Question écrite n° 3001 :
Lutte contre la fraude aux aides à la rénovation énergétique des logements

17e Législature

Question de : M. Aurélien Dutremble
Saône-et-Loire (3e circonscription) - Rassemblement National

M. Aurélien Dutremble interroge Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la proposition de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) concernant le renforcement de la lutte contre la fraude aux aides à la rénovation énergétique des logements. En 2023, Tracfin évaluait les fraudes liées à la rénovation énergétique à 400 millions d'euros. Le 6 décembre 2024, une escroquerie à MaPrimeRénov, dispositif d'aide publique à la rénovation énergétique, a encore été démantelée comme l'indique le parquet de Nanterre pour un préjudice estimé à 27 millions d'euros. Ces fraudes, souvent dues à des sociétés organisées et mafieuses, ternissent évidemment l'image des entreprises du bâtiment et atteignent la confiance des particuliers dans les dispositifs d'aides. Face à la montée en puissance de la fraude à la rénovation énergétique des logements, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l'Agence nationale de l'habitat (Anah) renforcent leurs contrôles qui demeurent malheureusement insuffisants pour venir à bout du problème. Limiter la sous-traitance pour les travaux organisés pourrait comme le propose la CAPEB, avec d'autres fédérations de professionnels de bâtiment, lutter contre la fraude organisée, permettre ainsi une économie massive pour les finances publiques et enfin valoriser les entreprises honnêtes. Dans l'attente qu'une initiative législative puisse être votée par la représentation nationale, il souhaite connaître les mesures concrètes qu'elle entend mettre en œuvre dans le domaine. La rénovation énergétique des logements cache aujourd'hui une véritable industrialisation de la fraude aux aides publiques à laquelle il faut mettre un terme de façon urgente.

Réponse publiée le 18 février 2025

Pour permettre aux ménages d'améliorer le confort de leur logement, réduire leur consommation d'énergie et lutter contre le changement climatique, le Gouvernement fait de la rénovation énergétique une priorité. Au total, les aides financières aux rénovations énergétiques ont représenté en 2024, pour le parc résidentiel, un montant prévisionnel d'aides CEE engagées d'environ 4 Md€ et, pour le parc résidentiel privé, un montant d'aides MaPrimeRénov' engagées de 3,3 Md€. Le secteur de la rénovation est, du fait de ces montants, exposé à des pratiques commerciales trompeuses, fraudes et escroqueries dont les victimes sont à la fois les ménages abusés, les dispositifs d'aides publiques et les entreprises. Sur ce dernier point, il convient de ne pas confondre le montant réel du préjudice subi par l'État avec la somme de 398 M€ des déclarations de soupçon reçues par Tracfin de la part des banques. Après investigation, il est fréquent que soit ces signalements ne correspondent pas à des fraudes réelles, soit qu'ils les surestiment largement. Plus significatifs pour juger de la fraude détectée par Tracfin sont les montants en jeu dans ses transmissions à la justice, après investigations du service, dénonçant des escroqueries. Depuis 2022, 15 notes ont été transmises pour un montant total de préjudice s'élevant à 14,2 M€. Le Gouvernement lutte toutefois avec la plus grande détermination contre les diverses pratiques frauduleuses observées, notamment pour protéger les particuliers et les professionnels du secteur. Une cellule de veille interministérielle anti-fraude aux aides publiques rattachée à la mission interministérielle de lutte anti-fraude (MICAF) a été mise en place le 5 décembre 2023. Elle réunit, en vue d'une meilleure détection et sanction, les services de gendarmerie, de police, la DGCCRF, la DGFIP, Tracfin, la DG Travail, le parquet de la JUNALCO, le parquet européen et les services en charge de la conception et du déploiement de la politique de rénovation énergétique des logements (DGALN, DGEC, ANAH). Elle définit des stratégies d'action et d'enquête concertées. Un plan interministériel cohérent associant l'ensemble des acteurs concernés a également été présenté par le Gouvernement en novembre 2023. Le premier axe de ces mesures est d'améliorer la prévention et de limiter les risques d'escroquerie. Une communication adaptée a été mise en place par la DGCCRF et l'Anah (campagnes de communication, sites internet du service public de l'habitat France Rénov, espaces conseils France Rénov', Maisons France Service) pour rendre plus accessible l'information sur les bons réflexes que doit avoir un ménage pour se protéger des fraudeurs. Le ménage est également informé qu'il peut faire un signalement et doit, s'il est victime d'une escroquerie, porter plainte pour faire valoir ses droits. Le second axe de ce plan est de renforcer les contrôles pour détecter et réprimer la fraude. Les contrôles des aides versées aux ménages par l'Anah sont aussi renforcés et diversifiés. Le système d'instruction des demandes de prime MaPrimeRénov' repose sur une instruction en deux étapes, avant et après les travaux, et 100% des dossiers sont contrôlés à chaque étape. Ce système est complété d'un contrôle de second niveau – soit de manière aléatoire, soit selon des critères de risques de fraude –qui a été renforcé. Il est parachevé par des contrôles sur place, avant paiement, ciblés sur les dossiers les plus à risque, pour environ 10% des dossiers, contre 7% en 2023. En outre, les données des usagers sont davantage protégées grâce à la sécurisation des comptes mise en place sur les plateformes d'aide avec France Connect +, déployée courant 2024, ainsi qu'à un meilleur contrôle des données fiscales et bancaires. Dans le cas des rénovations d'ampleur, vient s'ajouter l'obligation depuis le 1er janvier 2024 de recourir à un assistant à maitrise d'ouvrage agréé par l'Etat (« Mon Accompagnateur Rénov' ») qui permet de sécuriser l'usager, l'entreprise, et l'Etat tout au long du parcours de travaux aidés ; dispositif qui fait l'objet lui-même d'un contrôle tant des structures agréées que des prestations. En cas de suspicion de fraude sur un dossier, sa mise en paiement est suspendue systématiquement par l'ANAH et des vérifications approfondies sont menées. Ces vérifications sont essentielles car une suspicion, ou même une non-conformité à la suite d'un contrôle de l'Anah, ne signifie pas nécessairement une tentative de fraude à l'aide publique. Le Gouvernement est également conscient des tentatives de fraude qui existent sur le dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE). Le taux de contrôle imposé aux producteurs d'énergie avant dépôt de leur dossier augmente progressivement (10% en 2023, 15% en 2025). Pour les dispositifs les plus à risque, le taux de contrôle demandé est de 100%. Ainsi, chaque année, les entreprises demandeuses de CEE réalisent environ 125 000 contrôles sur site par un organisme d'inspection accrédité. En complément, le nombre de contrôles mandatés par la direction générale de l'énergie et du climat est également en augmentation : de l'ordre de 8 000 contrôles sur site ont été réalisés en 2024 et 380 000 vérifications par courrier afin de lutter spécifiquement contre les risques d'usurpation d'identité. Les exigences d'indépendance des organismes d'inspection du dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) ont également été renforcées et les pouvoirs de supervision du comité français d'accréditation (Cofrac) et des services de l'État ont été étendus. De surcroît, le financement des rénovations globales de maisons individuelles par le dispositif CEE a été réformé au 1er janvier 2024 et celui des copropriétés depuis septembre 2024, pour mieux maîtriser les conséquences de fausses déclarations. Les textes CEE évoluent pour s'adapter en quasi temps réel aux fraudes détectées (renforcement des contrôles avant dépôt sur certains travaux, demande des pièces justificatives supplémentaires en réaction à des schémas de fraude…). Depuis janvier 2023, 25 décisions de sanction ont été prises à l'encontre de 22 entreprises différentes, sous forme de sanctions financières, d'un montant total de 5,8 M€ et d'annulations de CEE, représentant de l'ordre de 20,1 M€. Enfin, pour renforcer encore les leviers d'action des services de l'Etat, depuis la prévention jusqu'aux sanctions, le Gouvernement a pris connaissance avec intérêt de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, n° 447, déposée le mardi 15 octobre 2024 par M. le député Thomas Cazenave. Il s'attachera à soutenir les mesures qui y sont proposées et/ou à proposer de les amender dans l'objectif d'aller plus loin en matière de lutte contre la fraude à la rénovation énergétique. Toutefois, une régulation éventuelle de la sous-traitance dans le secteur de la rénovation pourrait avoir des conséquences importantes sur l'organisation entre acteurs du secteur, la partage de la valeur et l'accès des petites entreprises aux programmes de rénovations globales. Elle doit donc être étudiée avec attention et les bénéfices espérés en matière de lutte contre la fraude pourraient être limités.

Données clés

Auteur : M. Aurélien Dutremble

Type de question : Question écrite

Rubrique : Logement : aides et prêts

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Logement

Dates :
Question publiée le 31 décembre 2024
Réponse publiée le 18 février 2025

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