Question de : M. Jean-Philippe Tanguy
Somme (4e circonscription) - Rassemblement National

M. Jean-Philippe Tanguy appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire concernant les solutions d'abattage et notamment le développement de l'abattage à la ferme. La question de l'abattage fait partie du cycle de l'élevage, elle ne peut pas être éternellement mise sous silence. Le 14 décembre 2023, la Commission européenne a enfin autorisé l'abattage à la ferme en l'étendant aux ovins et caprins dès lors qu'il existe un risque au cours du transport. À l'heure où le nombre d'abattoirs de boucherie est en constante diminution (263 aujourd'hui, contre 1 700 dans les années 60), le développement de nouvelles méthodes d'abattage est essentiel. La suppression progressive d'abattoirs de proximité au profit de grosses structures industrielles contraint les éleveurs à effectuer de longues distances, obligeant les animaux à traverser la France pour se faire abattre, du fait de la spécialisation de certains abattoirs qui diffèrent en fonction des espèces. Afin de répondre à l'absence de maillage territorial, l'abattage à la ferme permettrait de répondre à un besoin économique et territorial en palliant la diminution d'abattoirs de proximité. En effet, en mettant en place ce dispositif, les animaux ne sont pas transportés vers des abattoirs mais abattus sur leur lieu d'élevage, ce qui permet de prévenir des possibles blessures des animaux durant le transport. D'après les données de la Commission européenne, plus de 40 % des voyages transportant des bovins, des chevaux, des caprins et des ovins, vivant au sein de l'Union européenne, durent entre 8 et 24 heures. Il convient de souligner que l'abattage exercé actuellement représente une source de stress pour l'animal, causé par différents facteurs, tels que la distance parcourue, le changement d'environnement, la séparation avec le reste du troupeau ou les différentes manipulations répétées par des inconnus. Alors que les animaux qui entrent à l'abattoir sont souvent exposés à des risques sanitaires relatifs aux contacts inter-espèces ou avec des animaux de provenances différentes, le développement de l'abattage à la ferme permettrait d'éviter, ou a minima, de maîtriser ces risques. Sous réserve de bonnes conditions de réalisation, l'abattage à la ferme permettra aux animaux de disposer d'une fin de vie moins stressante. Or la réduction de stress améliore indirectement la qualité de la viande. De nombreux éleveurs ont le souhait d'accompagner leurs animaux jusqu'à la fin de leur vie et contrôler leur mort, relevant d'une nécessité sociale, éthique et économique. Cela leur donne également la capacité de gérer le devenir de la carcasse et offre plus de transparence sur les conditions dans lesquelles se déroule l'abattage. Cette méthode accorde donc plus de souplesse aux éleveurs dans leur choix d'abattage des animaux, sous réserve du respect des règles d'hygiène afin de garantir la sécurité alimentaire. Des associations, telles que « Quand l'abattoir vient à la ferme », ont vu le jour et soutiennent fermement la mise en place d'un cadre légal autour de l'abattage mobile. Au-delà des conséquences pour les éleveurs, cette question intéresse aussi les citoyens souhaitant être responsables de leurs démarches de consommation. Néanmoins il est essentiel que ce dispositif soit efficace, impliquant la présence de personnel compétent et régulièrement formé. La manipulation des animaux doit s'effectuer dans le calme et dans le respect de l'animal, ce qui signifie notamment que l'étourdissement soit instantané et systématique. Le développement de l'abattage à la ferme est crucial pour répondre aux enjeux de relocalisation, d'installation de l'élevage paysan et d'approvisionnement local, tout en assurant le respect de la considération animale. Il lui demande ce que le Gouvernement compte mettre en place pour soutenir un droit d'abattage à la ferme afin de prendre compte des préoccupations des éleveurs.

Réponse publiée le 1er avril 2025

Les exigences réglementaires qui s'appliquent à l'abattage des animaux, tant sur l'aspect sanitaire qu'en matière de protection animale, relèvent de la règlementation européenne en vigueur [paquet hygiène dont notamment le règlement (CE) n° 853/2004 fixant des règles spécifiques d'hygiène applicables aux denrées alimentaires d'origine animale et le règlement (CE) n° 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort]. Cette réglementation a vocation à garantir, partout sur le territoire de l'Union européenne (UE), un très haut niveau de sécurité sanitaire des aliments et de protection animale, tout en évitant les distorsions de concurrence. Cette réglementation impose que l'abattage hygiénique des animaux dont les viandes sont destinées à être mises sur le marché, est réalisé dans un cadre professionnel dans un établissement agréé, à savoir un abattoir, dans lequel sont réalisés des contrôles sanitaires, à la fois sur les animaux vivants et sur les viandes qui en sont issues. À ce titre, l'abattage à la ferme par l'éleveur lui-même sans aucun contrôle sanitaire est interdit, sauf pour certaines espèces dans le cadre de l'autoconsommation. Le recours à l'abattage sur le lieu d'exploitation, pour notamment éviter le transport des animaux et favoriser les circuits courts, a cependant été porté par la France devant la Commission européenne en 2022, permettant la reconnaissance des abattoirs mobiles et des caissons mobiles d'abattage [règlement délégué (UE) n° 2024/1141 du 14 décembre 2023 modifiant les annexes II et III du règlement (CE) n° 853/2004 en ce qui concerne les exigences spécifiques en matière d'hygiène applicables à certaines viandes, aux produits de la pêche, aux produits laitiers et aux œufs]. Les autorités françaises accompagnent désormais les projets qui sont portés dans le respect de ces exigences réglementaires. Notamment, l'État a accompagné le projet d'abattoir mobile « Bœuf éthique » et il l'a subventionné via le plan de relance. Si ce premier projet n'a pu prospérer, plusieurs autres projets sont actuellement en cours de développement et quatre abattoirs d'élevage ont déjà vu le jour en 2024. Une dizaine d'abattoirs d'élevage pourrait être en activité d'ici fin 2025. L'abattage est une activité de marché, libre et concurrentielle, assurée en grande majorité par des acteurs privés qui restent les premiers responsables du respect de la réglementation. Le territoire national compte aujourd'hui 226 abattoirs d'animaux de boucherie, nombre qui a diminué de 16 % depuis les six dernières années. Chaque fermeture d'abattoir impacte le maillage territorial et la possibilité des éleveurs de faire abattre leurs animaux à proximité du lieu d'élevage. Soucieux d'accompagner les filières animales dans un contexte marqué par les difficultés auxquelles fait face le secteur des abattoirs, le ministère chargé de l'agriculture a initié en juillet 2023 un plan d'action global pour consolider le maillage en abattoirs de boucherie au bénéfice des filières de l'élevage et des territoires. Cette démarche, composée de quatre axes, associe les acteurs professionnels et les collectivités territoriales pour construire une stratégie territorialisée. Ces éléments ont été présentés dans un communiqué de presse concernant la stratégie abattoir diffusé sur le site internet du ministère chargé de l'agriculture le 7 décembre 2023. Pour autant, en l'état du maillage actuel, d'une manière générale, les temps de transport des animaux sur le territoire national pour se rendre à l'abattoir restent à ce jour modérés. Une étude réalisée par le ministère chargé de l'agriculture sur les données 2022 indique en effet qu'un bovin sur deux est abattu à moins d'une heure trente de transport de son lieu d'élevage, et seulement un bovin sur dix à plus de quatre heures quinze de transport (Agreste, juin 2023 n° 10).

Données clés

Auteur : M. Jean-Philippe Tanguy

Type de question : Question écrite

Rubrique : Élevage

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 14 janvier 2025
Réponse publiée le 1er avril 2025

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