Les librairies indépendantes en danger
Question de :
Mme Mathilde Hignet
Ille-et-Vilaine (4e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Mathilde Hignet alerte Mme la ministre de la culture sur les difficultés auxquelles sont confrontées les librairies indépendantes, notamment en milieu rural. La rentabilité économique des librairies est très faible. Alors que le prix du livre est relativement stable, notamment en raison de son encadrement par la loi de 1981, les différentes charges, notamment énergétiques ont tendance à augmenter. Il en va de même pour les frais de transport des marchandises ou de gestion des stocks. Surtout, le loyer constitue une variable importante, souvent particulièrement pénalisante, représentant en moyenne entre 5 et 10 % du chiffre d'affaires. Avec des moyens bien plus restreints que les grands magasins et plateforme de ventes en ligne, les petites librairies sont les plus exposées à ce risque économique, auquel s'ajoute une baisse du pouvoir d'achat généralisée. Le Syndicat de la librairie française (SLF) alertait Mme la députée en juin 2024 : une majorité de librairies indépendantes françaises seront déficitaires dans deux ans, si aucune mesure n'est prise. La France compte autour de 3 500 libraires indépendantes, pour environ 13 000 emplois. Si ce chiffre est plus ou moins stable depuis 10 ans, il cache une grande disparité géographique. Dès qu'on sort des agglomérations, leur présence est éparse, voire inexistante. Le ministère de la culture a annoncé poursuivre en 2025 « l'élan donné par le Plan bibliothèques par le biais du Plan culture et ruralité et son volet en faveur de la lecture dans les territoires ». Aucune mention n'est faite des librairies indépendantes, dont l'installation sert pourtant un objectif similaire de démocratisation de la lecture et de la culture en général. Alors que les villages et petites communes se vident de leurs commerces et services publics qui sont de plus en plus concentrés dans les métropoles, il est nécessaire de recréer du lien social à travers les structures culturelles dont font parties les librairies indépendantes. Lieux de vie et de partage, elles participent également au développement économique des communes où elles s'installent. Face à l'avènement des GAFAM et l'explosion des ventes en ligne, il est nécessaire de protéger l'exception culturelle française. Les librairies indépendantes sont un des maillons essentiels de cette exception. Elles participent à la diversité du secteur du livre. En tant que commerce de proximité, elles sont créatrices de liens sociaux et permettent l'émancipation collective des populations. Mme la ministre a présenté cet été un Plan « culture et ruralité ». Parmi les promesses faites : le doublement du soutien financier apporté par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) aux projets d'action culturelle des librairies rurales. Cette promesse n'a pas été concrétisée dans le projet de loi de finances 2025 du gouvernement de M. Barnier. Les députés ont adopté à la majorité lors des débats budgétaires en commission des finances la création d'un fonds de soutien, doté de 4 millions d'euros, pour l'installation des librairies indépendantes dans les centres-villes des communes rurales. Cette mesure n'a pu être discutée en séance publique. Les librairies indépendantes sont en danger et les députés ont des propositions pour les protéger. Elle lui demande ce qu'elle attend pour s'emparer de ces propositions.
Réponse publiée le 25 février 2025
Le ministère de la culture est très attentif à l'évolution de la situation économique des librairies indépendantes, en particulier dans le contexte difficile qu'elles connaissent aujourd'hui, du fait notamment de l'augmentation de leurs charges. Il conduit une politique de soutien à la création éditoriale fondée sur le maintien de conditions favorables à la diffusion d'une offre diversifiée. Dans ce cadre, il apporte un soutien important aux librairies indépendantes qui jouent un rôle majeur pour cette diffusion sur le territoire. Ce soutien se décline, tout d'abord, à travers un ensemble de dispositions normatives, comportant avant tout la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, mais aussi, par exemple, la loi n° 2021 1901 du 30 décembre 2021 dite « loi Darcos » qui vise à restaurer une équité entre le réseau des libraires et les grandes plateformes numériques en termes de frais de port de livres ou encore le décret n° 2016 360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics qui dispense de procédure de mise en concurrence et de publicité pour les achats publics de fourniture de livres non scolaires en dessous de 90 000 euros hors taxes. Son intervention passe aussi par un soutien financier. Dans ce cadre, le Centre national du livre (CNL), opérateur du ministère de la culture, et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) accompagnent de nombreux établissements tant pour leur création que pour leur développement. Les communes peuvent aussi venir en soutien des librairies. En effet, la loi Darcos, par dérogation à la répartition des compétences des collectivités territoriales, a permis au bloc communal d'attribuer des subventions aux librairies existantes pour des projets d'investissement ou de fonctionnement. L'accompagnement des librairies est aussi mené de manière coordonnée dans le cadre de contrats de filière, passés entre les DRAC, les régions et le CNL, qui visent à favoriser le développement du secteur du livre et des entreprises le constituant. Des structures privées peuvent également apporter un soutien aux librairies avec le concours de l'État : le fonds de soutien à la transmission des librairies, confié par le ministère de la culture en 2008 à l'Association pour le développement de la librairie de création (ADELC), accompagne aujourd'hui de nombreuses librairies. Par ailleurs, l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) octroie, sur la base d'une dotation de l'État, des prêts aux entreprises culturelles ainsi que des contre-garanties aux banques pour leurs prêts aux librairies. Pleinement convaincu de l'importance de l'existence d'une offre de librairie en ruralité, le ministère de la Culture a souhaité que le plan « Culture et Ruralité », lancé en juillet 2024, puisse comprendre des mesures en faveur des librairies. En 2025, dans la continuité d'une première série de soutiens engagés dès la fin d'année 2024, les DRAC conforteront la place de la librairie en ruralité, aussi bien pour des projets d'animation culturelle que pour des projets d'itinérance portés par des librairies déjà existantes, afin que l'offre littéraire puisse être rendue accessible au plus grand nombre.
Auteur : Mme Mathilde Hignet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Ruralité
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Dates :
Question publiée le 24 décembre 2024
Réponse publiée le 25 février 2025