Question de : M. François Ruffin
Somme (1re circonscription) - Écologiste et Social

M. François Ruffin interroge Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur le retour de l'anguille. « L'anguille est classée comme "en danger critique d'extinction". Elle est encore plus menacée que l'ours polaire ou le tigre du Bengale ». C'est un cri d'alarme que lance, à la permanence de M. le député, M. Michel Blondin, représentant des pêcheurs à la ligne du Ponthieu. Et que confirme l'Inventaire national du patrimoine naturel (INPN) : l'Anguilla anguilla figure sur la « liste rouge mondiale des espèces menacées », la « liste rouge européenne des espèces menacées » et la« liste rouge des poissons d'eau douce de France métropolitaine ». La cause principale de cette quasi-disparition est connue : la pêche à la civelle. Ces bébés anguilles, pêchés dans les estuaires des fleuves, sont vendus entre 1 000 et 2 000 euros le kilo sur le marché asiatique. Mais à force de pêcher ces alevins, ils sont de moins en moins nombreux à remonter les fleuves et à devenir des anguilles adultes. Dans la Somme, on constate une disparition de l'anguille. Et avec elle, c'est une partie de la culture locale, une tradition culinaire qui disparaissent. Pour y remédier, le Conseil international pour l'exploration de la mer indique : « Les captures d'anguilles devraient être nulles dans tous les habitats. Cela s'applique à la fois aux captures récréatives et commerciales et inclut les captures de civelles pour le repeuplement et à l'élevage ». Pourtant, c'est uniquement aux pêcheurs à la ligne amateurs que l'on s'attaque : « restriction des périodes de pêche, suppression de la pêche de nuit, suivis des populations et des biotopes ». Les collectivités ont beau investir des millions d'euros depuis des années pour améliorer la qualité de l'eau (stations d'épuration, interdiction de rejets de produits toxiques, multiplication des contrôles...) et faciliter la circulation de l'anguille (passes à poissons, nouveaux types de barrages), rien n'y fait. M. le député demande à Mme la ministre ce qu'elle va faire pour faire revenir l'anguille dans les rivières et les étangs. Il lui demande si elle va continuer à restreindre la pêche de loisir, qui, en réalité, n'existe déjà quasiment plus du fait de la quasi-disparition de l'anguille, ou si elle va prendre des décisions qui s'imposent pour traiter le problème à la racine, par un moratoire sur la pêche à la civelle et la lutte contre le braconnage.

Réponse publiée le 8 juillet 2025

Classée en danger critique d'extinction par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l'anguille européenne (Anguilla anguilla) fait l'objet depuis plusieurs années d'un encadrement réglementaire strict, tant au niveau national qu'européen. Face à l'effondrement constaté des populations, le règlement (CE) n° 1100/2007 du 18 septembre 2007 a instauré des plans de gestion pour reconstituer le stock d'anguilles européennes. Ces mesures ont été complétées par des interdictions de pêche de loisir successives : d'abord sur les civelles et anguilles argentées, en eau douce comme en mer, puis sur l'anguille jaune en mer à l'échelle de l'Union européenne. La pêche de loisir de l'anguille jaune reste autorisée uniquement dans les eaux douces hors des bassins Rhône-Méditerranée et Corse. Toutefois, les données de suivi, notamment celles figurant dans le rapport de mise en œuvre du plan de gestion anguille transmis à la Commission européenne en juin 2018, indiquent que les prélèvements annuels des pêcheurs de loisir en eau douce atteignent environ 700 tonnes, soit près de trois fois ceux des professionnels, mer et eau douce confondues. En parallèle, les prélèvements de civelles par les marins-pêcheurs et les pêcheurs professionnels en eau douce sont soumis à des quotas et à des autorisations strictement encadrées. Conscient de l'état critique de l'espèce et des responsabilités de la France en matière de conservation, le Gouvernement souhaite engager une démarche nationale cohérente et ambitieuse en faveur de l'anguille européenne. Cette stratégie comprend d'abord, pour les pêcheries professionnelles, un renforcement de la trajectoire de réduction de l'effort de pêche, en particulier sur la civelle, par la mise en place d'un plan de sortie de flotte volontaire qui sera coconstruit avec les représentants du secteur. Il s'agit de concilier impératifs de conservation et accompagnement socioéconomique des professionnels de la pêche à l'anguille. Un moratoire sur la pêche de loisir de l'anguille en eau douce sera également mis en place. Cette mesure permettra d'assurer une cohérence avec les interdictions déjà en vigueur en mer, tout en répondant à l'enjeu de maîtrise des prélèvements globaux, qui restent très significatifs du fait de la pêche de loisir.  Au-delà de l'encadrement des activités de pêche, la protection de l'anguille exige une mobilisation transversale sur les pressions environnementales qui compromettent sa survie. C'est pourquoi un plan d'action sera engagé pour lutter contre les prédations exercées notamment par le cormoran et le silure, et pour restaurer les continuités écologiques, essentielles à la migration de l'espèce. À cet égard, dans le département de la Somme par exemple, 72 des 154 ouvrages hydrauliques concernés restent à mettre en conformité pour permettre la libre circulation des anguilles : des efforts accrus sont déployés par les collectivités, les services de l'État et les gestionnaires. Enfin, un volet de lutte contre les pollutions telluriques, en particulier dans les estuaires et aires marines protégées, sera structuré avec les collectivités concernées. L'ensemble de ces actions fera l'objet d'un suivi renforcé et d'un dialogue constant avec les acteurs professionnels, scientifiques et territoriaux.

Données clés

Auteur : M. François Ruffin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Biodiversité

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Dates :
Question publiée le 28 janvier 2025
Réponse publiée le 8 juillet 2025

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