Question au Gouvernement n° 327 :
Propos du premier ministre

17e Législature

Question de : Mme Cyrielle Chatelain
Isère (2e circonscription) - Écologiste et Social

Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 2025


PROPOS DU PREMIER MINISTRE

Mme la présidente . La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain . Monsieur le premier ministre, vous nous faites honte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. - « Oh ! » sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)

Vous faites honte aux 16 millions d'électeurs qui se sont massivement mobilisés le 7 juillet dernier, pour éviter que notre République bascule dans le racisme et la xénophobie. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)

M. Julien Odoul . En tout cas, personne ne s'est mobilisé pour les Écolos !

Mme Cyrielle Chatelain . Vous nous trahissez quand vous parlez « d'apport étranger », vous insultez tous nos compatriotes dont l'histoire et l'identité personnelle sont en partie liées à l'immigration quand vous parlez de « submersion migratoire ». (Mêmes mouvements.)

Vous mentez, quand vous nous assurez que vous répondiez à une question sur Mayotte. Vous mentez, quand vous soutenez que vos propos ne concernaient que Mayotte, car vous avez dit, je vous cite : « Un certain nombre de villes ou de régions sont dans ce sentiment-là. »

M. Alexis Corbière . Eh oui !

Mme Cyrielle Chatelain . Vous mentez aussi quand vous dites que vos propos se fondent sur la réalité : ils ne relèvent que du fantasme et du complotisme ! (Mêmes mouvements. – « Oh là là ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) Vous avez jeté en pâture à l'extrême droite toutes celles et tous ceux qui sont nés hors de nos frontières, mais qui vivent avec nous ! Vous les abandonnez !

Vous les abandonnez, par votre silence assourdissant face à la fermeture de 6 500 places d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile…

M. Laurent Jacobelli . Quel racolage !

Mme Cyrielle Chatelain . …et par votre acquiescement coupable à un durcissement des conditions de régularisation qui les condamne à la clandestinité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)

Réagissez et, je vous le demande solennellement, présentez vos excuses ! (Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC se lèvent et applaudissent. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. - « Oh ! » sur les bancs des groupes RN et UDR.)

Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique . Pendant des siècles, notre pays a été un pays d'intégration.

M. Julien Odoul . D'assimilation plutôt !

M. François Bayrou, premier ministre . C'était déjà le cas sous l'Ancien Régime – c'est à cette période que le droit du sol a été défini.

M. Benjamin Lucas-Lundy . La question n'a pas été posée à Henri IV ! (Sourires.)

M. François Bayrou, premier ministre . Ce pays d'intégration est aujourd'hui en panne.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi . Mais arrêtez, c'est n'importe quoi !

M. François Bayrou, premier ministre . Il n'est pas en panne à cause des immigrés, il est en panne en raison des difficultés que notre société a à répondre à la question de l'école, à la question du travail, à la question du partage de nos principes dans un certain nombre de nos villes et de nos quartiers.

M. Alexis Corbière . Foutaises ! Historiquement, ce n'est pas vrai !

M. François Bayrou, premier ministre . Laissez-moi vous le dire avec calme : refuser de voir les difficultés et le sentiment qu'un très grand nombre de nos compatriotes partagent, y compris dans des arrondissements parisiens, le sentiment qu'il n'y a rien à faire et que nous sommes sans armes…

Mme Christine Arrighi . Retournez à Pau et restez-y !

M. François Bayrou, premier ministre . Je répète ce que j'ai déjà dit hier : s'il y avait autant de personnes en situation irrégulière qu'il y en a à Mayotte, il y aurait 400 000 personnes qui vivraient dans des bidonvilles à Paris !

M. Laurent Jacobelli . Et eux seraient contents ! (M. Laurent Jacobelli désigne la gauche de l'hémicycle.)

M. François Bayrou, premier ministre . Qui, dans ce cas, oserait contester les mots que j'ai choisis ? Personne !

Mme Marie-Charlotte Garin . Mais ce n'est pas la question !

M. François Bayrou, premier ministre . Vous seriez tous en ébullition !

Mme Christine Arrighi . Restez digne s'il vous plaît.

Mme Dominique Voynet . Vous devriez plutôt ramener le calme !

M. François Bayrou, premier ministre . Notre devoir et notre responsabilité sont d'assurer à nos compatriotes qu'il y a une loi et que cette loi est respectée,…

Mme Julie Laernoes . Ce n'était pas la question !

M. François Bayrou, premier ministre . …que lorsque des OQTF sont prononcées, elles sont exécutées.

Mme Elsa Faucillon . Elles ne le sont jamais, vous le savez bien !

M. François Bayrou, premier ministre . Le sentiment de nos compatriotes est que nous sommes sans défense face à des phénomènes – la guerre, la misère, le changement climatique – dont ils connaissent l'origine et auxquels nous ne répondons pas par des solutions adaptées.

M. Julien Odoul . Et l'AME ?

M. Laurent Jacobelli . Et les soins gratuits ?

M. François Bayrou, premier ministre . C'est à cette réponse que je nous appelle, plutôt qu'à alimenter des querelles sémantiques !

M. Alexis Corbière . Vous allez vous faire applaudir par l'extrême droite !

Mme Marie-Charlotte Garin . Excusez-vous !

M. François Bayrou, premier ministre . Le sentiment que l'immigration suscite chez les Français est le symptôme de notre incapacité à résoudre des problèmes qui concernent la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et DR.)

Mme Marie-Charlotte Garin . Où est passé l'humanisme ?

Mme la présidente . La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain . Nous ne sommes pas opposés par une querelle sémantique mais par un différend profond sur ce que signifie notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

Notre République, elle est fraternelle ! Notre République, elle accueille. Vous l'avez dit, notre pays a été construit grâce à l'immigration, et il est beau, notre pays ! On l'aime et il a des milliers de visages !

M. Thomas Ménagé . Accueille les étrangers chez toi !

Mme Cyrielle Chatelain . Vous rendez-vous compte de l'insulte que vous faites à ces millions de Français qui portent dans leur chair l'histoire de l'immigration ? Vous leur crachez à la figure et c'est insupportable ! (Les députés du groupe EcoS et plusieurs députés des groupes SOC et LFI-NFP se lèvent et applaudissent. - Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Laurent Jacobelli . Quelle indécence !

M. Julien Odoul . Arrêtez !

Mme Cyrielle Chatelain . Vous reprenez les mots et théories de l'extrême droite, qui ne sont fondés en rien ! Aujourd'hui, les étrangers ne représentent que 8 % de la population et vous les pointez du doigt ! (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice. - Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR se lèvent et applaudissent cette dernière.)

Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre.

M. François Bayrou, premier ministre . Je vous répondrai, mais sans agressivité. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Je n'ai aucune leçon de civisme et de fraternité à recevoir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR. – Protestation sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Ce n'est pas la peine de hurler, d'autant qu'on ne vous entend pas…

J'ai défendu toute ma vie les principes qui font notre nation et j'ai toujours reconnu l'apport des millions de Français issus de l'immigration à notre pays.

Mme Julie Laernoes . Vous avez cessé quand vous êtes devenu premier ministre !

Mme Marie-Charlotte Garin . Excusez-vous !

M. François Bayrou, premier ministre . Ils ont participé à sa vie, à son rayonnement et à sa grandeur.

M. Olivier Faure . Il n'y a donc pas de submersion !

M. François Bayrou, premier ministre . À Mayotte, la submersion est réelle ! Je parlais de Mayotte et je maintiens mes propos.

M. Alexis Corbière . Vous ne parliez pas de Mayotte, tout le monde vous a entendu !

M. Jérôme Guedj . Exactement ! Nous savons ce que nous avons entendu !

M. Laurent Jacobelli . La submersion a lieu ici aussi !

Mme la présidente . Laissez le premier ministre achever sa réponse, s'il vous plaît.

M. François Bayrou, premier ministre . Ce n'est pas parce que vous hurlez que vous serez entendus, c'est même le contraire ! Il est donc inutile de vous égosiller !

Mme Ayda Hadizadeh . Ce n'est pas une submersion, c'est un naufrage…

M. François Bayrou, premier ministre . Un grand nombre de nos compatriotes pensent que nous sommes incapables de faire respecter le droit et de mettre fin au séjour illégal sur le territoire français. Un grand nombre d'entre eux se désespèrent de voir que les communautés sont séparées au lieu de ne faire qu'un.

M. Benjamin Lucas-Lundy . Quel est le rapport ?

Mme Marie-Charlotte Garin . On n'est pas sur CNews !

M. François Bayrou, premier ministre . Le rapport est établi : c'est parce que nous vivons cette situation qu'un grand nombre de Français rejettent l'immigration.

Mme Cyrielle Chatelain . C'est faux !

M. Benjamin Lucas-Lundy . Vous parlez comme Éric Zemmour !

M. Laurent Croizier . Vous, vous ne représentez que les beaux quartiers !

M. François Bayrou, premier ministre . Ce rejet se retourne contre les immigrés en situation régulière, présents sur notre territoire, que nous devons accueillir avec respect et avec fraternité. C'est parce que cette situation n'est pas gérée que les Français la croient ingérable. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi . Vous dites n'importe quoi !

Données clés

Auteur : Mme Cyrielle Chatelain

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Discriminations

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 janvier 2025

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