Propos du premier ministre
Question de :
M. Boris Vallaud
Landes (3e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 2025
PROPOS DU PREMIER MINISTRE
Mme la présidente . La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud . « Submersion » : c'est le mot de l'extrême droite partout en Europe et dans le monde. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) C'est un mot qui blesse autant qu'il ment. Monsieur le premier ministre, choisissez-vous vos mots par hasard ou les avez-vous sciemment empruntés à cette extrême droite dont vous prétendez ne plus jamais vouloir dépendre ?
M. Nicolas Meizonnet . Il faudra nous verser des droits d'auteur !
M. Boris Vallaud . Et que dire des termes employés par votre ministre de l'intérieur ou votre ministre de la justice ?
Mais d'abord, de qui parlez-vous ? De ces jeunes migrants, devenus majeurs, privés de papiers alors qu'ils sont en apprentissage ? (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) De cette jeune Liri, qui réside à Rouen ? De ces femmes qui s'occupent de nos enfants, de nos parents, (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS) de celles et ceux qui travaillent dans nos hôpitaux, nos Ehpad, nos crèches ? Parlez-vous de ces hommes et de ces femmes dans les cuisines de nos restaurants, sur nos chantiers, dans nos usines, comme le rappelaient le Medef ou la CPME ?
M. Nicolas Meizonnet . Oui, ce sont vos esclaves !
M. Boris Vallaud . De ces travailleurs sans papiers qui pourtant paient leurs impôts, leurs cotisations, nos retraites ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – Mme Soumya Bourouaha applaudit aussi.) De ces vies arrachées à leurs pays, à leurs familles, par les guerres, les persécutions ou la misère ?
La question migratoire est une affaire sérieuse pour les Français, trop sérieuse pour se laisser dicter par l'extrême droite les termes dans lesquels on l'aborde. Ce débat mérite mieux que cette funeste coalition de l'ignorance, des préjugés et de l'opportunisme au prix de tous nos principes républicains. Tout plutôt que cet ordre qui puise ses pouvoirs dans la haine de l'autre, que la corruption de nos principes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Monsieur le premier ministre, je vous appelle au sursaut : montrez-vous républicain et fidèle à votre famille politique, celle des démocrates chrétiens. Je vous demande d'être clair : maintenez-vous ce mot de submersion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont plusieurs députés se lèvent. – Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Thierry Tesson . Posez donc la question aux Mahorais !
M. Sébastien Chenu . Les propos de Bayrou avaient trait à Mayotte !
Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique . J'ai employé le terme que vous évoquez alors que je participais à une émission de télévision, dans le cadre d'un segment relatif à la situation à Mayotte. (« Ah ! » sur les bancs des groupes RN et UDR. – « Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Philippe Vigier . Absolument !
M. François Bayrou, premier ministre . Quiconque s'est rendu à Mayotte, a parlé avec ses habitants, s'est confronté à la situation de ce département – d'autres endroits de France en connaissent de comparables – mesure que le mot de submersion est le plus adapté. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Plusieurs députés des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS . Voyez qui vous applaudit !
Mme la présidente . S'il vous plaît !
M. François Bayrou, premier ministre . C'est le plus adapté parce que tout un pays, toute une communauté de départements français doit faire face à des vagues d'immigration illégale telles que les populations migrantes représentent jusqu'à 25 % de la population des territoires concernés. Cela suscite le désespoir. Qui parmi nous peut dire que ce n'est pas vrai ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Fabrice Brun . La submersion migratoire à Mayotte, c'est Valls qui en parle le mieux !
M. François Bayrou, premier ministre . Ce ne sont pas les mots qui sont choquants mais la réalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR et sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Cette réalité…
Un député du groupe LFI-NFP . Cette réalité, c'est celle du fascisme !
M. François Bayrou, premier ministre . Il est inutile d'employer des mots excessifs. Cette réalité est celle que ressentent nos compatriotes. Notre responsabilité est de changer les choses.
Je suis d'accord avec vous sur le fait que c'est la misère qui est la cause de l'immigration, c'est la guerre parfois, c'est le changement climatique.
M. Sébastien Chenu . Et les politiques menées sur place !
M. Alexis Corbière. Ce n'est pas vrai que vous ne parliez que de Mayotte hier soir !
M. François Bayrou, premier ministre . L'immigration n'est pas la cause des problèmes de la France (Murmures sur les bancs des groupes RN et UDR), ce sont les problèmes de la France qui sont la cause de ce que l'immigration est désormais une impasse parce qu'il n'y a pas d'intégration, comme nous le voulons, par le travail, par la langue et par les principes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Notre responsabilité, quelle que soit notre appartenance politique, c'est de changer la situation du pays, celle qui conduit à des vagues de xénophobie qui sont pour nous, républicains, insupportables. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Thierry Tesson . Ça avait pourtant bien commencé…
Mme la présidente . La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud . Je ne peux qu'être consterné par votre réponse et même « submergé » par la consternation. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Écoutez cette phrase de Rousseau : (Vives exclamations sur les mêmes bancs.) « La domination même est servile, quand elle tient à l'opinion ; car tu dépends des préjugés de ceux que tu gouvernes par les préjugés. » Si vous gouvernez avec les préjugés de l'extrême droite, nous finirons gouvernés par l'extrême droite (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR) et vous en aurez été le complice. (Les députés des groupes SOC et EcoS se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Ian Boucard . Sortez dans la rue, un peu !
Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre.
M. François Bayrou, premier ministre . Monsieur le président Vallaud, les préjugés sont nourris par le réel. (Vives protestations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Thierry Tesson . Ce n'est pas logique…
M. François Bayrou, premier ministre . Et ceux qui, ici, considèrent qu'on doit faire de ces sujets des sujets d'affrontement, à mon avis trahissent notre mission.
Je n'ai aucune connivence avec personne : ni avec ceux qui exagèrent les réalités ni avec ceux qui les nient. (Protestations continues sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Boris Vallaud . Vous êtes de connivence avec l'extrême droite !
M. François Bayrou, premier ministre . Nous sommes engagés au service des Français pour résoudre les problèmes qui se posent, non pas pour les nier, non pas pour les exagérer mais pour leur apporter, j'y insiste, des réponses. C'est notre responsabilité de républicains. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe DR. – Mme Brigitte Barèges et M. Éric Michoux applaudissent également.)
Auteur : M. Boris Vallaud
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Discriminations
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 janvier 2025