Question écrite n° 3267 :
Enlèvements internationaux d'enfants et surveillance des frontières françaises

17e Législature

Question de : M. Alexandre Allegret-Pilot
Gard (5e circonscription) - UDR

M. Alexandre Allegret-Pilot appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur les enlèvements internationaux d'enfants et le nécessaire renforcement de la surveillance des frontières françaises visant à assurer le respect des interdictions de sortie du territoire (IST). Les enlèvements internationaux d'enfants, qu'ils soient le fait de parents ou d'individus tiers, constituent une grave atteinte à la sécurité des mineurs, à leur bien-être et à leurs droits fondamentaux. Ils sont exécutés en manquement du droit national et constituent également une atteinte aux droits des parents affectés. Ce phénomène demeure préoccupant, tant sur le plan national qu'international et des lacunes subsistent dans les dispositifs de prévention et de suivi, comme en témoigne une affaire depuis maintenant 9 mois, qui illustre les carences de la surveillance aux frontières françaises et européennes ainsi que la très faible effectivité des interdictions de sortie du territoire. Dans ce contexte, il semble nécessaire d'établir des procédures efficaces de contrôle aux points de passage pour prévenir ces situations dramatiques, en utilisant notamment des technologies de contrôle renforcées (reconnaissance biométrique, croisement de bases de données), une communication efficace entre ministère de la justice et ministère de l'intérieur, ainsi que le déploiement de partenariats internationaux pour intercepter les individus concernés lorsqu'ils embarquent dans des aéroports ou ports étrangers. En effet, le respect des interdictions de sortie du territoire constitue un enjeu majeur pour lutter contre les enlèvements internationaux d'enfants. Cependant, il apparaît que des difficultés subsistent dans la mise en œuvre effective de ces interdictions. De nombreux cas de sorties illégales ou de non-respect des interdictions sont signalés : les enlèvements signalés se comptant en centaines, le sujet semble devoir retenir toute notre attention. Au regard de ces éléments, M. le député souhaite connaître les mesures que M. le ministre envisage de prendre pour renforcer la surveillance des frontières françaises, en améliorant les contrôles afin d'éviter que les enfants ne puissent être emmenés à l'étranger sans l'autorisation légale du parent en ayant la garde et faire respecter les interdictions de sortie du territoire, en améliorant la coordination entre les autorités compétentes et la communication entre les services de l'État, ainsi qu'avec les États voisins, pour garantir l'effectivité de ces interdictions.

Réponse publiée le 10 juin 2025

Plusieurs dispositifs visent à prévenir et lutter contre les enlèvements internationaux d'enfants. Aux frontières, les mineurs sont considérés en toute circonstance comme des personnes vulnérables. Le contrôle renforcé dont ils font l'objet vise à assurer leur protection contre toute tentative de départ non autorisé ou dans des conditions qui les mettraient en danger, à prévenir les risques de traite des êtres humains, les départs vers des théâtres d'opérations de groupements terroristes ou des zones de conflit, etc. Les garde-frontières sont formés à la protection des mineurs et à la détection de toute situation anormale. Tout mineur résidant habituellement en France qui souhaite sortir du territoire national sans être accompagné par au moins une personne ayant l'autorité parentale doit obligatoirement être muni d'une autorisation de sortie du territoire (AST), signée d'un titulaire de l'autorité parentale et accompagnée de la photocopie lisible d'un document officiel justifiant de l'identité du signataire de l'AST. Cette autorisation permet le franchissement des frontières extérieures comme intérieures, mais ne dispense pas le mineur de l'obligation d'être en possession des autres documents de voyage requis. Lors du passage d'une frontière intérieure par un mineur non accompagné, des règles particulières s'appliquent également aux transporteurs aériens. Lorsqu'ils assurent des vols intra-Schengen, ils doivent respecter des obligations spécifiques concernant la sécurité et le bien-être des mineurs. Ils doivent s'assurer que les mineurs disposent des titres de voyage requis et que l'accompagnateur est détenteur de l'autorité légale. Malgré le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures depuis 2015, les vérifications aux frontières intérieures ne sont toutefois pas systématiques. Dès lors, il ne peut être exclu qu'un départ non autorisé à l'étranger d'un enfant soit organisé sans que la police aux frontières ou la douane ne puissent l'empêcher. Lors du franchissement de la frontière extérieure, tous les mineurs sont soumis, à l'entrée et à la sortie, aux mêmes contrôles que les adultes, conformément au code frontières Schengen, tout en faisant l'objet d'une attention particulière. Il convient de rappeler que, lors du franchissement d'une frontière extérieure, des bases de données (système d'information Schengen : SIS, etc.) sont systématiquement vérifiées par les garde-frontières, pour toutes les personnes, permettant la détection des situations particulières. La prochaine mise en service du système européen dénommé « Exit and Entry System » (EES), destiné à tous les ressortissants de pays tiers éligibles, dont les mineurs, offrira un outil supplémentaire de suivi des enfants, notamment parce qu'il comprendra des données biométriques. Il existe en outre plusieurs mécanismes permettant d'agir lorsqu'est craint un départ non autorisé de mineur à l'étranger. L'interdiction judiciaire de sortie du territoire (IST) est prononcée par le juge civil (juge aux affaires familiales ou juge des enfants) ou par le procureur de la République. Dans l'attente du prononcé de cette décision judiciaire d'IST, le titulaire de l'exercice de l'autorité parentale peut demander une mesure conservatoire d'opposition à la sortie du territoire (OST) en urgence auprès de la préfecture. L'OST peut être utilisée en cas de risque imminent d'enlèvement et permet de faire opposition, sans délai, à la sortie de France d'un enfant. Les IST et OST sont inscrites au fichier des personnes recherchées et au système d'information Schengen, permettant une diffusion dans tout l'espace Schengen. Ces mesures de protection sont également inscrites dans la base Stolen and Lost Documents d'Interpol. Tous ces fichiers sont interrogés lors du franchissement d'une frontière extérieure et toute mesure de protection est ainsi systématiquement détectée. Les bases de données précitées permettent aussi d'informer les autorités étrangères de la situation d'un mineur. En cas d'absence d'IST, ou si l'IST n'a pas permis d'empêcher le départ, le parent ayant la charge légale de l'enfant peut déposer plainte pour non-représentation d'enfant sur le fondement de l'article 227-5 du code pénal ou pour soustraction de mineur sur le fondement de l'article 227-7 du même code. Les familles peuvent également recourir à la médiation afin de reprendre contact avec l'autre parent pour trouver une solution dans l'intérêt de l'enfant, ou prendre attache avec le 116 000 (numéro d'urgence et d'écoute gratuit en cas de disparition inquiétante, d'enlèvement parental ou de fugue ; géré par la fondation Droit d'Enfance). Si le nouveau domicile de l'enfant reste ignoré, une inscription dans le fichier des personnes recherchées peut être effectuée aux fins de le localiser. Le parent mis en cause peut également faire l'objet d'une inscription dans le fichier des personnes recherchées (et donc dans le système d'information Schengen), soit par les autorités de police avec une demande de localisation, soit par l'autorité judiciaire si un mandat d'arrêt a été émis. Au-delà de l'espace Schengen, l'émission d'une notice rouge d'Interpol permet la diffusion d'une demande d'arrestation provisoire aux fins d'extradition du parent rapteur. Est souvent associée à ce type de diffusion une notice jaune d'Interpol concernant l'enfant victime aux fins d'informer les autorités policières des 196 pays membres d'Interpol de sa disparition. Il convient également de préciser que les attachés de sécurité intérieure et les officiers de liaison du ministère, présents auprès des ambassadeurs dans de très nombreux pays, assurent la diffusion de l'information et peuvent alerter les autorités locales de la situation d'un enfant qui n'aurait pas dû quitter le territoire national. Sur le plan international, ces situations sont régies par la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, qui prévoit que chaque État partie désigne une autorité centrale chargée de mettre en œuvre une procédure judiciaire simple et rapide en vue du retour du mineur illicitement déplacé du lieu de sa résidence habituelle, ou en vue de la reconnaissance d'un droit de visite. En France, l'autorité centrale est la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice. Enfin, en cas de risque avéré pour l'intégrité physique de l'enfant, le plan « Alerte Enlèvement » peut être déclenché. Inspiré du dispositif « Amber Alert » mis en œuvre aux États-Unis, ce système a été mis en place en France en 2006 par le ministère de la justice et s'appuie sur l'étroite collaboration entre les ministères de l'intérieur et de la justice. C'est le procureur de la République territorialement compétent qui est compétent pour le déclencher, en lien avec les enquêteurs qui mènent les opérations de police judiciaire et recherches. Aussi, les nombreuses opérations de contrôles coordonnés ou les contrôles opérés d'initiative par les gendarmes et policiers permettent notamment le passage des personnes contrôlées aux fichier des personnes recherchées (FPR) et SIS.

Données clés

Auteur : M. Alexandre Allegret-Pilot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 21 janvier 2025
Réponse publiée le 10 juin 2025

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