettre plus d'échanges vers les DROM, l'article 16 de loi de finances pour 2023 a permis de rehausser le seuil d'exonération de 205 euros à 400 euros à compter du 1er avril 2023 pour les petits envois non commerciaux en provenance d'un Etat membre de l'UE, permettant leur importation en franchise de TVA et en franchise d'octroi de mer pour tenir compte de l'inflation. Il s'agit d'une augmentation importante, le seuil étant doublé (modifiant l'alinéa 2 de l'article 8 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer). Le Gouvernement prend en outre des mesures pour préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens ultramarins. A la suite de revendications pour lutter contre la vie chère en Martinique, l'Etat a co-signé avec les acteurs économiques le 16 octobre dernier un protocole d'objectifs et de moyens pour lutter contre la vie chère. Cela repose sur l'effort conjoint de tous les acteurs : baisse conjuguée de l'octroi de mer, de la TVA, maîtrise du taux de marge des distributeurs, mécanisme de compensation des frais d'approche et application des prix-export. Après les premières baisses, d'environ 8 %, des prix des 6 000 produits avec la suppression dès le 18 décembre dernier de l'octroi de mer par la Collectivité territoriale de Martinique et un effort des acteurs économiques sur leurs marges, une deuxième baisse sera particulièrement visible pour les consommateurs avec la modulation de la TVA le 1er mars dernier avec le vote de la Loi de Finances. L'Etat travaille par ailleurs avec les compagnies maritimes pour parvenir à un mécanisme de réduction des frais d'approche pour les produits de première nécessité. Tous ces dispositifs devront se traduire par des baisses de prix qui seront constatées à travers un affichage spécifique et contrôlées par les services de la concurrence et de la répression des fraudes. Les dispositifs qui feront l'objet d'une expérimentation en Martinique auront vocation à être ensuite proposés aux autres territoires.
Auteur : M. Stéphane Lenormand
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Dates :
Question publiée le 24 décembre 2024
Réponse publiée le 25 mars 2025