Question de : M. Philippe Fait
Pas-de-Calais (4e circonscription) - Ensemble pour la République

M. Philippe Fait appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la question de la transmission familiale des entreprises, mettant particulièrement l'accent sur l'accompagnement bancaire qui pourrait être envisagé dans ce processus. La cession d'une entreprise à un membre de la famille, qu'il s'agisse d'un enfant, d'un gendre ou d'une belle-fille, offre indéniablement plusieurs avantages. En effet, cela assure la continuité de l'entreprise au sein de la famille, favorisant sa croissance et son développement tout en évitant des bouleversements significatifs dans sa gestion. De plus, le passage de témoin au sein de la famille contribue à sécuriser les emplois et à assurer la solidité financière de l'entreprise. Par ailleurs, le processus d'accompagnement des successeurs se déroule dans un climat de confiance, la stabilité financière et sociale de l'entreprise est ainsi garantie. Malgré l'existence de dispositifs tels que le « Pacte Dutreil », en vigueur depuis 2003, il est important de noter que ces mécanismes ne facilitent pas un rachat direct, se limitant plutôt à la possibilité de donation ou de succession. Une préoccupation majeure réside dans le rôle des banques lors de ces transmissions, car les méthodes actuelles ne semblent pas favoriser pleinement ce processus. Des mesures plus flexibles pour l'obtention de prêts, adaptées aux spécificités des entreprises familiales, pourraient s'avérer facilitantes. En ce sens, il désire être informé des éventuelles actions que le Gouvernement envisage de prendre afin de faciliter la transmission familiale des entreprises, que ce soit par le biais de l'assouplissement des procédures bancaires ou par d'autres moyens ; l'objectif de cette démarche est d'assurer la pérennité des entreprises familiales.

Réponse publiée le 10 décembre 2024

L'enjeu économique de la transmission d'entreprise est important puisque le faible taux de transmission d'entreprises (extérieure ou non à la famille) peut faire peser un risque sur la pérennisation du tissu économique. Ainsi, le maintien d'un taux satisfaisant de cession-transmission d'entreprises est primordial, en particulier dans le contexte de vieillissement de la population des dirigeants d'entreprise en France [i]. Tout en préservant les possibilités de transmettre son entreprise, il convient de trouver un équilibre qui prenne en compte les différents effets qui peuvent être associés à chacun des modes de transmission d'entreprises. En effet, le type de transmission, familiale, à un salarié ou externe, n'est pas neutre sur l'avenir des entreprises. Par exemple, d'après Ferrero et de Loubens (2013) [ii] les entreprises reprises par un membre de la famille seraient moins dynamiques que les autres, avec un emploi des entreprises pérennes au bout de 5 ans inférieur de 6 ou 7 % par rapport au cas d'une transmission à un tiers externe à l'entreprise, ce qui n'est pas le cas pour les cas de transmission à un salarié. Pour les auteurs il s'agit des résultats de l'effet Carnegie [iii] selon lequel « les repreneurs familiaux potentiels sont moins incités à développer leurs compétences à partir du moment où ils savent que les futurs dirigeants de l'entreprise familiale seront recrutés sur la base de leurs liens familiaux plutôt qu'en fonction de leurs compétences ». A l'inverse, la durée de vie des entreprises se verrait augmenter de 16 à 22 % dans le cas d'une transmission familiale et de 11 à 19 % dans une reprise par un salarié relativement à une transmission à un tiers externe. Ce point est cohérent avec les résultats de Sraer et Thesmar (2007) indiquant une moindre sensibilité aux cycles économiques des entreprises familiales. Plusieurs dispositifs existent d'ores et déjà pour faciliter la transmission, en particulier le pacte « Dutreil » qui favorise la transmission familiale. Il ouvre droit à une exonération de droit de mutation à titre gratuit (DMTG) en cas de transmission interne (à la famille ou aux salariés) d'une entreprise individuelle ou de titres de sociétés par donation ou succession, sous conditions d'engagements collectif et individuels de durée de détention des titres et d'exercice d'une fonction dirigeante par au moins un des signataires du pacte. Le crédit-vendeur est un autre instrument orienté vers la transmission familiale ou aux salariés [iv]. Il permet, sous certaines conditions, à l'acheteur de régler le prix de rachat sur une période convenue, facilitant ainsi l'acquisition sans nécessiter immédiatement l'intégralité des fonds et en contournant les circuits bancaires habituels. Au regard de ces dispositifs existants, renforcer davantage les politiques en faveur de la transmission familiale relativement aux autres modes de transmission ne semble pas nécessaire, en particulier dans le contexte actuel des finances publiques puisqu'un assouplissement des conditions entourant le crédit-vendeur ou le pacte Dutreil aurait un coût qui dégraderait la trajectoire d'ajustement des comptes publics. Le coût de ce dernier dispositif est estimé à 500 M€ dans le PLF 2024 mais cette estimation n'a pas été mise à jour depuis 2013 faute d'un système de remontée d'informations statistiques fiables sur le sujet. Le CAE [v] estime un coût compris entre 2 et 3 Md€ par an pour la période 2018-2019 et des travaux de la DLF associant des représentants d'entreprises visant à faire des propositions sur son avenir sont en cours. ------------------------------ [i] D'après le rapport « Favoriser la transmission d'entreprise en France : diagnostic et propositions » (Fanny Dombre-Coste, 2015), près de 20 % des dirigeants de PME sont âgés de 60 ans ou plus, alors qu'ils étaient 13 % en 2000. [ii] Cf. Document de travail de la DG Trésor, « Faut-il favoriser la transmission d'entreprise à la famille ou aux salariés ? », Novembre 2013. [iii] Pour une validation empirique de l'hypothèse, voir Holtz-Eakin D., Joulfaian D., Rosen H., (1993), « The Carnegie conjecture: some empirical evidence », Quaterly Journal Of Economics, pp. 413-435. [iv] Pour les salariés spécifiquement d'autres dispositions existent, telles qu'un abattement de 300 k€ sur la valeur du fonds en cas de donation ou de cession de fonds de commerce ou de parts ou d'actions d'une société à un salarié, ainsi qu'un crédit d'impôt en faveur des sociétés constituées par des salariés d'une entreprise en vue de racheter le capital de celle-ci par l'emprunt. [v] Note du CAE « Repenser l'héritage » (décembre 2021).

Données clés

Auteur : M. Philippe Fait

Type de question : Question écrite

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : Économie, finances et industrie

Ministère répondant : Économie, finances et industrie

Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024

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