Alerte sur les pratiques préoccupantes constatées dans certains abattoirs
Question de :
M. Jérémie Iordanoff
Isère (5e circonscription) - Écologiste et Social
M. Jérémie Iordanoff alerte Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les pratiques préoccupantes constatées dans certains abattoirs français, notamment celles révélées par l'enquête de l'association L214 à l'abattoir de Maurienne en novembre 2024. Cet établissement, qui approvisionne des enseignes telles qu'E.Leclerc, Intermarché et Super U dans la région Auvergne-Rhône-Alpes ainsi que des boucheries locales, aurait violé à plusieurs reprises des dispositions légales en vigueur concernant la protection animale. Selon les éléments rendus publics, des animaux seraient abattus encore conscients et sensibles, voire découpés vivants, sans qu'aucun contrôle de l'état d'inconscience après l'étourdissement ne soit effectué, ni recours à l'étourdissement d'urgence lorsque cela est nécessaire. Par ailleurs, les installations seraient inadaptées et les animaux manipulés avec brutalité. Pourtant, la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine durable et accessible à tous impose des garanties strictes. Chaque abattoir est tenu de désigner un responsable bien-être animal chargé de veiller à la bonne application des règles de protection animale, tandis que des contrôles réguliers doivent permettre de s'assurer que les procédures respectent l'objectif d'épargner aux animaux « toute douleur, détresse ou souffrance évitable ». Il lui demande si elle envisage de commanditer un audit sur les pratiques de cet abattoir pour comprendre comment de tels dysfonctionnements ont pu se produire, notamment pourquoi le vétérinaire officiel de l'abattoir qui est responsable du contrôle du respect de la protection animale n'a pas alerté sur ces dysfonctionnements.
Réponse publiée le 20 mai 2025
La vidéo de L214 ne montre pas d'animaux découpés vivants, contrairement à ce qui a été rapporté dans la presse. Cependant, le caractère parfois choquant des images, les anomalies de manipulation des animaux et de fonctionnement de l'abattage observées justifient parfois la suspension de l'activité de l'abattoir de la Maurienne. Par ailleurs, le territoire national compte aujourd'hui 226 abattoirs d'animaux de boucherie. Le nombre d'abattoirs d'animaux de boucherie a diminué de 16 % depuis les six dernières années. Cette baisse est à la fois due au contexte économique difficile que traverse la filière d'abattage mais également à la fermeture, par l'administration, d'abattoirs non conformes à la réglementation, sans perspective de mise aux normes. Si l'abattage est aujourd'hui une activité de marché, libre et concurrentielle, assurée en grande majorité par des acteurs privés qui restent les premiers responsables du respect de la réglementation, chaque fermeture d'abattoir impacte le maillage territorial et la possibilité des éleveurs de faire abattre leurs animaux à proximité du lieu d'élevage. Concernant la mise en place d'un audit sur les pratiques de cet abattoir, il convient de rappeler que l'abattage des animaux de boucherie est l'une des activités économiques les plus contrôlées tout secteur confondu. En effet, des agents de l'État sont présents en permanence pour réaliser des contrôles durant toutes les périodes d'abattage. Cette activité de contrôle mobilise aujourd'hui 1 265 équivalents temps plein pour les abattoirs français. Les agents des directions départementales en charge de la protection des populations qui sont postés au quotidien dans les abattoirs réalisent des contrôles réguliers de la qualité des viandes, de l'hygiène de production et de la bientraitance animale. Par ailleurs, des audits complets de la protection animale sont réalisés au moins une fois par an, voire plus fréquemment si l'abattoir est identifié à risque particulier. Ces inspections donnent lieu à des rapports et, selon les besoins, à des suites proportionnées administratives et pénales, pouvant aller jusqu'à la fermeture de l'établissement. La direction générale de l'alimentation (DGAL) assure un suivi des abattoirs à l'échelle nationale et, depuis début 2022, elle a renforcé sa capacité d'intervention en constituant une force d'inspection nationale afin d'appuyer les services départementaux pour les cas les plus complexes. Cette force peut être mobilisée sur demande du préfet de département, qui est le seul à pouvoir décider de la fermeture d'un abattoir. Enfin, il convient de rappeler que l'exploitant de l'abattoir reste le premier responsable du contrôle du respect de la protection animale dans son établissement. Il doit mettre en place à cet effet un contrôle interne portant notamment sur les pratiques de ses opérateurs. Les inspecteurs officiels interviennent quant à eux en contrôle de second niveau. À ce titre, ils ne sont pas présents en permanence dans les locaux où les animaux vivants sont manipulés. Les mauvaises pratiques visibles sur la vidéo prise à l'abattoir de Maurienne n'ont pas été constatées par les agents du service d'inspection lors de leurs contrôles et n'ont pu être prises en charge par les services de l'État. Les autocontrôles réalisés par l'exploitant n'ont pas permis non plus de mettre en évidence ces pratiques pour les corriger. Particulièrement conscient des suspicions qui pèsent aujourd'hui sur les abattoirs, mais également pleinement sensibilisée à la place indispensable qu'ils occupent dans la chaîne alimentaire, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire reste attaché à apporter toute la transparence nécessaire pour maintenir la confiance des concitoyens vis-à-vis de l'activité d'abattage. Il en va de la survie de la filière viande.
Auteur : M. Jérémie Iordanoff
Type de question : Question écrite
Rubrique : Animaux
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 28 janvier 2025
Réponse publiée le 20 mai 2025