Question de : M. Kévin Pfeffer
Moselle (6e circonscription) - Rassemblement National

M. Kévin Pfeffer attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation sur les difficultés d'évaluation de la démographie et du nombre d'habitants des communes en Moselle à cause de l'inapplication de l'obligation de déclaration domiciliaire dans ce département. Les ordonnances des 15, 16 et 18 juin 1883 établissent pour les habitants des trois départements d'Alsace-Moselle une obligation de déclaration de changement de domicile dénommée déclaration domiciliaire. Or ces dispositions connaissent une forte inapplication puisqu'aucune sanction n'est prise en cas de manquement à cette obligation. Les maires de village s'inquiètent fortement de cette situation car ils constatent que de plus en plus de personnes cessent de déclarer leur arrivée ou leur départ. Leur inquiétude est plus que légitime dans la mesure où une grande partie de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes est déterminée par le nombre d'habitants. Alors que le recensement prévu pour 2024 a déjà été repoussé en 2025, la prise en compte de la population pour le calcul de la DGF n'interviendra au mieux qu'en 2028, à cause du décalage de trois ans pour la prise en compte de la population recensée. La population calculée par l'INSEE sera de facto dépassée dans beaucoup de municipalités. Entre données démographiques désuètes et suppression de la taxe d'habitation, beaucoup de maires ne s'y retrouvent plus financièrement. L'argument régulièrement soulevé par le Gouvernement sur le risque de porter atteinte à la liberté d'aller et venir, qui constitue un principe constitutionnel, paraît très fragile. Il ne s'agit en l'espèce que d'une déclaration, pas d'une demande d'autorisation d'établissement ou de départ de la commune. En outre, l'argument selon lequel une telle obligation de déclaration poserait une charge disproportionnée pour les services communaux semble très limité puisque ce sont d'ailleurs les maires qui demandent le retour de cette obligation. Enfin, puisqu'il s'agit seulement d'un registre à mettre à jour, aucune difficulté majeure ne sera posée aux services communaux. Réduire cette déclaration à une atteinte au droit au respect de la vie privée est tout aussi surprenant sur le plan juridique. Ainsi, pour le calcul de la DGF, le délai de lissage sur trois ans pourrait être réduit en cas de progression de la population et une procédure supplémentaire de recensement, qui existait autrefois, devrait être restaurée. ll lui demande donc si le Gouvernement entend adopter des mesures cohérentes pour mettre fin à un problème qui ne fait que de s'aggraver d'année en année ; la perte financière est très lourde pour les municipalités et c'est la qualité des services publics les plus proches des citoyens qui en pâtit.

Réponse publiée le 25 février 2025

Si le Gouvernement comprend le souhait des communes de disposer d'un état des lieux détaillé de leur population pour faciliter la gestion des services publics locaux, l'instauration d'une déclaration domiciliaire qui obligerait tout nouvel habitant d'une commune à déclarer son domicile à la mairie de cette commune se heurte à de nombreux écueils juridiques et techniques. Cette obligation générale de déclaration domiciliaire se traduirait par la constitution d'un fichier de données à caractère personnel, ce qui pose nécessairement la question du respect des exigences constitutionnelles relatives à la protection des libertés individuelles, et notamment les principes constitutionnels de liberté d'aller et venir et de respect de la vie privée. Comme l'a souligné le Conseil constitutionnel (Conseil constitutionnel, décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014), la création d'un traitement de données à caractère personnel doit être justifiée par un motif d'intérêt général précis et d'une importance suffisante, afin d'aboutir à une conciliation équilibrée avec la protection des libertés individuelles. Or, en l'espèce, la création d'un fichier d'une telle ampleur, non motivée par un intérêt général précis comme les situations d'urgence ou des circonstances exceptionnelles par exemple, pourrait soulever une difficulté sérieuse au regard de ces exigences constitutionnelles. Enfin, une telle obligation créerait des charges supplémentaires pour les communes. Celles-ci seraient contraintes de s'organiser pour recevoir les déclarations de domicile, délivrer des récépissés et tenir un registre de la population communale. Quant à la méthodologie actuelle de recensement de la population, il convient de rappeler qu'elle a été réformée par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Les premières enquêtes de recensement suivant ce nouveau schéma ont été réalisées par les communes en 2004 et les premières publications des populations légales par l'Insee ont eu lieu en 2008 à la fin du premier cycle quinquennal. Depuis cette date, les chiffres de population d'une commune sont actualisés chaque année, même si, dans le cas des communes de moins de 10 000 habitants, le recensement n'a lieu qu'une fois tous les 5 ans. Ces chiffres peuvent ainsi être pris en compte sans délai dans le calcul de la DGF. Il n'est plus nécessaire d'attendre les résultats d'un recensement général qui pouvait être espacé de plusieurs années ou de recourir à la mécanique très limitative et contraignante des recensements complémentaires. Les informations collectées sont ramenées à une même date pour toutes les communes afin d'assurer l'égalité de traitement entre elles et d'obtenir une bonne fiabilité des données. Cette nouvelle procédure traite à égalité l'ensemble des communes, puisque c'est l'année médiane du cycle des recensements qui est retenue pour chacune d'elles. Il n'est pas concevable qu'une commune reçoive une dotation calculée sur des chiffres plus anciens ou plus récents qu'une autre du simple fait de sa taille ou en vertu du hasard qui a fixé sa date de recensement. Cette option assure aussi une plus grande équité dans la répartition des concours de l'État, puisqu'elle confère aux dénombrements de population, qui sont le critère essentiel de cette répartition, le maximum de fiabilité. Les événements affectant, positivement ou négativement, la démographie d'une commune seront pris en compte avec un décalage de trois ans dans toutes les communes, alors qu'avec les modalités de recensement précédentes, de tels événements n'étaient pas pris en compte avant huit ou neuf ans quand ils se produisaient juste après un recensement général de la population. Malgré cela, vous indiquez que la méthodologie de recensement de la population et son utilisation pour le calcul des dotations est défavorable aux communes qui connaissent une forte croissance de leur population. J'appelle votre attention sur le fait qu'une modification de cette méthode, et notamment du lissage des évolutions de la population, serait défavorable aux communes qui connaissent une dynamique inverse. En 2024, 46% des communes ont vu leur dotation forfaitaire diminuer du fait d'une baisse de leur population ; il ne me paraît pas souhaitable d'accélérer cette diminution, qui se traduirait en baisse plus forte de la DGF de ces communes. Le recensement de la population fait l'objet d'une évaluation permanente par la commission nationale d'évaluation du recensement (CNERP), instance chargée de la concertation entre les producteurs et les utilisateurs de la statistique publique. Cette commission, présidée par Monsieur le Sénateur Eric Kerrouche est explicitement chargée d'évaluer les modalités de collecte des informations recueillies à l'occasion du recensement de la population. Elle peut proposer des modifications aux dispositions législatives et réglementaires relatives au recensement de la population. Cette commission se réunit au moins deux fois par an et peut mettre en place des groupes de travail spécifiques. Dans ce cadre, un groupe de travail sur l'avancement d'un an du calendrier de publication des résultats du recensement a été lancé lors de sa réunion du 16 novembre 2023, et ses travaux se sont achevés fin 2024.

Données clés

Auteur : M. Kévin Pfeffer

Type de question : Question écrite

Rubrique : Communes

Ministère interrogé : Aménagement du territoire et décentralisation

Ministère répondant : Aménagement du territoire et décentralisation

Dates :
Question publiée le 14 janvier 2025
Réponse publiée le 25 février 2025

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