Nécessité d'une régulation des cormorans
Question de :
M. Julien Guibert
Nièvre (2e circonscription) - Rassemblement National
M. Julien Guibert attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la régulation des cormorans, enjeu majeur pour les pisciculteurs, les propriétaires et gestionnaires d'étangs. Par une décision en date du 8 juillet 2024, le Conseil d'État a annulé l'arrêté ministériel du 19 septembre 2022 fixant les plafonds départementaux de prélèvement des cormorans, au motif d'une irrégularité dans la procédure, notamment l'absence d'un quota pour le département du Doubs. Cette annulation constitue une problématique pressante pour les pisciculteurs et les gestionnaires d'étangs, particulièrement affectés par les dommages causés par les cormorans. Ces oiseaux, protégés par la directive européenne Oiseaux mais dont les effectifs ont fortement augmenté ces dernières années, représentent une menace directe pour les populations piscicoles dans les cours d'eau et les étangs de pisciculture. Ils perturbent non seulement l'équilibre écologique des milieux aquatiques, mais fragilisent également l'économie de nombreuses exploitations piscicoles déjà confrontées à des difficultés croissantes. L'absence actuelle d'arrêté régulant les plafonds de prélèvement des cormorans crée un vide juridique qui laisse ces professionnels sans solution face aux préjudices subis. Dès lors, il est impératif que le Gouvernement prenne les mesures nécessaires pour remédier à cette situation dans les délais les plus brefs. Il lui demande donc si elle va prendre rapidement un nouvel arrêté conforme aux exigences formulées par le Conseil d'État, incluant notamment un quota pour le département du Doubs, afin d'assurer la protection des activités piscicoles et la pérennité des exploitations concernées.
Réponse publiée le 15 avril 2025
Le grand cormoran est une espèce autochtone, piscivore, protégée au niveau national. Il bénéficie également au niveau européen du régime général de la protection de toutes les espèces d'oiseaux (directive « oiseaux »). La population de la sous-espèce Phalacrocorax carbo sinensis s'était significativement réduite jusque dans les années 1970. Depuis lors, en raison de sa protection, le nombre moyen de grands cormorans a augmenté jusqu'à atteindre une population de presque 120 000 individus hivernants en 2024, ce chiffre étant relativement stable depuis 2013. Afin de contrôler l'impact que le grand cormoran occasionne sur les piscicultures et, le cas échéant, les poissons sauvages, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de régulation depuis les années 1990. Ces moyens d'action font régulièrement l'objet d'ajustements, notamment en lien avec l'évolution de la population sur le territoire et les besoins des acteurs. Ainsi le nouvel arrêté-cadre du 24 février 2025 fixe les nouvelles conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de perturbation intentionnelle et de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans. Ce texte autorise de nouveau la destruction de grands cormorans au titre de la protection des espèces piscicoles menacées dans les cours d'eau et plans d'eau, et ainsi notamment dans le département du Doubs. Au-delà des consultations obligatoires, il a fait l'objet de nombreux échanges avec les partenaires concernés afin de tenir compte de l'ensemble des remarques des parties prenantes. Il apporte un cadre rénové, plus ambitieux et plus sécurisé juridiquement, visant à la cohabitation du grand cormoran avec les pisciculteurs et à la limitation de son impact sur les écosystèmes aquatiques, dans le respect de la réglementation en vigueur pour la protection des espèces. Dans le nouvel arrêté-cadre du 24 février 2025 figurent des simplifications administratives et des assouplissements importants s'agissant des dérogations à l'interdiction de perturbation intentionnelle et de destruction de l'espèce. Ainsi la période de destruction est étendue de droit jusqu'au 30 juin pour les piscicultures. La mise en œuvre d'opérations complémentaires est permise jusqu'au 31 juillet en pisciculture sur justification (auparavant, les opérations complémentaires devaient s'achever au plus tard le 30 juin). Désormais, les plafonds de destruction autorisés au titre de la protection des poissons menacés seront fixés par les préfets en respectant le seuil maximal de 20 % de la population départementale hivernante recensée lors du comptage national, ce seuil pouvant être porté à 30 % en cas d'absence de plafond sur les piscicultures dans le département. En outre, en cas d'atteinte du plafond accordé au titre de la protection des piscicultures avant la fin de la campagne, le plafond peut être augmenté dans la limite de 10 % du nombre d'individus autorisés à la destruction sur les piscicultures dans le département. De même, afin de piloter au plus près les destructions de grand cormoran, il est ajouté un délai de transmission des comptes-rendus des opérations aux préfets de 72 heures suivant les destructions, via une plateforme en ligne simplifiée qui sera créée. Enfin, tout bénéficiaire d'une dérogation à l'interdiction de destruction pourra réaliser, aux mêmes périodes et sur les mêmes lieux que les tirs, en complément, des opérations d'effarouchement sonores et visuels, sans qu'il soit besoin d'effectuer des démarches administratives supplémentaires. L'ensemble de ces assouplissements doit cependant respecter les enjeux liés aux règlementations en vigueur, et notamment l'exigence que des mesures alternatives aient préalablement été mises en place sans succès, et le nécessaire évitement des impacts sur les autres espèces protégées. Ainsi, le texte a pour ambition d'assurer une meilleure cohabitation entre le grand cormoran et les activités de pêche et de pisciculture, tout en permettant de maintenir un bon état de conservation de l'espèce et de limiter l'impact sur le milieu des opérations menées.
Auteur : M. Julien Guibert
Type de question : Question écrite
Rubrique : Animaux
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Dates :
Question publiée le 21 janvier 2025
Réponse publiée le 15 avril 2025