Question orale n° 30 :
Situation des élus prokurdes destitués en Turquie et appui aux Kurdes du Rojava

17e Législature

Question de : M. Stéphane Hablot
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Stéphane Hablot attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la répression exercée par le gouvernement turc contre les élus prokurdes en Turquie, une situation qui s'aggrave et touche directement la stabilité et les droits démocratiques dans cette région. Depuis plusieurs années, l'État turc a destitué de nombreux maires kurdes du parti DEM (Le Parti de l'égalité et de la démocratie des peuples) démocratiquement élus dans les villes à forte représentation kurde et plus récemment dans des villes telles que Mardin, Batman, Halfeti et Hakkari. Ces destitutions, systématiquement accompagnées de l'installation d'administrateurs d'État, sont justifiées par des accusations de liens supposés avec des organisations terroristes telles que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Pourtant, ces accusations apparaissent fréquemment infondées et ont été dénoncées tant par des organisations internationales de défense des droits de l'Homme que par la population locale. Ces accusations semblent davantage motivées par une volonté d'éloigner la représentation kurde des institutions politiques turques. Ces actes de destitution, perçus comme un déni des droits démocratiques et une discrimination systémique, ont déclenché une série de protestations pacifiques de la part de la population locale et des militants des droits civiques, qui dénoncent l'absence de respect pour la volonté des électeurs kurdes. Or ces rassemblements de soutien font régulièrement l'objet de violentes répressions par les forces de sécurité turques, car ils sont jugés illégaux par les autorités et sont dispersés par des moyens violents, accentuant ainsi le sentiment d'injustice et d'oppression ressenti par la communauté kurde. Ces destitutions s'accompagnent également de condamnations judiciaires sévères. À titre d'exemple, le maire de Mardin, Ahmet Türk, avait déjà été destitué et emprisonné en 2016, ou plus récemment, en juin 2024, le maire de Hakkari, Mehmet Siddiq Akis, a été destitué et condamné à une peine de 19 ans d'emprisonnement. Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné la Turquie pour ses persécutions politiques, y compris dans un arrêt « Selehattin Demirtas c. Turquie (N°2) » pour l'incarcération de l'ancien président du HDP (Parti démocratique des peuples) et qui reste malgré tout emprisonné. Les Kurdes en Turquie sont contraints de créer régulièrement de nouveaux partis prokurdes, car le gouvernement turc dissout systématiquement les formations politiques kurdes dès qu'elles gagnent en influence. Dans ce contexte, le Conseil démocratique kurde en France (CDK-F) a récemment rappelé la responsabilité de la communauté internationale, dans la défense des droits démocratiques en Turquie et a exhorté la France et l'Union européenne à condamner fermement ces pratiques antidémocratiques. En outre, la question kurde dépasse les frontières de la Turquie et concerne directement la région du Rojava, dans le nord-est de la Syrie, où les Kurdes, malgré un contexte de conflit, ont réussi à établir une administration autonome. Cette administration, fondée sur des principes démocratiques, de pluralisme ethnique et de gouvernance par la base, a également été un allié essentiel dans la lutte contre l'État islamique (Daesh), menant des opérations conjointes aux côtés des forces de la coalition internationale, dont la France. Malgré les sacrifices consentis dans cette lutte, la région du Rojava reste vulnérable aux pressions et aux invasions de la Turquie, qui considère cette administration autonome comme une extension des mouvements kurdes qu'elle combat sur son propre territoire. Les actions militaires turques répétées continuent de mettre en péril la stabilité de la région et d'empêcher les Kurdes de développer pleinement leur administration et leurs infrastructures et minent également les efforts de la communauté internationale pour instaurer une paix durable dans la région. M. le député souhaite connaître les initiatives concrètes que la France et ses partenaires européens comptent entreprendre pour condamner fermement la répression continue des droits des Kurdes en Turquie et notamment si M. le ministre envisage de porter cette question au sein de l'Union européenne pour soutenir une position commune face aux violations des droits politiques des Kurdes et exiger la fin de ces pratiques antidémocratiques. Enfin, il souhaite en particulier connaître les engagements de la France pour protéger l'administration autonome du Rojava et ses habitants, alliés dans la lutte contre Daesh, face aux pressions et agressions constantes de la Turquie et les moyens que la France met en œuvre pour soutenir le développement de cette administration dans les domaines essentiels de la gouvernance, de l'éducation et des infrastructures, afin de contribuer à la stabilité de cette région.

Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024

SITUATION DES KURDES EN TURQUIE
Mme la présidente . La parole est à M. Stéphane Hablot, pour exposer sa question, no 30, relative à la situation des Kurdes en Turquie.

M. Stéphane Hablot . La question que je voudrais poser au ministre de l'Europe et des affaires étrangères nous tient particulièrement à cœur en raison du lien qui nous unit à tous les territoires, bien au-delà des frontières de notre pays. J'ai eu l'honneur d'être le maire d'une ville riche de quatre-vingt-dix-huit nationalités : certaines personnes ont acquis la nationalité française après avoir fui la guerre en Turquie ou au Kurdistan, où leurs populations étaient massacrées. Les droits de l'homme sont loin d'être respectés dans tous les pays.

Je souhaite par conséquent appeler l'attention sur la répression exercée par le gouvernement turc contre les élus pro-kurdes, une situation qui s’aggrave et menace directement la stabilité et les droits démocratiques dans la région.

La Turquie, nous le savons, a la velléité d'intégrer l'Union européenne. Encore faudrait-il qu'elle respecte les droits de l'homme.

Depuis plusieurs années, l'État turc a destitué de nombreux maires kurdes du parti de l'égalité et de la démocratie des peuples, démocratiquement élus dans les villes à forte représentation kurde et plus récemment dans des villes telles que Mardin, Batman, Halfeti et Hakkari.

Ces destitutions, systématiquement accompagnées de l'installation d'administrateurs d'État, sont justifiées par des accusations de liens supposés avec des organisations terroristes alors que ces populations ont combattu Daech. De qui se moque-t-on ?

Ces accusations apparaissent fréquemment infondées et ont été dénoncées tant par des organisations internationales de défense des droits de l'homme que par la population locale.

Le lien est direct. Nous subissons le terrorisme dans notre pays et ces personnes ont combattu le terrorisme. Nous devons les aider.

Les accusations semblent davantage motivées par une volonté d'éloigner la représentation kurde des institutions politiques turques. Ces actes de destitution, perçus comme un déni des droits démocratiques et une discrimination systémique, ont déclenché une série de protestations pacifiques de la part de la population locale et des militants des droits civiques, qui dénoncent l'absence de respect pour la volonté des électeurs kurdes.

Or ces rassemblements de soutien font régulièrement l'objet de violentes répressions par les forces de sécurité turques, car ils sont jugés illégaux par les autorités qui les dispersent violemment, accentuant ainsi le sentiment d'injustice et d'oppression ressenti par la communauté kurde.

De plus, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Turquie pour ses persécutions politiques mais un ancien président du parti démocratique des peuples reste toujours emprisonné.

Par ailleurs, la question kurde dépasse les frontières turques et concerne la région du Rojava, dans le nord-est de la Syrie. Cette administration autonome, fondée sur des principes démocratiques et un pluralisme ethnique, a été un allié essentiel dans la lutte contre Daech, notamment aux côtés des forces de la coalition internationale, dont la France.

Quelles initiatives concrètes la France, avec ses partenaires européens, envisage-t-elle de prendre pour condamner fermement la répression des droits politiques des Kurdes en Turquie ? Est-il prévu de porter cette question au niveau de l'Union européenne ? Quels engagements la France prend-elle pour soutenir l’administration autonome du Rojava et ses habitants face aux pressions turques ? Quels moyens sont-ils déployés pour aider au développement de cette administration dans des domaines essentiels comme la gouvernance, l’éducation et les infrastructures, afin de contribuer à la stabilité durable de cette région ?

Ce qu'ils vivent, nous le vivrons. Il ne faut pas dire que leur drame est trop éloigné pour nous concerner. Au contraire, nous le sommes tous car les droits de l'homme sont universels et dépassent largement les frontières.

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger . Je vous remercie de votre question. Avant d'y répondre, je rappelle que je partage avec vous la connaissance d'un territoire aux très nombreuses nationalités, dont une communauté turque très importante.

La France a suivi avec beaucoup d'attention la tenue des élections municipales turques en mars dernier et a pris acte de leurs résultats. Je tiens à rappeler ici notre attachement au respect de l'État de droit, aux principes démocratiques et au pluralisme à tous les niveaux. Au nom de ces valeurs chères à la France, nous encourageons la Turquie, conformément aux engagements internationaux qu'elle a librement souscrits, à respecter les résultats du scrutin.

Nous observons également avec intérêt la situation dans le Nord de la Syrie, sur laquelle vous avez appelé notre attention. Au sein de la coalition internationale à laquelle la France appartient, nous avons pu mesurer l'engagement des forces démocratiques syriennes dans la lutte contre Daech : Kurdes et Arabes syriens combattent côte à côte.

Au cours des deux dernières années, nous avons financé des projets humanitaires de stabilisation et des opérations de déminage à hauteur de près de 45 millions d'euros dans le Nord et l'Est de la Syrie. La France souligne l'importance d'éviter toute initiative déstabilisante pour la région et appelle toutes les parties prenantes à la retenue, au respect du droit international ainsi qu'à la protection des populations et des infrastructures civiles. Nous échangeons régulièrement en ce sens avec les différents acteurs présents.

Nous réitérons notre soutien à l'appel lancé par le secrétaire général de l'ONU et son envoyé spécial en faveur d'une cessation des hostilités dans l'ensemble de la Syrie et d'une solution politique conforme à la résolution 2254, adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité des Nations u nies.

Mme la présidente . La parole est à M. Stéphane Hablot.

M. Stéphane Hablot . Quand les choses fonctionnent bien, il faut savoir le dire ! Je vous remercie donc pour votre réponse exhaustive qui est rassurante, notamment quant au respect des droits de l'homme.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Hablot

Type de question : Question orale

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2024

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