Artificialisation des sols dans l'espace de la plaine du Var
Question de :
M. Éric Ciotti
Alpes-Maritimes (1re circonscription) - UDR
M. Éric Ciotti attire l'attention de Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation sur l'artificialisation des sols en cours dans l'espace de la plaine du Var dans les Alpes-Maritimes. En effet, dans le cadre de l'opération d'intérêt national « Nice Ecovallée » lancée en 2008 par le maire de Nice, plusieurs programmes d'urbanisation extrêmement consommateurs de terrains sont en cours. Il est ainsi prévu sur 30 ans, l'aménagement du territoire de la plaine du Var dans un espace de 10 000 hectares jusqu'ici largement dédiés à l'agriculture, en construisant le long de ce fleuve et dans son delta plus de 1,5 million de m² de surfaces de planchers sur 103 hectares. Dans le détail : les opérations « Nice Meridia » et « Grand Arenas » ont déjà fortement « bétonné » ces terres arables, avec 296 000 m² de surfaces de planchers construites, sur les 970 000 m² prévus à terme. En sus de cela, l'opération « Parc Meridia » prévoit d'urbaniser 600 000 m² le long du fleuve du Var. Si l'on ajoute à cela les milliers de places de stationnement prévues, c'est une artificialisation des sols importante qui est réalisée, alors même qu'une grande partie de la zone est anciennement classée inondable et inconstructible et classée à nouveau en février 2024 en zone rouge inondation. Ces opérations inquiètent, alors que les évènements climatiques dévastateurs dans la région de Valence en Espagne, avec un bilan de 219 morts et de nombreux dégâts matériels, ont rappelé avec force combien il est important de maintenir un équilibre entre zones urbanisées et zones laissées à la nature pour permettre l'écoulement des eaux. À ce titre, l'urbanisation de la zone humide de la plaine du Var, alors que les Alpes-Maritimes connaissent des épisodes alternant sécheresse et précipitations extrêmement violentes, semble constituer un danger pour les riverains. Aussi, il lui demande quel est le regard de l'État sur ces projets d'urbanisation et quels sont les outils qu'il peut activer pour leur rendre un caractère raisonnable.
Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024
ARTIFICIALISATION DES SOLS DANS LA PLAINE DU VAR
Mme la présidente . La parole est à M. Éric Ciotti, pour exposer sa question, no 32, relative à l'artificialisation des sols dans la plaine du Var.
M. Éric Ciotti . Je souhaite appeler votre attention sur la bétonnisation accélérée de la plaine du Var à Nice, dans le cadre d'une opération d'intérêt national (OIN), la très mal nommée Écovallée. Cette opération, qui visait initialement à donner de la cohérence à un espace naturel sensible – les dernières terres agricoles de la ville de Nice –, s'est muée, de manière déplorable, en une vaste opération immobilière de bétonnisation accélérée, qui prévoit la construction de plus de 1,5 million de mètres carrés de planchers sur 103 hectares. Une résidence ancienne située dans cet espace, la résidence Skyros, va ainsi se retrouver enserrée par des tours et privée de soleil.
L'État doit reprendre le contrôle et la gestion de cette opération d'intérêt national, qu'il a totalement déléguée, sans aucun contrôle, au maire de Nice. Celui-ci s'est lancé dans un projet d'urbanisation frénétique, sans cohérence et quasiment dépourvu d'espaces partagés, de commerces et d'activités économiques. Naturellement, ce qui s'est passé à Valence nous alerte : l'opération prend place dans le lit majeur du fleuve Var, qui a débordé en 1994, et une partie de la plaine fluviale vient d'être à nouveau classée en zone rouge.
Je voudrais donc solennellement lancer un signal d'alerte : il faut interrompre la bétonnisation et lancer une mission de l'Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), pour comprendre comment nous en sommes arrivés à de telles dérives et pourquoi la seule logique financière domine, au détriment des dernières terres agricoles et sans aucune volonté de protection de l'environnement.
Je demande au gouvernement de s'impliquer pour redonner de la cohérence au projet, pour remettre de l'ordre en cessant de laisser faire n'importe quoi. L'enjeu est environnemental et agricole – nous avons besoin de ces derniers espaces agricoles –, mais aussi sécuritaire : la catastrophe de Valence doit nous alerter sur la situation d'une zone naturelle à risque.
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre délégué chargé de la mer et de la pêche.
M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche . Je veux d'abord réaffirmer la solidarité de la France à l'égard de nos amis espagnols après les événements dramatiques – et mortels – survenus dans la région de Valence. J'ai eu l'occasion de le dire lors de mon intervention au dernier Conseil agriculture et pêche, à Bruxelles, notamment à l'intention de mon homologue espagnol.
L'opération d'intérêt national Écovallée pour l'aménagement de la plaine du Var a été lancée en 2008 ; elle vient donc de fêter ses 15 ans. Elle est le fruit d'un consensus entre l'État et les collectivités territoriales. Les travaux sont menés sous l'égide de l'établissement public d'aménagement (EPA) Plaine du Var. Le département des Alpes-Maritimes en est un partenaire de premier plan, vous le savez, aux côtés de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la métropole Nice Côte d'Azur et de la Ville de Nice. L'action conjointe de l'État et des collectivités a pour objectif d'aménager la plaine du Var en suivant un modèle d'urbanisme responsable et économe en ressources, qui répond aux besoins de la population en matière de logements, d'emplois et d'équipements – c'est un objectif fondamental.
Le territoire concerné par ces aménagements fait l'objet d'un plan de prévention du risque inondation depuis 2011. L'artificialisation des sols y est ancienne, même si les territoires n'avaient pas une vocation première dédiée au logement. L'aménagement de la plaine du Var vise à produire les logements correspondant aux besoins locaux dans un territoire en forte tension, tout en prenant en compte les caractéristiques propres du site, notamment le risque inondation que vous avez mentionné. Ce risque fait l'objet d'un suivi vigilant de la part du département des Alpes-Maritimes, responsable de l'entretien du lit du fleuve et d'une partie de son système d'endiguement ; il est aussi pris en compte dans la programmation de l'EPA Plaine du Var.
Enfin, sur le plan de la sobriété foncière, l'Écovallée comporte évidemment des engagements très forts. Les opérations Grand Arénas et Nice Méridia se développent sur un foncier déjà totalement artificialisé, et la première permettra même de rendre à la nature près de 25 % du foncier ; l'opération Parc Méridia, quant à elle, n'entraînera aucune artificialisation nette supplémentaire.
Le bilan à terme est particulièrement sobre en ce qui concerne l'usage des terres de la plaine du Var : alors que les opérations d'aménagement s'étendent sur 210 hectares, leur emprise sera limitée à 30 hectares, soit environ 14 %. De grandes précautions sont donc prises pour éviter toute imperméabilisation excessive de la plaine, qui serait incompatible avec les objectifs de sobriété foncière fixés par l'aménageur public.
Mme la présidente . La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti . Toutes les collectivités ne sont pas d'accord. Le département vient d'écrire à l'EPA pour lui signifier qu'il désapprouvait les nouvelles orientations. D'autre part, je vous invite à venir voir ce qu'il en est : il suffit de comparer les photos avant et après les opérations d'artificialisation et de bétonisation à outrance pour comprendre qu'il faut faire cesser le massacre au plus vite.
Auteur : M. Éric Ciotti
Type de question : Question orale
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : Partenariat territoires et décentralisation
Ministère répondant : Partenariat territoires et décentralisation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2024