Question orale n° 318 :
Prévention retrait gonflement des argiles sécheresse habitat individuel

17e Législature

Question de : M. Vincent Ledoux
Nord (10e circonscription) - Ensemble pour la République

M. Vincent Ledoux rappelle à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche que pour la première fois dans l'histoire de la prise en compte du phénomène RGA (retrait gonflement des argiles), une ligne budgétaire de la LFI 2025 en prévoit sa prévention. M. le député s'en réjouit puisqu'il l'appelait de ses vœux dans son rapport au Gouvernement : « N'attendons pas que ce soit la cata ! ». M. le député a donc plusieurs questions et quelques modestes avis sur la mise en œuvre du nouveau dispositif très attendu ! Tout d'abord, le prochain budget sur lequel Mme la ministre travaille actuellement permettra-t-il de subventionner suffisamment des premiers travaux de prévention et de réparation que le CCR estime à 40 millions d'euros pour traiter annuellement 4 000 maisons en utilisant des mesures horizontales ? Comment alors la sélection des maisons mises en danger par le RGA va-t-elle s'opérer ? M. le député avait suggéré de prioriser des zones où il est peu probable qu'un arrêté de catastrophe naturelle soit prononcé. Ensuite et comme elle l'a fait pour Breil-sur-Roya, Mme la ministre utilisera-t-elle davantage le bureau central de tarification en le rendant encore plus accessible par une approche digitale et omnicanale plus moderne ? Quel est l'état des discussions avec les assureurs sur ce point ? Comment va-t-elle promouvoir le futur dispositif ? Si M. le député avait appelé de ses vœux un pilotage stratégique au plus haut niveau, il faudra en revanche une démarche à la maille des propriétaires individuels pour faire mieux connaître les outils et les financements en faveur de la prévention. Comment seront associés les maires de France qui sont en première ligne ? Par ailleurs, Mme la ministre ne pense-t-elle pas que les assureurs ont tout intérêt à créer une association de prévention des risques naturels pour les biens immobiliers comme ils l'ont très bien fait pour la prévention routière ? En a-t-elle discuté avec eux ? Enfin, le traitement vertical actuellement majoritaire (résine et micro-pieux) est coûteux, invasif et très émetteur de CO2. Pour s'attaquer plus aux causes des fissures qu'à leurs symptômes, il faut développer la recherche de solutions horizontales qui visent à stabiliser le taux d'humidité sous les maisons. Mme la ministre a-t-elle l'intention d'impulser le changement réglementaire et normatif nécessaire pour aller plus vite ? Si 30 % des 11 millions de maisons concernées se fissurent à un horizon 2100, on parle d'un enjeu de près de 15 milliards d'euros pour la collectivité, plus que l'érosion du trait de côte ! Il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

RETRAIT-GONFLEMENT DES ARGILES
Mme la présidente . La parole est à M. Vincent Ledoux, pour exposer sa question, n°  318, relative au retrait-gonflement des argiles.

M. Vincent Ledoux . Le retrait-gonflement des argiles (RGA) est un phénomène naturel qui fissure les maisons. C’est une énorme catastrophe qui sévit à bas bruit. On estime à 11 millions le stock de maisons concernées ; si 30 % d’entre elles se fissurent à l’horizon 2100, l'enjeu financier sera de près de 15 milliards d’euros.

Je salue donc l’effort du gouvernement qui, dans un contexte financier tendu, consacre un budget à la prévention de ce phénomène. Mais cet effort sera-t-il suffisant pour subventionner les premiers travaux de prévention et de réparation, qui visent à traiter annuellement 4 000 maisons grâce à des mesures dites horizontales ? La Caisse centrale de réassurance estime leur coût à 40 millions d’euros.

D'ailleurs, comment le gouvernement compte-t-il utiliser ce fonds, sélectionner les bénéficiaires et promouvoir le dispositif ? Comme il l’a fait pour Breil-sur-Roya, l’État envisage-t-il d'utiliser davantage le bureau central de tarification, en adoptant une approche numérique et omnicanale plus moderne ?

Dans mon rapport sur le phénomène de retrait-gonflement des argiles, j’avais préconisé un pilotage stratégique au plus haut niveau. À défaut, il faudra une démarche à la maille des propriétaires individuels pour mieux faire connaître les moyens de la prévention. Il sera naturellement utile de s’assurer de la bonne coopération des maires, qui sont en première ligne. Pour aller plus loin encore, ne pensez-vous pas que les assureurs ont tout intérêt à créer une association de prévention des risques naturels pour les biens immobiliers, comme ils l'avaient fait pour la prévention routière ?

Enfin, et pour nous attaquer davantage aux causes des fissures qu’à leurs symptômes, il nous faut plutôt développer la recherche de solutions horizontales, visant à stabiliser le taux d’humidité sous les maisons, plutôt que de nous résigner aux mesures verticales – micropieux, résine –, plus coûteuses, plus invasives et donc peu vertueuses sur le plan écologique. Dans ce but, et pour aller plus vite, le ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche a-t-il l’intention d'engager le changement réglementaire et normatif nécessaire ?

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux . Pour l'année 2022, le coût des sinistres RGA est estimé à plus de 3,5 milliards d'euros, un record depuis la création du régime Cat nat. Dans ce contexte, je vous confirme que, pour la première fois, ce gouvernement a créé une enveloppe budgétaire dédiée, dotée d'un montant de 30 millions, inscrite dans la loi de finances pour 2025, pour financer les gestes de prévention des risques RGA pour environ 3 000 maisons individuelles. Ce montant est certes limité par rapport au coût des sinistres, mais il s'agit d'une expérimentation, que nous pourrons éventuellement étendre. Dans les territoires exposés à un risque RGA fort, nous souhaitons privilégier les solutions horizontales, moins coûteuses et moins invasives, les bénéficiaires devant en outre remplir des critères économiques.

Le gouvernement soutient par ailleurs la simplification des modalités d'accès au bureau central de tarification, grâce notamment à la saisine par voie électronique proposée par la sénatrice Christine Lavarde et le député Antoine Vermorel-Marques dans leurs propositions de loi respectives.

Dans le même esprit, le Roquelaure de l'assurabilité des territoires a récemment abouti à un plan d'action pour une couverture assurantielle adaptée pour les collectivités.

Pour la bonne information des élus, le dispositif de prévention du RGA a été présenté le 9 avril au conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM) et le 15 avril au groupe de travail « risques et crises » de l'Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).

Vous appelez de vos vœux la création, par les assureurs, d'une association de prévention du risque naturel. À cet égard, le plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) prévoit un renforcement des actions de prévention et de sensibilisation du public en lien avec les acteurs du secteur de l'assurance.

Tels sont les éléments que Mme la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, souhaitait porter à votre connaissance en réponse à votre question.

Mme la présidente . La parole est à M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux . Tout cela va évidemment dans le bon sens, mais il faut aller vite et fort. À un an des prochaines élections municipales, il nous faut entraîner tous les maires, dont certains méconnaissent les solutions – ayant moi-même été maire pendant dix-sept ans, j'ai peut-être pris, en aménageant l'espace collectif, des mesures contre-indiquées compte tenu des problèmes que rencontraient les maisons individuelles.

C'est pourquoi il faut que nous puissions très rapidement travailler avec l'AMF. Je compte d'ailleurs réunir ici, le 21 mai, tous les acteurs de la chaîne RGA et les représentants du gouvernement, de manière à ce que nous avancions ensemble. En effet, les axes de progrès sont nombreux. Le fonds sécheresse, adopté dans la dernière loi de finances mais n'entrant véritablement en vigueur que l'an prochain, est évidemment d'une grande importance.

Ne nous y trompons pas : il y a quelques années, nous avions adopté un dispositif comportant deux enveloppes, à l'opérabilité fortement contestable. Gardons-nous de créer une usine à gaz telle que l'argent n'irait pas là où il doit. Il nous faut accompagner un changement de culture, auquel certains résistent : ayant à arbitrer entre un arbre qui fragilise la maison en pompant beaucoup d'eau et la maison elle-même, les gens le font parfois en faveur de l'arbre. Cet accompagnement indispensable doit être fourni par un État aussi décentralisé que possible, au niveau du propriétaire ou de la parcelle. Nos concitoyens vivent un véritable drame, moins reconnu que ceux qu'entraînent d'autres catastrophes naturelles, comme les inondations. En effet, la sécheresse et les fissures sont plus insidieuses, plus silencieuses.

Merci pour votre réponse, mais il faut aller plus vite, plus loin, plus fort !

Données clés

Auteur : M. Vincent Ledoux

Type de question : Question orale

Rubrique : Catastrophes naturelles

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 2025

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