Starlink à Mayotte : quel plan pour une alternative française et souveraine ?
Question de :
M. Sébastien Chenu
Nord (19e circonscription) - Rassemblement National
M. Sébastien Chenu interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le choix du Gouvernement de recourir à la solution d'accès à internet par satellite Starlink, développée par une entreprise américaine, pour rétablir les communications d'urgence à Mayotte à la suite du passage du cyclone Chido. Si cette initiative répond à une situation critique, elle suscite des interrogations sur la souveraineté numérique de la France et la dépendance envers des acteurs étrangers. Le déploiement de cette technologie, même temporaire, met en évidence le retard pris dans le développement d'une filière nationale et européenne capable de répondre à de telles crises. Les récentes crises sanitaires, climatiques et géopolitiques ont démontré l'importance stratégique de réduire la dépendance envers des puissances extérieures, notamment dans des moments de vulnérabilité. Ce choix soulève également des questions sur le manque de soutien aux acteurs français du secteur des télécommunications, qui disposent pourtant de solutions compétitives et sur les risques de fragilisation de l'écosystème technologique national. Par ailleurs, M. le député attire l'attention de M. le ministre sur les opportunités économiques et industrielles qu'offrirait le développement d'une filière nationale des télécommunications par satellite. Une telle démarche permettrait non seulement d'assurer l'autonomie technologique de la France, mais également de contribuer à la réindustrialisation du pays, en créant des emplois qualifiés et à forte valeur ajoutée dans des secteurs stratégiques. Il lui demande donc quelles politiques le Gouvernement entend mettre en œuvre pour développer une filière nationale et européenne des télécommunications par satellite, réduire la dépendance technologique de la France à des acteurs étrangers, renforcer sa souveraineté numérique et industrielle, tout en soutenant l'innovation et l'emploi sur le territoire national.
Réponse publiée le 29 avril 2025
Afin que tous les Français puissent accéder au numérique en très haut débit, le Gouvernement soutient le déploiement des réseaux en fibre optique et 4G/5G sur l'ensemble du territoire. Cette politique de modernisation des réseaux de télécommunications est constituée de « deux jambes » : d'une part, le plan France Très Haut Débit (2013), qui prévoit les investissements nécessaires à la généralisation de la fibre optique sur l'ensemble du territoire et, d'autre part, les programmes d'amélioration de la couverture mobile imposés aux opérateurs au titre des autorisations d'utilisation de fréquences. Mayotte ne fait pas exception à cette politique. En matière de réseaux fixes à très haut débit, le Gouvernement a programmé un soutien financier au déploiement d'un réseau de fibre optique à Mayotte (dans les deux ans), et le conseil départemental a attribué, par une délibération du 19 décembre 2024, un marché public poursuivant cette mission. En matière de réseaux mobiles, plus de 99 % de la population de l'île est couverte en 4G (état nominal hors effets du cyclone Chido) et l'État a imposé des obligations de renforcement de la couverture et de la qualité de service mobile – notamment le long des routes et sur des zones pré-identifiées, dans le cadre de la procédure d'attribution d'autorisations en bande 700 MHz menée en 2022, et dans le cadre de la procédure d'attribution d'autorisations dans les bandes 900 MHz, 1800 MHz et 2,1 GHz (2024). En matière de réseaux fixes, l'État ne considère les solutions technologiques d'accès à Internet par satellite qu'à titre subsidiaire, pour la proportion très marginale d'usagers qui ne sont pas encore couverts par la fibre optique, ou qui ne seront pas couverts à terme par ces réseaux (zone très isolée, difficulté exceptionnelle de raccordement…). Dans ces cas très spécifiques et limités, lorsqu'un usager n'est pas éligible à la fibre optique, il peut disposer d'un soutien dans le cadre du dispositif « Cohésion numérique des territoires » pour l'achat et l'installation de technologies hertziennes pouvant aller jusqu'à 300 € (et 600 € sur critères sociaux). Les opérateurs partenaires sont labélisés. C'est le cas à Mayotte pour les offres d'accès Internet via « WIFI » de l'opérateur mahorais STOI et les offres d'accès à Internet par technologie mobile (4G fixe) portées par SFR. Ce n'est pas le cas des offres portées par Starlink. Les réseaux de communications électroniques terrestres de Mayotte ont été fortement endommagés par le passage du cyclone Chido. Selon les opérateurs mobiles, seules 2 à 6 % de leurs antennes mobiles étaient opérationnelles au lendemain du passage du cyclone. Les opérateurs ont entrepris des travaux de rétablissement des réseaux très rapidement, en lien avec la progression de la réalimentation électrique. Deux semaines après le passage du cyclone, 70 % de la population bénéficiait à nouveau d'un service mobile. Cinq semaines après le passage du cyclone, 90 % de la population était à nouveau couverte. Le rétablissement des réseaux mobiles 4G a également permis aux opérateurs de proposer des services 4G fixes en remplacement du réseau ADSL endommagé. Ainsi, Orange a distribué 4 000 kits airbox 4G qui permettent de délivrer un service en très haut débit via le réseau mobile. Enfin, afin de permettre aux opérateurs de faire face à l'accroissement du trafic sur les réseaux mobiles et de proposer de la 5G fixe, de nouvelles fréquences ont été octroyées aux opérateurs début février 2025 et d'autres attributions de fréquence sont à venir. Dans le contexte exceptionnel du cyclone et face à l'urgence de rétablir les communications électroniques prioritaires, le Gouvernement a donné suite dans les premiers jours du cyclone à la proposition de l'opérateur Starlink de fournir des kits satellitaires. Toutefois, face à la mobilisation des opérateurs présents sur l'île pour rétablir rapidement les réseaux terrestres et proposer des services 4G/5G fixe, l'utilisation de ces kits pour répondre à une situation d'urgence devient progressivement sans objet. Dans ces premiers jours qui ont suivi le cyclone, outre l'offre de Starlink, Orange a également envoyé à Mayotte des dispositifs de communication de crise (« SafetyCase ») qui permettent d'établir une connexion Internet haut débit via satellite, tout en offrant un Wi-Fi sécurisé – et ce afin d'équiper un hôpital de campagne et Électricité de Mayotte (EdM). Au-delà des actions mises en œuvre pour généraliser une couverture à très haut débit par les réseaux terrestres, le Gouvernement a engagé depuis plusieurs années un vaste plan de transformation de l'industrie spatiale française pour accompagner le pivot vers les constellations de connectivité en orbite basse et le développement des technologies spatiales de demain, en vue de répondre aux besoins de souveraineté européenne. Ce soutien s'appuie sur tous les outils à notre disposition : les activités de recherche et de développement mises en œuvre par le Centre national d'études spatiales et l'Agence spatiale européenne dans le cadre du programme de recherche spatiale (P193), les appels d'offres pour l'achat de services dans le cadre du dispositif France 2030, la loi de programmation militaire ainsi que le programme spatial de l'Union européenne. Il s'agit d'accompagner au niveau national la maîtrise des technologies critiques pour les infrastructures spatiales afin, d'une part, de répondre aux besoins souverains des forces armées françaises et alliées, et, d'autre part, de contribuer significativement aux programmes spatiaux civils de l'Union européenne pour le passage à l'échelle. En particulier, la participation de nos entreprises au programme IRIS2 est essentielle pour développer une infrastructure de connectivité sécurisée et souveraine. Il s'agit pour la France d'être en mesure de proposer, en cas de crise à Mayotte, comme à l'ensemble de nos territoires, une solution compétitive et maîtrisée d'ici 2030.
Auteur : M. Sébastien Chenu
Type de question : Question écrite
Rubrique : Télécommunications
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Industrie et énergie
Dates :
Question publiée le 21 janvier 2025
Réponse publiée le 29 avril 2025