Prise en charge des étudiants exilés, refugiés ou demandeurs d'asile
Question de :
Mme Céline Hervieu
Paris (11e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Céline Hervieu alerte Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la situation des étudiants exilés. En France, les étudiants exilés - réfugiés ou demandeurs d'asile - font face à de nombreuses difficultés pour poursuivre leurs études dans de bonnes conditions. 430 466 étudiants étrangers étaient inscrits dans l'enseignement supérieur français l'an dernier. Pourtant, on ignore combien d'entre eux sont des étudiants exilés. Le Préambule de la Constitution de 1946 proclame que « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». Au-delà d'un devoir humanitaire, l'accueil de ces étudiantes et étudiants en France est aussi une question cohérence avec les principes républicains, à l'heure où des conflits et des crises partout dans le monde forcent de nombreux jeunes à fuir leur pays. Or les obstacles qu'ils rencontrent sont considérables. D'abord, ils font face aux difficultés communes à tous les étudiants, notamment l'accès au logement ou à une alimentation de qualité. Mais aux obstacles traditionnels s'ajoutent des barrières spécifiques, qui nécessitent une réponse adaptée. Ainsi, la complexité du système universitaire les laisse souvent démunis. Ils doivent s'orienter seuls dans un labyrinthe de plateformes d'admission - Parcoursup, Mon Master, eCandidat -, avec des critères différents et peu adaptés à leurs parcours. Sur Parcoursup, il est obligatoire de saisir les notes des trois années de lycée et celles du baccalauréat. Comment exiger cela de jeunes qui ont fui dans l'urgence ? Enfin, leur intégration est entravée par des frais administratifs supplémentaires difficiles à assumer : entre 70 et 150 euros pour un test de français, entre 30 et 50 euros pour la traduction d'un document, jusqu'à 90 euros pour faire reconnaître leur diplôme en France. Certes, certaines universités tentent d'apporter des solutions, notamment avec les programmes « Passerelle » qui prennent en charge certains frais et offrent un accompagnement linguistique et académique. Depuis la guerre en Ukraine, ces initiatives se sont multipliées : il y en avait, début 2024, 39, dont 15 en région parisienne. De plus, sept établissements ont instauré une procédure de candidature unique pour les étudiants exilés. Mais ces dispositifs restent insuffisants et trop dépendants des volontés locales, ce qui laisse de nombreux étudiants seuls après leur admission. Or 50 % des étudiants échouent en première année. Ce taux d'échec révèle un manque de soutien structurel. Pour ces jeunes, poursuivre leurs études en France est bien plus qu'un projet académique : c'est la possibilité de reconstruire leur avenir. Aussi, elle souhaiterait savoir quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre pour améliorer l'accès et la réussite des étudiants exilés dans l'enseignement supérieur français et ainsi faire en sorte que la France soit véritablement à la hauteur de ses responsabilités à leur égard.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
ÉTUDIANTS EXILÉS
M. le président . La parole est à Mme Céline Hervieu, pour exposer sa question, no 309, relative aux étudiants exilés.
Mme Céline Hervieu . En France, les étudiants exilés, qu'ils soient réfugiés ou demandeurs d'asile, font face à de nombreuses difficultés pour poursuivre leurs études dans de bonnes conditions. Le préambule de la Constitution de 1946 proclame que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». Au-delà d'un devoir humanitaire, l'accueil des étudiants exilés en France est un devoir républicain à l'heure où, partout dans le monde, des conflits et des crises forcent de nombreux jeunes à fuir leur pays.
Or les obstacles qu'ils rencontrent sont considérables. Aux difficultés communes à tous les étudiants – l'accès au logement, le prix de l'alimentation, le coût de la vie – s'ajoutent, pour les étudiants exilés, des barrières supplémentaires. Les critères d'inscriptions sur les plateformes d'admission Parcoursup, Mon Master ou Ecandidats sont inadaptés à leur parcours. Comment, par exemple, exiger de jeunes qui ont fui leur pays dans l'urgence qu'ils saisissent leurs notes de trois années de lycée et du baccalauréat ? Ils se voient aussi imposer des frais administratifs supplémentaires : entre 70 et 150 euros pour un test de français, entre 30 et 50 euros pour la traduction d'un document et jusqu'à 90 euros pour faire reconnaître leur diplôme.
Certaines universités tentent d'apporter des solutions, notamment avec des programmes, dits Passerelle, qui prennent en charge certains frais tout en offrant un accompagnement linguistique et académique. Depuis le début de la guerre en Ukraine, de telles initiatives se sont multipliées. Début 2024, on en comptait trente-neuf, dont quinze en région parisienne. De plus, sept établissements ont instauré une procédure de candidature unique pour les étudiants exilés. Dans ma circonscription, par exemple, j'ai rencontré des étudiants palestiniens qui avaient fui Gaza et qui ont pu intégrer les universités Paris-Saclay ou Paris-Dauphine grâce à des programmes spécifiques organisés en lien avec le ministère des affaires étrangères. Mais de tels exemples sont encore trop peu nombreux et ces étudiants ont laissé à Gaza beaucoup d'autres jeunes qui voudraient étudier en France.
Ces différents dispositifs restent insuffisants et trop dépendants des volontés locales, ce qui laisse seuls de nombreux étudiants après leur admission. Or nous savons que 50 % des étudiants échouent en première année. Ce taux révèle un manque de soutien structurel.
Pour les jeunes qui ont fui la misère, les conflits ou la guerre, étudier en France est bien plus qu'un projet académique. C'est la possibilité de se reconstruire un avenir. Quelles mesures concrètes le gouvernement entend-il prendre pour améliorer l'accès des étudiants exilés au système français d'enseignement supérieur ainsi que leur réussite ?
M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je suis très sensible à la question de l'accueil des étudiants et des enseignants-chercheurs exilés. Depuis six ans, le ministère de l'enseignement supérieur soutient fortement les actions déployées en leur faveur. Il a ainsi accompagné la mise en place des diplômes universitaires (DU) dits Passerelle, que vous avez évoqués, dès que l'idée en a été proposée, en 2017.
Ces diplômes reposent principalement sur un apprentissage intensif du français comme langue étrangère. Ils proposent également des activités d'orientation, d'intégration et d'ouverture socioculturelle, pour aider les étudiants dans la préparation de leur projet universitaire et professionnel.
Le ministère apporte un soutien constant au réseau des établissements engagés pour l'accueil des étudiants en exil, le Mens, pour migrants dans l'enseignement supérieur. Ce réseau accrédite les DU Passerelle et leur apporte un financement. Par ailleurs, ces dernières années, un assouplissement des procédures d'inscription a été décidé, afin de faciliter l'entrée des étudiants réfugiés dans l'enseignement supérieur français.
En accord avec les universités, nous les dispensons de la procédure de demande d'admission préalable (DAP), qui permet d'accéder à Parcoursup. Ils peuvent candidater directement auprès des établissements, à qui une circulaire a rappelé qu'il convenait de faire preuve de souplesse dans l'examen des candidatures des étudiants réfugiés, notamment parce que certains ne peuvent pas produire les pièces justificatives dont vous avez parlé. Par ailleurs, nous expérimentons dans plusieurs établissements une procédure dédiée aux étudiants exilés, la demande d'admission adaptée.
Enfin, le ministère a déployé les mesures de soutien renforcé aux étudiants déplacés d'Ukraine, qui sont assimilés à ceux disposant du statut de réfugié et bénéficient des mêmes dispositifs que ces derniers. Ils ont accès à davantage de cours de français langue étrangère, grâce à des places supplémentaires, ouvertes notamment dans les DU Passerelle, et à des aides spécifiques, comme des bourses sur critères sociaux pour les détenteurs de la protection temporaire, des repas à 1 euro, des aides d'urgence des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), un soutien psychologique et l'accès aux logements gérés par les Crous.
Je tiens à réaffirmer mon engagement plein et entier sur cette question. Accueillir des étudiants et des enseignants réfugiés, qui arrivent dans notre pays après un long parcours, ballottés sur les routes de l'exil, fait l'honneur de la France et transforme nos établissements en havres. Cela donne aussi aux universités et aux écoles de l'enseignement supérieur l'occasion d'accueillir des talents qui s'inscriront dans la durée en France.
Auteur : Mme Céline Hervieu
Type de question : Question orale
Rubrique : Réfugiés et apatrides
Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 mars 2025