Alerte quant à la crise de l'accès aux soins en Centre-Bretagne
Question de :
Mme Mélanie Thomin
Finistère (6e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Mélanie Thomin appelle l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur la situation préoccupante de l'hôpital de Carhaix et sur la crise de l'accès aux soins en Centre-Bretagne. Les Bretonnes et les Bretons sont viscéralement attachés à leur hôpital public. Le 12 octobre 2024, ils étaient 10 000 défenseurs, réunis à Carhaix, venus de toute la région, pour faire entendre le besoin impérieux de retrouver les garanties d'un réel accès au service public hospitalier. La situation de l'hôpital de Carhaix, composante du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Brest, est tout à la fois singulière, mais aussi symptomatique de la crise d'accès aux soins que connaît le pays. 80 000 habitants du Centre-Bretagne dépendent de cet établissement. La porte d'entrée aux soins dans ce territoire, c'est la porte du service des urgences. Il n'existe aucune autre alternative de proximité et ce à moins d'une heure de route, pour accéder aux soins, à toute heure du jour et de la nuit : pas de clinique, pas de SOS médecins, une médecine de ville à bout de souffle pour garantir la permanence des soins. En Centre-Bretagne, l'éloignement géographique crée une véritable rupture d'égalité, dès lors que les urgences sont régulées : la perte de chance ou le renoncement aux soins deviennent la norme pour une population qui se sent abandonnée face au risque avéré de fracture sanitaire. Des dizaines de témoignages parviennent à Mme la députée chaque semaine : des patients livrés à eux-mêmes, à bord de leur véhicule personnel, pour rejoindre un hôpital de recours, des patients pris en charge trop tard, des patients malheureusement décédés. L'errance médicale est une réalité. Voilà quinze mois que les élus, habitants et soignants attendent la réouverture complète 7j/7 et 24h/24 du service des urgences de Carhaix. Bien qu'un protocole de sortie de crise ait été signé le 27 octobre 2023, ses objectifs principaux n'ont toujours pas été atteints. Pire, la situation s'est aggravée. Après huit mois de silence des services de l'État, une réunion de suivi s'est finalement tenue le 16 octobre 2024 à Quimper. Parlementaires et exécutifs locaux attendaient collectivement des réponses et des solutions concrètes, que l'agence régionale de santé (ARS) s'est révélée incapable d'apporter. La pénurie de médecins urgentistes est sans arrêt invoquée pour justifier la régulation des urgences. Cette pénurie, partagée avec le site de Brest, justifie l'inertie et la résignation de l'ARS Bretagne, qui ne s'inscrit pas dans une dynamique de gestion de crise et de recherche de solutions partagées. La nécessité de la continuité territoriale dans l'offre de soins est particulièrement négligée. Pourtant, des solutions existent : structuration d'une fédération inter-hospitalière des médecins urgentistes, création de postes de médecins praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE), avec engagement d'heures ventilées sur le site de Carhaix. Le ministère de la santé porte une responsabilité politique forte : celle de conduire le dialogue et de répondre à l'urgence des besoins sanitaires. Elle lui demande donc quelles mesures d'urgence le Gouvernement compte prendre pour garantir au Centre-Bretagne la réouverture de ses urgences, afin que les territoires ruraux ne deviennent des territoires de seconde zone dans l'accès au service public hospitalier.
Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024
HÔPITAL DE CARHAIX
Mme la présidente . La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour exposer sa question, no 31, relative à l'hôpital de Carhaix.
Mme Mélanie Thomin . Les Bretonnes et Bretons sont viscéralement attachés à leur hôpital public. Le 12 octobre dernier, nous étions 10 000 à Carhaix, bourgade de 7 000 habitants de ma circonscription, pour faire entendre le besoin impérieux de retrouver les garanties d'un réel accès au service public hospitalier.
La situation de l'hôpital de Carhaix, composante du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Brest, est tout à la fois singulière et symptomatique de la crise d'accès aux soins que connaît notre pays. Ce sont 80 000 habitants du Centre-Bretagne qui dépendent de cet établissement. La porte d'entrée aux soins, c'est la porte du service des urgences. Il n'existe aucune autre solution de proximité, à moins d'une heure de route, pour accéder aux soins, à toute heure du jour et de la nuit : pas de clinique, pas de SOS Médecins pour garantir la permanence des soins – la médecine de ville est à bout de souffle.
En Centre-Bretagne, l'éloignement géographique crée une véritable rupture d'égalité, dès lors que les urgences sont régulées : la perte de chance et le renoncement aux soins sont devenus la norme pour une population qui se sent abandonnée face au risque avéré de fracture sanitaire. Des dizaines de témoignages me parviennent chaque semaine, de patients à bord de leur véhicule personnel, livrés à eux-mêmes pour rejoindre un hôpital de recours, de patients pris en charge trop tard, de patients malheureusement décédés. L'errance médicale est une réalité.
Voilà quinze mois que les élus, habitants et soignants attendent la réouverture complète sept jours sur sept et 24 heures sur 24 du service des urgences de Carhaix. Bien qu'un protocole de sortie de crise ait été signé le 27 octobre 2023, ses objectifs principaux n'ont toujours pas été atteints. Pis, la situation s'est aggravée. Après huit mois de silence des services de l'État, une réunion de suivi s'est finalement tenue le 16 octobre à Quimper. Parlementaires et exécutifs locaux attendaient collectivement des réponses et des solutions concrètes, que l'agence régionale de santé (ARS) s'est révélée incapable d'apporter. La pénurie de médecins urgentistes est sans arrêt invoquée pour justifier la régulation des urgences. Cette pénurie, partagée avec le site de Brest, justifie l'inertie et la résignation de l'ARS Bretagne, qui ne s'inscrit pas dans une dynamique de gestion de crise et de recherche de solutions partagées. La nécessité de la continuité territoriale de l'offre de soins est particulièrement négligée.
Pourtant, des solutions existent, comme la structuration d'une fédération interhospitalière des médecins urgentistes et la création de postes de praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), avec l'engagement d'heures ventilées sur le site de Carhaix. Le ministère de la santé et de l'accès aux soins porte une responsabilité politique forte : celle de conduire le dialogue et de répondre à l'urgence de nos besoins sanitaires. Quelles mesures d'urgence compte-t-il prendre pour garantir au Centre-Bretagne la réouverture de ses urgences ? Nos territoires ruraux ne sauraient devenir des territoires de seconde zone dans l'accès au service public hospitalier. Députée du Centre-Finistère, je suis ouverte au dialogue et souhaite être force de proposition. Je me tiens à la disposition du ministère pour que nous trouvions ensemble des solutions techniques et législatives.
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap . Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins m'a chargée de vous assurer de son plein engagement pour garantir l'accès aux soins pour tous. La situation de l'hôpital de Carhaix fait évidemment l'objet d'un suivi et d'un accompagnement constants par les services de l'ARS Bretagne. Le comité de suivi d'octobre dernier a permis de présenter les avancées concrètes engagées et réalisées cette année, comme l'ouverture de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) cinq jours sur sept, au lieu de deux depuis juillet, la réouverture des lits de soins médicaux de réadaptation et d'unité de soins de longue durée depuis octobre, ou encore la réinstallation de l'unité de médecine à orientation cardiologique, avec le recrutement de deux praticiens, depuis septembre. La rénovation du service des urgences est prévue à compter de 2026.
L'ARS apporte également un soutien financier considérable à l'hôpital de Carhaix, avec une aide d'1 million d'euros en décembre 2023 pour l'installation de l'IRM sur le site de Carhaix. Elle contribue aussi au financement de postes d'assistants spécialistes partagés et plus récemment au financement et à la création d'une équipe mobile de soins palliatifs. Ces avancées traduisent l'engagement constant des équipes du CHRU Brest-Carhaix, ainsi que le rôle majeur de l'ARS sur le territoire.
Il est vrai que les perspectives de recrutement d'urgentistes ne suffisent pas à couvrir les plannings des sites de Carhaix et de Brest. Cependant, grâce aux perspectives de renfort que représente l'accueil de médecins étrangers en formation sur le site de Brest, nous réaffirmons notre objectif de conforter le service et de réduire l'accueil régulé aux urgences. Le prochain comité, au début de l'année 2025, permettra un suivi actualisé des mesures et de l'avancement des projets de développement du site. Dans l'intervalle, les travaux, ciblés sur le service des urgences de Carhaix, se poursuivent avec le CHRU Brest-Carhaix. Nous savons quels efforts restent à fournir et nous les engagerons collectivement. Vous y serez naturellement associée.
Mme la présidente . La parole est à Mme Mélanie Thomin.
Mme Mélanie Thomin . Madame la ministre, alors que nous vous demandons d'agir dans l'urgence, vous comprenez bien qu'une réunion de suivi annuelle est tout à fait insuffisante. Nous invoquons la continuité territoriale du site de Carhaix, au sein d'un territoire dont les besoins ne sont absolument pas satisfaits. Vous avez évoqué l'IRM, mais je vous parle du service des urgences et de l'accès aux soins pour les premiers secours et la première prise en charge des patients : les conséquences de la fracture sanitaire sont bien réelles. Même si vous ne répondez pas à ma question, j'espère que le dialogue pourra s'établir sans attendre la réunion annuelle de janvier 2025, bien trop lointaine pour répondre à l'urgence des besoins de la population du Centre-Bretagne.
Auteur : Mme Mélanie Thomin
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2024