Question orale n° 336 :
Lutte contre la prolifération de la cochenille-tortue du pin

17e Législature

Question de : M. Philippe Lottiaux
Var (4e circonscription) - Rassemblement National

M. Philippe Lottiaux attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'insuffisance actuelle des moyens mis en œuvre pour lutter contre la prolifération de la cochenille-tortue du pin. Cette prolifération menace de nombreux pins parasols, arbre emblématique s'il en est, originellement dans les communes du Golfe de Saint-Tropez et désormais sur la majeure partie du littoral varois. Or les moyens de lutte ne semblent à ce jour pas adaptés face à cette menace. En effet, l'accent est mis sur des moyens de lutte naturels, intention certes louable mais dont l'efficacité n'est pas évidente. Un produit existe, mais n'est utilisable que sur dérogation, pour une durée limitée et par les professionnels, ce qui ne permet pas là non plus une lutte efficace. Un autre produit, qui a fait la preuve de son efficacité en Italie, n'a pour sa part toujours pas d'autorisation de mise sur le marché. Hormis un arrêté ministériel de prévention de 2022 remis à jour, il n'existe aucune stratégie coordonnée et incitative de la part des services de l'État concernés, comme ce fut pourtant le cas avec succès pour la lutte contre le charançon rouge du palmier. De fait, la propagation, quantitative et géographique, se poursuit, la preuve en est de l'extension des zones considérées comme concernées ou menacées par arrêté préfectoral, avec des impacts potentiels désastreux sur la nature et les paysages. Il souhaiterait donc savoir dans quelle mesure et quand une réelle stratégie coordonnée de lutte, associant et mobilisant l'ensemble des acteurs concernés (État, collectivités, professionnels et propriétaires) et disposant des moyens les plus adaptés, pourra être mise en œuvre.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

PROLIFÉRATION DE LA COCHENILLE-TORTUE DU PIN
Mme la présidente . La parole est à M. Philippe Lottiaux, pour exposer sa question, n°  336, relative à la prolifération de la cochenille-tortue du pin.

M. Philippe Lottiaux . Les pins parasols sont des arbres emblématiques des paysages du littoral varois. Or, depuis 2021, ils doivent faire face à un danger grandissant : la cochenille-tortue. D'abord concentrée sur quelques communes du golfe de Saint-Tropez, cette cochenille se répand régulièrement dans des zones de plus en plus vastes du département, malgré un arrêté ministériel de 2022 visant à éviter son introduction et sa propagation. Entre 10 % et 15 % des arbres seraient d'ores et déjà touchés, ce qui suscite l'inquiétude grandissante des habitants comme des élus locaux.

Cette situation illustre l'inadaptation de nos moyens de lutte. Les méthodes biologiques telles que le recours à la coccinelle à virgule ou aux huiles, méthodes aujourd'hui privilégiées, ne parviennent pas à enrayer la propagation. L'utilisation d'insecticides de synthèse – dont certains, comme le Revive II ou le Vertimec, ont prouvé leur efficacité en Italie, précédemment touchée – n'est autorisée que de manière très restreinte dans l'espace et le temps, et uniquement par les professionnels, lorsqu'elle n'est pas interdite. Paradoxalement, l'objectif louable de protection de l'environnement risque fort de se traduire par la disparition de dizaines de milliers d'arbres.

Il apparaît désormais indispensable de passer à un stade supérieur, comme cela a été le cas avec succès dans la lutte contre le charançon rouge du palmier, afin d'éviter une catastrophe pour nos arbres et nos paysages. Cela supposerait d'étendre les possibilités de traitement par les insecticides les plus efficaces, dans le cadre d'une stratégie coordonnée et incitative engagée par l'État en lien avec les collectivités territoriales concernées – aujourd'hui un peu seules et en première ligne alors qu'elles disposent de moyens limités – mais aussi avec les professionnels et les propriétaires.

Par ailleurs, comme dans le cas de la lutte contre le charançon rouge, le traitement devrait être obligatoire, étant entendu que les tarifs devraient être négociés et accessibles à tous. En effet, le coût du traitement ne doit pas être un obstacle à sa mise en œuvre.

Je souhaiterais donc savoir ce qui est concrètement envisagé pour combattre efficacement un fléau face auquel nous ne pouvons demeurer les bras croisés ou nous contenter de solutions qui n'ont pas prouvé leur efficacité.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Comme vous le soulignez, la cochenille-tortue du pin est un insecte qui peut provoquer des dégâts importants, notamment sur les pins parasols. Cet insecte ne fait pas l'objet d'une réglementation au niveau européen, mais a été ajouté en France, en 2021, à la liste des organismes nuisibles dits émergents. À ce titre, il fait l'objet d'une lutte obligatoire. L'arrêté de lutte, adopté en 2022, impose notamment aux détenteurs d'arbres infestés de les tailler ou de les détruire.

En outre, mon ministère octroie depuis 2023 une dérogation pour l'utilisation d'un produit phytosanitaire à base d'émamectine, qui s'applique par micro-injection dans les troncs d'arbre – cette mesure a été reconduite en 2025. Mon ministère veillera à ce qu'un produit de traitement reste disponible pour les situations les plus sérieuses. Cependant, nous convenons volontiers que, du point de vue de l'environnement, le traitement des arbres par piqûre – et, à plus forte raison, par pulvérisation – ne constitue ni une solution totalement efficace ni une voie d'avenir.

Nous avons d'ores et déjà déployé un plan de lutte contre la cochenille-tortue du pin, mais il ne produit pas encore, je le sais, des résultats totalement satisfaisants. D'une part, des recherches sont en cours afin d'identifier des agents de lutte biologique. Un succès en la matière serait une très bonne nouvelle. D'autre part, des discussions se tiennent au niveau européen concernant le statut de ce parasite. La France défend le principe de son classement, lequel permettrait d'harmoniser les mesures de lutte et de réglementer la circulation des plants, qui constitue une voie de dissémination de l'insecte d'une région ou d'un pays à l'autre.

Je vous assure donc de la pleine mobilisation de mes services sur cette question, qui affecte particulièrement plusieurs communes, notamment dans votre circonscription.

Mme la présidente . La parole est à M. Philippe Lottiaux.

M. Philippe Lottiaux . J'insiste sur le fait que la situation n'est manifestement plus sous contrôle. Les communes touchées sont de plus en plus nombreuses, ce qui montre que les moyens actuels ne sont pas à la hauteur.

Plusieurs facteurs expliquent la situation actuelle. Les dérogations dans l'espace et dans le temps, réservées aux professionnels, sont peut-être trop limitées. Je rappelle que des jardins sont touchés et que la région compte un grand nombre de résidences secondaires. Or, si leurs occupants sont absents au moment où les professionnels sont autorisés à utiliser des produits, le système ne peut fonctionner.

Encore une fois, les communes se sentent un peu seules. Une politique plus volontariste et mieux coordonnée est nécessaire. Il faudrait à cet égard s'inspirer de la lutte contre le charançon rouge, couronnée de succès. Si je me permets d'insister, c'est parce que, sur le littoral, de nombreuses personnes m'expliquent qu'elles ne savent pas comment résoudre le problème.

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre . J'entends votre alerte. Je la prends en considération et en ferai part diligemment à mes services. Nous devons exercer une pression au niveau européen, car un classement apporterait des solutions.

J'ai pris toutes les dispositions qui dépendaient de moi, notamment en matière de traitement. L'autorisation d'utiliser le produit phytosanitaire que j'ai mentionné constitue une réponse jusqu'à ce que nous trouvions une solution alternative efficace et convaincante.

Je note en particulier que vous avez évoqué un besoin de coordination. Je vais signaler ce point ; comptez sur moi.

M. Philippe Lottiaux . Merci !

Données clés

Auteur : M. Philippe Lottiaux

Type de question : Question orale

Rubrique : Bois et forêts

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 2025

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