Question orale n° 298 :
Allocation de solidarité aux personnes âgées

17e Législature

Question de : Mme Christine Engrand
Pas-de-Calais (6e circonscription) - Non inscrit

Mme Christine Engrand appelle l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur la situation préoccupante des aînés et plus particulièrement de ceux qui perçoivent l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), anciennement appelée minimum vieillesse. Dans une France où l'inflation pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des plus modestes et où le coût de la vie ne cesse d'augmenter, il apparaît essentiel de s'interroger sur les disparités existantes entre les retraités ayant travaillé toute leur vie avec des salaires modestes et ceux bénéficiant de l'ASPA sans avoir cotisé ou avec des cotisations très limitées. Aujourd'hui, une personne seule bénéficiant du minimum vieillesse perçoit 1 034,28 euros par mois en 2025. Dans le même temps, de nombreux retraités ayant travaillé toute leur vie, parfois avec des salaires modestes, comme les aides à domicile, les ouvriers ou les employés, ne perçoivent que de très faibles pensions allant de 750 euros à 1 100 euros par mois après des décennies d'efforts ; une injustice flagrante qui mine la confiance dans le système de répartition et de redistribution. Il convient également de noter la présence d'un angle mort statistique car l'opacité des chiffres relatifs aux bénéficiaires étrangers du minimum vieillesse et de l'ASPA constitue une lacune majeure dans l'évaluation de la politique sociale. Depuis plus d'une décennie, le Gouvernement ne publie plus de données précises sur l'origine des allocataires, comme s'il cherchait à cacher une réalité dérangeante sous le tapis du déni. Pourtant, des chiffres datant de 2009 sont sans équivoque : sur 70 860 bénéficiaires du SASPA, 25 205 étaient étrangers, soit plus d'un tiers (35,5 %). Parmi eux, seulement 3 % (soit 2 204) provenaient d'un pays de l'Union européenne, tandis que 32 % (22 803) étaient ressortissants de pays hors de l'Espace économique européen. Voilà la triste réalité : une aide financée par les Français, mais dont une part croissante des bénéficiaires sont des étrangers extra-européens. Cette situation pose une question fondamentale de justice sociale : alors que de nombreux retraités ayant travaillé toute leur vie peinent à joindre les deux bouts, le système continue d'attribuer cette allocation à des personnes n'ayant parfois jamais cotisé en France. Dans le Pas-de-Calais, de nombreux retraités font part de leur colère et de leur désarroi. Après une vie de labeur, certains doivent reprendre un emploi car leur pension est insuffisante pour vivre et dans le même temps, d'autres perçoivent des allocations sans avoir cotisé, nourrissant un sentiment d'injustice. Dans un contexte budgétaire contraint, Mme la députée demande comment le Gouvernement entend garantir que ceux qui ont travaillé toute leur vie soient mieux rémunérés que ceux n'ayant jamais cotisé. Elle lui demande également si le Gouvernement envisage de conditionner l'accès à l'ASPA à une durée minimale de cotisation en France, comme cela existe dans d'autres pays européens. Enfin, elle lui demande si le Gouvernement a conscience que cette situation nourrit un profond sentiment d'injustice chez les Français et contribue à la défiance envers le système de redistribution.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

ALLOCATION DE SOLIDARITÉ AUX PERSONNES ÂGÉES
M. le président . La parole est à Mme Christine Engrand, pour exposer sa question, no 298, relative à l'allocation de solidarité aux personnes âgées.

Mme Christine Engrand . Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Dans une France où l'inflation grève le pouvoir d'achat des plus modestes et où le coût de la vie ne cesse d'augmenter, il est de notre devoir de nous pencher sur la situation préoccupante de nos aînés, plus particulièrement de ceux qui perçoivent le minimum vieillesse, désormais appelé allocation de solidarité aux personnes âgées, ou Aspa.

En 2025, une personne seule bénéficiant du minimum vieillesse perçoit 1 034,28 euros par mois, une somme destinée à garantir un niveau de vie décent à ceux qui n'ont jamais ou très peu cotisé. Dans le même temps, de nombreux retraités qui ont travaillé toute leur vie, parfois avec des salaires modestes, comme les aides à domicile, des ouvriers ou des employés, perçoivent des pensions dont le montant ne s'élève qu'à 750 euros par mois, après des décennies d'efforts. Il s'agit d'une injustice flagrante, qui mine la confiance dans notre système de répartition et nourrit un sentiment d'abandon.

Il convient également de noter l'existence d'un angle mort statistique : l'opacité des chiffres relatifs aux bénéficiaires étrangers du minimum vieillesse et de l'Aspa constitue une lacune majeure dans l'évaluation de notre politique sociale.

Depuis plus d'une décennie, le gouvernement ne publie plus de données précises sur l'origine des allocataires, comme s'il cherchait à cacher une réalité dérangeante sous le tapis du déni. Pourtant, les derniers chiffres disponibles, qui datent de 2009, sont sans équivoque : sur 70 860 bénéficiaires du Saspa, le service de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, 25 205 étaient étrangers, soit plus d'un tiers. Parmi eux, seulement 3 % provenaient d'un pays de l'Union européenne, tandis que 32 % étaient des ressortissants de pays situés hors de l'Espace économique européen.

Voilà la triste réalité : l'Aspa est une aide financée par les Français, mais une part croissante de ses bénéficiaires est constituée d'étrangers extra-européens. Cette situation pose une question fondamentale de justice sociale : alors que de nombreux retraités ayant travaillé toute leur vie peinent à joindre les deux bouts, notre système continue d'attribuer cette allocation à des personnes qui n'ont parfois jamais cotisé.

Dans ma circonscription du Pas-de-Calais, de nombreux retraités m'ont fait part de leur colère, mais aussi de leur désarroi. Après une vie de labeur, certains doivent reprendre un emploi car leur pension est insuffisante pour vivre et, dans le même temps, d'autres perçoivent des allocations sans avoir cotisé. C'est le cas de Mme Leroux, 76 ans, qui continue à travailler sur les marchés de Lumbres et touche 720 euros par mois.

Dans un contexte budgétaire contraint, comment le gouvernement entend-il enfin garantir que ceux qui ont travaillé toute leur vie soient mieux rémunérés que ceux qui n'ont jamais cotisé ? Envisagez-vous de conditionner l'accès à l'Aspa à une durée minimale de cotisation en France, comme c'est le cas dans d'autres pays européens ? Avez-vous conscience que cette situation nourrit un profond sentiment d'injustice chez nos compatriotes et contribue à la défiance envers les politiques publiques ?

M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . Non, le gouvernement ne cherche pas à cacher quoi que ce soit. Vous avez raison : il est important pour nos concitoyens que les ressources affectées à la couverture des dépenses sociales soient utilisées à bon escient et avec vigilance. Le gouvernement est notamment très attentif à la lutte contre la fraude sociale.

Vous m'interrogez sur l'Aspa. Je rappelle qu'elle est servie, au titre de la solidarité nationale, aux personnes âgées modestes, pour leur assurer un minimum de ressources. Elle n'entretient aucun lien direct avec l'activité professionnelle de ses bénéficiaires, au contraire des minima de pension, qui valorisent la durée d'assurance. L'un des objectifs de notre système de retraite consiste à assurer un niveau de vie adapté aux retraités et à garantir la solidarité entre eux.

Vous souhaitez savoir si le gouvernement prévoit de conditionner l'attribution de l'Aspa à une durée minimale de cotisation en France. La réponse est non. En effet, pour bénéficier de cette allocation, les assurés doivent déjà justifier de la régularité de leur séjour sur le territoire français, pendant une période continue de dix ans précédant la date d'effet de l'Aspa. La condition de titre de séjour de dix ans doit être prouvée par la présentation d'un titre de séjour autorisant à travailler. Une condition de résidence régulière est donc déjà opposable et l'ajout d'une condition de durée minimale de cotisation pour les travailleurs étrangers aurait pour effet de vider ce dispositif de solidarité de sa substance profondément sociale.

Pour répondre à votre évocation d'un sentiment d'injustice, je reviendrai sur le mécanisme du minimum de pension. Selon les barèmes du minimum contributif en 2025, un assuré qui a cotisé pendant toute sa carrière au régime général sur la base du smic peut voir sa pension de retraite relevée jusqu'à 893 euros par mois. Si l'on y ajoute sa pension de retraite complémentaire Agirc-Arrco, ce montant peut atteindre 1 394 euros, grâce à ce minimum de pension. C'est bien plus que l'Aspa qui, malgré les revalorisations intervenues ces dernières années, s'élève à 1 034 euros.

Évidemment, du fait de carrières hachées ou de temps partiel, certains assurés ne bénéficient pas de l'intégralité du barème du minimum contributif, mais ces assurés modestes sont éligibles à l'Aspa, qui complète leur retraite personnelle.

Pour conclure, je tiens à rappeler que le gouvernement est profondément attaché à ce que le travail de toute une vie se traduise par une retraite décente. La réforme de 2023 prévoyait plusieurs mesures en ce sens : nous avons revalorisé les barèmes du minimum contributif, indexé désormais sur le smic ; nous avons intégré la prise en compte des périodes validées au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer et de l'assurance vieillesse des aidants pour la détermination de l'éligibilité au minimum contributif et son calcul ; enfin, nous avons instauré une revalorisation exceptionnelle pour les personnes déjà retraitées.

M. le président . La parole est à Mme Christine Engrand.

Mme Christine Engrand . Merci pour toutes ces informations, madame la ministre. Je vérifierai tout de même ce que vous venez d'affirmer, car il me semble que d'importantes disparités existent, dont pâtissent notamment ceux qui ont eu des carrières hachées, particulièrement les femmes.

Données clés

Auteur : Mme Christine Engrand

Type de question : Question orale

Rubrique : Personnes âgées

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 25 mars 2025

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