Question écrite n° 3223 :
Lutter contre l'usurpation de plaques d'immatriculation

17e Législature

Question de : M. Édouard Bénard
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine

M. Édouard Bénard interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur l'accroissement des fraudes à l'immatriculation des véhicules terrestres à moteur. Selon l'association 40 millions d'automobilistes, 13 600 dépôts de plaintes pour usurpation de plaques d'immatriculation ont été recensés en 2010 contre 22 000 en 2022, soit une hausse de 62 % sur cette période. Les professionnels du secteur estiment désormais qu'entre 400 000 et un million de Français seraient aujourd'hui victimes de « doublettes » de plaque d'immatriculation. Cette pratique frauduleuse qui gagne du terrain chaque année, s'explique notamment par l'absence d'obligation faite aux commerçants physiques, ou à distance, d'exiger la présentation d'un certificat d'immatriculation ainsi qu'une pièce d'identité en préalable à une vente de plaque d'immatriculation. Pour une trentaine d'euros, une personne mal intentionnée peut ainsi obtenir un jeu de plaques d'immatriculation usurpant l'immatriculation d'un autre véhicule. De même, depuis que les professionnels du secteur automobile peuvent délivrer des certificats d'immatriculation dès lors que leur entreprise est habilitée à accéder et à modifier le système d'immatriculation des véhicules (SIV), des individus mal intentionnés offrent leurs services pour usurper des plaques d'immatriculation. Plus subtil encore, d'autres individus usurpent l'identité d'autres personnes pour créer des entreprises habilitées à accéder au SIV dans l'unique but de frauder le système en immatriculant, moyennant rétribution, des véhicules au nom de tierces personnes. Ces entreprises frauduleuses utilisent ensuite les réseaux sociaux pour vendre leurs services aux automobilistes qui entendent échapper à la verbalisation des infractions au code de la route. Les automobilistes dont l'identité a été usurpée au sein du SIV ou victimes de doublettes, reçoivent ensuite les amendes et se voient infliger des retraits de points sur leur permis de conduire en lieu et place des auteurs réels des infractions. Les amendes peuvent parfois s'accumuler rapidement et représenter plusieurs dizaines de milliers d'euros. Les victimes d'usurpation de plaques d'immatriculation n'ont d'autre choix que d'engager des recours, synonymes de frais financiers et de perte de temps, pour contester les infractions qui leurs sont attribuées ainsi que pour modifier l'immatriculation de leur véhicule. Le démantèlement du monopole public de délivrance des certificats d'immatriculation des véhicules et le développement du commerce en ligne ont facilité les possibilités de fraude à l'immatriculation des véhicules. Ainsi, dans le département des Alpes-Maritimes, 30 % à 40 % des prestataires de « carte grise » ont vu leur habilitation au SIV annulée en 2024 sur décision de la préfecture après que des contrôles ont été réalisés par ses services, les entreprises sanctionnées ne répondant pas aux exigences légales permettant d'être agréé. Le fait d'utiliser sur un véhicule des plaques comportant le numéro d'immatriculation d'un autre véhicule est sanctionné par un retrait de six points sur le permis de conduire, d'une amende d'un montant maximum de 30 000 euros et d'une peine d'emprisonnement d'une durée maximale de 7 ans au titre des peines principales. La suspension du permis de conduire pendant 3 ans au maximum, l'annulation du permis de conduire et la confiscation du véhicule peuvent également être prononcées par le juge à titre de peine complémentaire. Malgré ces lourdes peines, les usurpations de plaques d'immatriculation continuent de progresser et risquent de franchir un nouveau cap avec le recours accru aux contrôles automatisés d'infractions, qui ne nécessitent plus l'interception des conducteurs ainsi qu'avec la dématérialisation de la vignette d'assurance. En effet, depuis le 1er avril 2024, les contrôles relatifs à l'assurance des véhicules réalisés par les forces de l'ordre s'effectuent sur consultation du fichier des véhicules assurés (FAV) à partir du numéro de la plaque d'immatriculation portée par le véhicule facilitant, en l'état, les possibilités de fraude. Pour endiguer cette pratique frauduleuse il conviendrait de réglementer la vente de plaques d'immatriculation. À ce titre, il apparaît indispensable d'imposer à l'ensemble des professionnels offrant ce type de prestation en magasin, ou sur un site internet marchand, qu'ils exigent de toute personne souhaitant acquérir une plaque d'immatriculation qu'elle présente une pièce d'identité ainsi qu'un certificat d'immatriculation du véhicule ou d'en fournir une copie si l'achat se fait à distance. Dans le cas où l'acheteur refuserait ou ne serait pas en mesure de fournir ces documents, la fabrication et la vente de la plaque ne pourraient avoir lieu. Le non-respect de cette obligation par le professionnel devrait bien entendu être sanctionné pénalement pour lui donner un caractère effectif. Concernant la fraude imputable aux professionnels ayant accès au SIV, il conviendrait d'accentuer les contrôles sur ces derniers et tout particulièrement, lors de leur demande d'habilitation. Aussi, il lui demande quelles mesures il entend engager pour endiguer ce phénomène.

Réponse publiée le 10 juin 2025

L'usurpation de plaques d'immatriculation et l'usage de fausses plaques sont des infractions bien identifiées par le ministère de l'intérieur. Plus de 23 000 plaintes ont été enregistrées en 2023 par les services de police et les unités de gendarmerie. Ces comportements délictueux sont sources de grandes difficultés pour les victimes. Pour y remédier, les démarches de contestation ont été facilitées afin que les victimes n'aient pas à payer d'amende, ni même de consignation, et ne risquent pas de perte de points sur leur permis de conduire. Ainsi, après avoir déposé plainte, la victime doit contester l'avis de contravention dans les 45 jours qui suivent sa réception. La procédure de contestation peut se faire par envoi postal d'un courrier recommandé avec accusé de réception, en y joignant une copie de l'attestation de dépôt de plainte, ou directement en ligne sur le site de l'agence nationale de traitement automatisé des Infractions (ANTAI). Depuis octobre 2024, le dépôt de plainte est également facilité avec le dispositif de plainte en ligne, évitant ainsi à la victime de devoir se déplacer au commissariat ou à la gendarmerie. Dès le dépôt de plainte effectif, l'envoi de nouveaux avis de contravention est bloqué. Dans les cas les plus graves, la victime peut demander qu'une nouvelle immatriculation soit attribuée à son véhicule, sur le site de France Titres (ANTS). Cette ré-immatriculation est gratuite, mais la personne devra néanmoins s'acquitter de la somme de 2,76 €, correspondant aux frais d'acheminement du nouveau certificat d'immatriculation. Par ailleurs, depuis 2021, l'outil innovant « IA flash » a été déployé sur les chaînes de traitement de l'ANTAI. Il permet, par le recours à une intelligence artificielle, d'effectuer une comparaison marque/modèle entre la photographie d'infraction et les informations contenues dans le système d'immatriculation des véhicules afin de faciliter le traitement par les agents chargés de la constatation. Ainsi, pour les dossiers identifiés comme des usurpations d'immatriculation, l'avis de contravention n'est pas envoyé au propriétaire et le dossier est transmis aux services enquêteurs. Enfin, des travaux interministériels de lutte contre la fraude à l'immatriculation des véhicules sont en cours. Un plan de contrôle des véhicules par les forces de sécurité intérieure devrait être prochainement déployé et pourra avoir des conséquences favorables sur la lutte contre les usurpations de plaques.  Enfin, l'hypothèse du justificatif de la pièce d'identité et de la carte grise lors de la demande de production d'une plaque pourrait s'avérer contre-productive. En effet, ce scenario présente des risques d'usurpation d'identité, de fuites de données à caractère personnel et de manière plus générale de protection de données sensibles de l'usager,  notamment dans le cas où ces données seraient collectées par des sites étrangers, difficilement contrôlables. Cette hypothèse présenterait en outre une nouvelle charge pour les professionnels vertueux.

Données clés

Auteur : M. Édouard Bénard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Automobiles

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 21 janvier 2025
Réponse publiée le 10 juin 2025

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