Situation des mineurs non accompagnés
Question de :
M. Hendrik Davi
Bouches-du-Rhône (5e circonscription) - Écologiste et Social
M. Hendrik Davi alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la situation des mineurs non accompagnés dans le pays. Le 20 novembre 2024 était célébrée la Journée internationale des droits de l'enfant. Cette date correspond à l'adoption d'une convention en 1989, que la France a ratifiée. Pourtant, aujourd'hui dans le pays, plus de 2 000 enfants dorment chaque nuit dehors. C'est 120 % de plus qu'il y a 4 ans. Pendant que les 500 personnes les plus riches du pays possèdent plus de 1 200 milliards d'euros. L'État doit fournir des soins, une assistance et une protection adéquats à tous les enfants, quel que soit leur statut. Pourtant, dans les Bouches-du-Rhône et à Marseille notamment, plus d'une centaine d'enfants non accompagnés sont laissés dehors, faute de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance. Le rapport de Human Rights Watch publié en janvier 2024 a bien documenté cet état de fait et les conséquences que cela engendre. Depuis septembre, la situation s'est même aggravée. Le tribunal pour enfants est passé de onze juges à un seul, pour étudier les recours d'environ 600 jeunes, suite à la première évaluation réalisée par les travailleurs sociaux. Selon le SAF de Marseille, plus de 90 % des recours sont désormais refusés. Ce chiffre est bien en dessous de la moyenne nationale. En outre, les rendus de justice suspendent la décision à la présentation de preuves de papiers qui mettent des mois à être délivrés, quand les jeunes arrivent à les réunir. En attendant, aucune ordonnance de protection provisoire n'est prononcée. Ces situations sont pourtant contraires aux normes internationales qui reconnaissent le principe de la présomption de minorité. Le Comité des droits de l'enfant des Nations unies, qui veille à la bonne application de la convention internationale des droits de l'enfant, a adressé ses observations à la France le 2 juin 2023. Il recommande d'appliquer le principe de présomption de minorité lors de la procédure d'évaluation de l'âge y compris pendant la procédure judiciaire : le jeune doit ainsi être traité comme un enfant dans l'attente de l'examen de sa situation par le juge pour enfant. En mars 2023, dans le cadre d'une affaire individuelle concernant la France, il avait également demandé à l'État « d'adopter des mesures de protection en faveur des jeunes gens affirmant être mineurs dès leur entrée sur le territoire de l'État partie et pendant toute la procédure en les traitant comme des enfants et en leur reconnaissant tous les droits que leur reconnaît la Convention ». Le Conseil de l'Europe, lui, dans une recommandation de décembre 2022, a indiqué que « les États devraient veiller à ce que les personnes soumises à une procédure d'évaluation de l'âge soient présumées mineures tant que cette procédure n'indique pas le contraire » Dans son arrêté du 21 juillet 2022, la Cour européenne des droits de l'homme réaffirme elle aussi le principe de présomption de minorité. Enfin, les décisions du Conseil d'État ainsi que du Conseil constitutionnel (CE, 1er juillet 2015, n° 386769 ; QPC, 21 mars 2019, n° 2018-768) ont réaffirmé l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant. Il l'interroge donc sur les mesures qu'il compte prendre afin de garantir le respect des droits fondamentaux des mineurs non accompagnés sur l'entièreté du territoire national.
Réponse publiée le 10 juin 2025
Aux termes de la loi, la prise en charge et l'évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille relèvent de la compétence du président du conseil départemental, en lien et sous le contrôle de l‘autorité judiciaire. En amont et durant cette évaluation, les jeunes se présentant comme MNA font l'objet d'une mise à l'abri dans le cadre d'un accueil provisoire d'urgence telle que définie dans le code de l'action sociale et des familles. La personne est ainsi prise en charge dans une structure adaptée à sa situation. Elle bénéficie également d'un entretien pour évaluer ses besoins en matière de santé. A la suite de cette évaluation, si le président du conseil départemental estime que le jeune est majeur ou accompagné, alors il met fin à la mise à l'abri du jeune. La décision du président du conseil départemental n'est pas en elle-même attaquable. En effet, le fait qu'à tout moment, en vertu de l'article 375 du code civil, le jeune puisse saisir directement le juge des enfants afin de bénéficier d'une mesure en assistance éducative, rend irrecevable le recours formé devant le juge administratif contre la décision du président du conseil départemental (CE, 1 juillet 2015, n° 386769). La saisine du juge des enfants à la suite d'une décision de refus de prise en charge ne peut donc pas être suspensive. Toutefois, sur le point particulier soulevé en matière d'ordonnance de protection provisoire, le juge des enfants et le procureur de la République, en cas d'urgence, peuvent, dans l'exercice de leur compétence, ordonner des mesures provisoires dans l'attente de la décision en matière d'assistance éducative, sur le fondement de l'article 375-5 du code civil. Leurs décisions sont prises en stricte considération de l'intérêt de l'enfant et restent à leur libre appréciation. De même, il est à noter que le Conseil d'Etat, dans une décision du 14 mars 2023 (n° 471867), estime qu'il est également possible pour la personne de saisir le juge du référé liberté sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. A ce titre, le juge des référés peut enjoindre la poursuite de l'accueil provisoire s'il estime que l'appréciation du président du conseil départemental est manifestement erronée et qu'il existe un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité. En dehors de ce cas précis, le juge des référés n'intervient pour protéger cette liberté fondamentale que lorsque l'atteinte à celle-ci est causée par une carence des services départementaux dans l'exercice de leurs missions, respectant ainsi la compétence de l'autorité judiciaire, qui est saisie au fond à la suite de la phase administrative de mise à l'abri et d'évaluation de la situation de la personne. Enfin, il est important de souligner que ces dernières années ont été marquées par un nombre important d'arrivées de personnes se déclarant MNA (en moyenne, sur les trois dernières années, 28 336 MNA ont été confiés aux départements par décision judiciaire). Face à cette situation, les autorités judiciaires, comme le représentant de l'État, guidés par l'intérêt supérieur de l'enfant, recherchent activement toutes les solutions utiles à l'exercice par la collectivité départementale de la mission d'aide sociale à l'enfance que lui confère la loi, dans un esprit d'échange et de dialogue.
Auteur : M. Hendrik Davi
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enfants
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 14 janvier 2025
Réponse publiée le 10 juin 2025