Question de : Mme Christine Arrighi
Haute-Garonne (9e circonscription) - Écologiste et Social

Mme Christine Arrighi alerte Mme la ministre de la culture sur la rémunération des enseignants contractuels des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA). Les ENSA connaissent une situation grave. La capacité d'accueil limitée d'étudiants conduit la France à être le pays d'Europe où le nombre d'architectes par habitant est le plus bas. Les conditions d'enseignement sont si dégradées qu'elles empêchent les enseignants de mener à bien leurs projets pédagogiques et de fournir à leurs élèves le matériel pourtant indispensable à l'apprentissage des arts plastiques. Si on peut saluer l'alignement du traitement des enseignants titulaires des ENSA sur celui de leurs homologues de l'université, il lui est incompréhensible qu'il n'en aille pas de même pour les enseignants contractuels de ces écoles. Ceux-ci représentent pourtant environ 37 % des personnels enseignant en ENSA (et réalisent 23 % du temps d'enseignement) et ne sont rémunérés qu'au niveau du Smic + 13 % malgré une ancienneté pouvant dépasser les trente années et une formation initiale allant du niveau bac + 5 à bac + 8 ou équivalent. À cet égard, l'augmentation de leur rémunération de 113 euros net en moyenne le 1er janvier 2023 est largement insuffisante pour rattraper le retard. Le ministère a indiqué par écrit dès le 30 septembre 2022 qu'il avait demandé 4,2 millions pour le projet de loi de finances pour 2023 pour la revalorisation de ces enseignants contractuels , qu'il avait reçu 1,5 millions et que les demandes de revalorisation complémentaires se poursuivraient pour le projet de loi de finances pour 2024. ( cf. « Scénarios de revalorisation des rémunérations des enseignants contractuels des ENSA » du 30 septembre 2022, qui annonce la première revalorisation pour 2023 et poursuit « Le ministère poursuivra ses demandes de revalorisation lors des prochaines lois de finances »). Or ce complément ne figurait pas dans le projet de loi de finances pour 2024. Et les services du ministère de la culture ont évoqué auprès des parties prenantes qu'à la place, une négociation serait en cours où le seul engagement est que les salaires des enseignants contractuels seront discutés. Ce qui est pour le moins une régression par rapport à l'engagement d'une revalorisation dès le début 2024. À ce jour, le ministère de la culture ne confirme donc pas le respect de son engagement par écrit en septembre 2022 d'une demande de poursuite des revalorisations. Au contraire la négociation actuellement en cours entre ministère et syndicats propose d'augmenter l'indice actuel par 10 % et en parallèle d'augmenter la référence à un temps plein par 20 %, ce qui équivaut une réduction de rémunération au taux horaire de 10 %, Le collectif des enseignants contractuels refuse donc cette modification qui est une manière d'éliminer toute la revalorisation de 2023 et de rendre presque impossible toute évolution équitable future. Aussi bien la transition écologique que la relance tant attendue de la politique du logement de qualité ont besoin d'architectes : c'est pourquoi il est indispensable de mettre fin à la précarité de celles et ceux qui les forment. À travail égal, salaire égal ! Il s'agit d'une condition sine qua non pour former les architectes de demain - profession dont la France manque tant - lesquels participeront à bâtir la République écologique. C'est pourquoi elle lui demande les dispositions qu'elle entend prendre pour mettre fin à la précarité des enseignants contractuels des ENSA et engager la revalorisation salariale promise, légitime et indispensable, pour l'équité et la justice sociale.

Réponse publiée le 3 décembre 2024

Les enseignants dits « contractuels » dans les Écoles nationales supérieures d'architecture et de paysage (ENSA-P) sont d'une part des enseignants associés, relevant d'un statut fixé par un décret de 2018 et rémunérés sur les crédits du ministère de la culture, et d'autre part des enseignants rémunérés directement par les ENSA-P. Les différentes catégories d'enseignants dans les écoles d'architecture correspondent à des besoins pédagogiques différents. Les enseignants non titulaires ont majoritairement une activité professionnelle principale hors enseignement, et ont des quotités horaires d'enseignement inférieures à celles des titulaires permettant notamment d'assurer des remplacements, d'enseigner les langues ou de répondre à des besoins à temps incomplet. Les professeurs et maîtres de conférences associés ou invités sont des enseignants contractuels rémunérés sur titre 2, dont le statut est régi par le décret n° 2018-107 du 15 février 2018. Les intervenants extérieurs, dont le statut est défini par le décret n° 2018-108 du 15 février 2018, sont des personnalités ayant une activité professionnelle autre que l'enseignement et qui dispensent des enseignements spécialisés dans les ENSA-P pour des durées d'intervention plafonnées à 48 heures annuelles. Enfin, le recours aux enseignants contractuels rémunérés sur titre 3 s'inscrit dans un contexte en évolution. En 2013, la circulaire dite « Filippetti » permettait de réserver l'emploi des contractuels sur titre 3 aux matières pour lesquelles il n'existait pas de disciplines chez les enseignants titulaires (langues étrangères, par exemple), aux emplois permanents à temps incomplet et pour les remplacements des absences ou vacances de poste. En 2017, le « Protocole d'accord relatif au plan d'accès à l'emploi titulaire dans les écoles nationales supérieures d'architecture » du ministère de la culture fixait des cibles à atteindre entre les catégories d'enseignants. Le protocole partait d'un état des lieux en 2016 (63 % d'enseignants titulaires et d'associés et 37 % de contractuels et de vacataires) et opérait une projection en 2023 en définissant une cible de 77 % de titulaires et d'associés et 23 % de contractuels et d'intervenants extérieurs. L'application de ce protocole a fait l'objet d'un bilan annuel partagé entre le ministère et les organisations syndicales jusqu'à son terme, en 2023. En 2019, la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a redéfini les conditions de recours aux agents contractuels, notamment dans les établissements publics administratifs, comme le sont les ENSA-P. Dans les écoles, le recours aux enseignants contractuels est motivé principalement par la nécessité de répondre à des besoins spécifiques : assurer les enseignements de langues étrangères, couvrir des besoins d'enseignement particuliers (design, sciences du vivant…) dans des champs non couverts par les enseignants titulaires, assurer temporairement le remplacement de titulaires absents ou maintenir le contrat d'enseignants qui n'ont pas réussi le concours. Les données des différents rapports annuels de performance montrent une baisse globale du nombre d'enseignants rémunérés sur titre 3 (tous statuts, incluant les intervenants extérieurs régis par le décret n° 2018-108 du 15 février 2018) : -16 % de 2016 à 2022. Cela correspond à la politique d'intégration conduite par le ministère. En 2022, on décomptait 713 enseignants contractuels sur titre 3 (en personnes physiques) dans les ENSA P, représentant 328 équivalents temps plein travaillés (ETPT), ce qui montre que ces enseignants sont majoritairement recrutés sur des contrats à temps partiel. Les enseignants en contrats à durée indéterminée sont majoritaires (422 enseignants sur 713). Leur nombre a diminué entre 2020 et 2022 : il est passé de 883 à 713 en personnes physiques, et de 412 à 328 en ETPT. Cette évolution s'explique notamment par l'application du protocole de 2017, qui a favorisé le passage d'enseignants relevant du titre 3 vers le statut d'enseignant-chercheur (titre 2) ou vers celui de maître de conférences associé (titre 2). En termes de rémunération, la masse salariale consacrée aux enseignants sur titre 3 est intégrée dans la subvention pour charges de service public des ENSA-P, qui relève des crédits du programme 361. En 2023, des mesures nouvelles obtenues sur le programme 361 ont permis de consacrer un total de 1,5 million d'euros à la revalorisation de la rémunération des enseignants contractuels. Celle-ci est passée au 1er janvier 2023 de l'indice net majoré (INM) 352 à l'INM 410, soit une augmentation de 58 points d'indice (soit +158 euros mensuel pour un contrat à 70 %). En 2024, la revalorisation s'est poursuivie avec le passage au 1er janvier des enseignants-contractuels à l'INM 415. Les enseignants contractuels des ENSA-P sur titre 3 ne sont pas inclus dans le dispositif « Albanel » du ministère de la culture permettant de créer un cadre de gestion pour cette catégorie de personnels. L'accord de méthode national conclu en 2023 sur la rémunération des agents contractuels du ministère de la culture les a fait figurer. La négociation sur la révision des cadres de gestion des agents contractuels reprendra prochainement, permettant d'évoquer notamment les pistes de revalorisation des enseignants contractuels des ENSA P. Le ministère de la culture espère la signature rapide d'un accord majoritaire avec les organisations syndicales sur cette révision.

Données clés

Auteur : Mme Christine Arrighi

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement supérieur

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 3 décembre 2024

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