Recrudescence des violences envers les élus
Question de :
M. Aurélien Dutremble
Saône-et-Loire (3e circonscription) - Rassemblement National
M. Aurélien Dutremble interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la recrudescence préoccupante des violences envers les élus locaux. La santé mentale et le mal-être des maires figuraient au menu du 106e Congrès des maires de France de novembre 2024. Une étude publiée à cette occasion par l'Association des maires de France (AMF) révélait que plus de huit maires sur dix estimaient que leur santé physique ou mentale était affectée par leur mandat, précisant que les coups de fatigue, les moments de lassitude ou les troubles du sommeil des élus sont notamment causés par des « attaques brutales sur les réseaux sociaux ». En novembre 2023, le ministère de l'intérieur estimait que le cyberharcèlement représentait un quart des atteintes faites aux élus (qui concernaient elles 6 maires sur 10). Le problème dans ces situations est que les auteurs restent très difficiles à identifier sur l'internet et à condamner. Dans la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, les peines encourues pour violences contre des élus locaux ou nationaux ont été alignées sur celles visant les violences volontaires sur agents des forces de sécurité (jusqu'à 7 ou 10 ans de prison dans les cas les plus graves). Le cyberharcèlement a été ajouté comme circonstance aggravante et la peine encourue pour un cyberharcèlement peut aller jusqu'à 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende. Physiques, psychologiques ou numériques, ces violences atteignent ceux qui incarnent au quotidien le lien de proximité avec les citoyens. Face à leur multiplication inquiétante et après le témoignage récent du maire d'Autun, en Saône-et-Loire, sur les pressions et intimidations subies, notamment un début d'incendie survenu devant son propre domicile, M. le député interroge M. le ministre sur les mesures qu'il pourrait mettre en œuvre pour améliorer la sécurité des élus. Enfin, il souhaite connaître sous quels délais le Gouvernement remettra au Parlement les rapports prévus aux articles 18 et 19 de la loi de mars 2024 et qui doivent recenser les actions menées pour lutter contre les violences faites aux élus et leurs résultats, ainsi que le bilan des suites données aux plaintes déposées par les élus auprès des services de police ou de gendarmerie pour les faits de violences dont ils sont victimes.
Réponse publiée le 20 mai 2025
La préservation de la sécurité des élus et de leur famille revêt un caractère fondamental au sein de notre régime républicain. Elle permet le plein exercice, en sérénité, du mandat électif et donc la reconnaissance du pluralisme démocratique, qui constitue la garantie du bon fonctionnement des institutions. Sur le plan légal, l'arsenal juridique a bénéficié des avancées introduites par la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux - issue d'une proposition sénatoriale. La gendarmerie nationale et la police nationale (préfecture de police et direction générale de la police nationale) ont développé une approche globale répondant à la triple ambition de prévenir les atteintes, de les réprimer plus efficacement et d'accompagner les élus pour qu'ils soient en capacité de mieux appréhender les situations à risques. Sur ce point, des formations à la gestion des incivilités à destination des élus ont été mises en œuvre, pour les sensibiliser aux menaces potentielles lors d'interventions du quotidien. Créée par la cellule nationale de négociation (CNN) du GIGN - pour ce qui concerne la gendarmerie nationale - et dispensée par les négociateurs régionaux de la gendarmerie, la formation à la gestion des incivilités a été proposée à l'ensemble des élus du territoire métropolitain et ultra-marin, dès le début d'année 2021. Ce module a rencontré un succès certain puisque que 27 000 élus ont été formés depuis le 1er janvier 2021. La police nationale (préfecture de police et direction générale de la police nationale) est également engagée dans la prévention et dans l'accompagnement des élus. La direction générale de la police nationale propose, depuis mai 2021, une formation à la gestion des comportements agressifs et violents, des incivilités et à la désescalade des conflits. La formation a été conçue avec le concours de la direction nationale de la sécurité publique (DNSP), du RAID et de l'École nationale supérieure de la police (ENSP). A ce jour, plus de 2 400 élus ont bénéficié de cette formation. Par ailleurs, une formation plus approfondie est proposée aux élus des métropoles et aux parlementaires par les négociateurs du RAID ou des chargés de formation de l'ENSP : plus de 260 élus ont bénéficié de ce format. En complément, la gendarmerie nationale a construit, en lien avec l'Association des Maires de France (AMF), une méthode d'analyse des risques synthétisée par l'acronyme « M. A.I.R.E.S », aidant à déterminer, selon les critères retenus, l'opportunité pour l'élu de s'engager personnellement ou de solliciter les forces de sécurité intérieure. Cet outil disponible sur l'application mobile « Gend'Elus » a été développé pour répondre aux besoins des élus en recensant des fiches pratiques et des conseils pour la gestion des situations du quotidien. Cette application a fait l'objet de près de 48 000 téléchargements depuis son lancement en 2021. Par ailleurs, la police nationale a mis en place des partenariats avec les principales associations nationales d'élus locaux, participant activement, par exemple, à des groupes de travail qui touchent à la sécurité ou en communiquant régulièrement des informations utiles. En zone de police comme en zone de gendarmerie, l'accompagnement individualisé s'appuie également sur la mobilisation de la chaîne de prévention situationnelle (référents et correspondants sûreté de la police et de la gendarmerie) qui, par son expertise, peut identifier les principales vulnérabilités des mairies, locaux communaux, permanences ou domicile personnel des élus afin d'établir des préconisations de sécurisation. Cette démarche peut se doubler d'une inscription dans le module « SIP » de la base de données sécurité publique de la gendarmerie, ou dans le logiciel « PEGASE » de traitement des appels au « 17 » pour les élus en zone de compétence de la police nationale (dispositif « alarme élus »), facilitant l'identification des situations individuelles les plus sensibles et un engagement adapté des moyens opérationnels, en cas de besoin. De plus, une surveillance accrue des abords des permanences des parlementaires ainsi que de leur domicile est assurée, tandis que dans le cyberespace, une veille des réseaux sociaux est menée pour détecter les discours de haine ou les menaces. La plateforme PHAROS de l'office anti-cybercrimianlité (OFAC) de la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) est en particulier mobilisée pour analyser et recouper les signalements et le cas échéant judiciariser les menaces et autres atteintes commises dans l'espace numérique. Sur le plan judiciaire, des enquêtes sont systématiquement diligentées avec tous les moyens d'investigation nécessaires. Des contacts sont pris avec les parlementaires et les élus locaux pour les sensibiliser et rappeler les démarches à accomplir en cas de menace ou d'incident. Des instructions ont été données pour accompagner avec soin les élus au moment du dépôt de plainte, en proposant des plaintes sur rendez-vous ou sur site (par exemple en mairie). Chaque fait est systématiquement signalé au procureur de la République. Un centre d'analyse sur les atteintes aux élus (CALAÉ) a été créé officiellement le 17 mai 2023 sous l'impulsion du ministre délégué chargé des collectivités territoriales et de la ruralité. Ce centre collecte et analyse les menaces et violences faites aux élus, afin d'adapter le dispositif de réponse en temps réel et mieux comprendre le phénomène. Son premier rapport annuel a été publié à la fin de l'année 2024. Localement, un « pack sécurité » est mis en œuvre par le préfet de chaque département au bénéfice des élus. Ce dernier vise notamment à renforcer l'engagement des référents et correspondants sûreté police et gendarmerie à leur profit, à déployer le dispositif « alarme élu », à développer la prise de plainte des élus à leur domicile, à leur permanence ou en mairie, ou encore à proposer la réalisation de diagnostics sûreté. Un réseau de 3 400 référents élus est par ailleurs pleinement opérationnel. Présents dans chaque brigade et commissariat, les référents élus sont les interlocuteurs privilégiés des élus. Leur connaissance du territoire (délinquance, population, etc.) leur permet de les conseiller utilement et d'apporter des réponses à leurs attentes sur les enjeux de sécurité. Le préfet du département applique la doctrine nationale « une menace = une évaluation » qui vise à apporter des réponses aux atteintes recensées sur son territoire. Des instructions ont ainsi été relayées par les préfectures aux unités de gendarmerie et de police afin de présenter ce centre d'analyse et de détailler les mesures du pack sécurité. En complément de la création de la cellule CALAE, le gouvernement s'est pleinement engagé dans la protection des élus en lançant en 2023 un plan national de prévention contre les violences aux élus. Doté de 4 axes, 12 mesures, et 5M€, ce plan décline plusieurs actions concrètes au profit des élus. Ainsi, une cellule d'appui psychologique a été officiellement mise en place en décembre 2023. Créée en partenariat avec la fédération France Victimes, elle est accessible par téléphone, 24h/24h et 7j/7j, et permet un suivi psychologique des élus et de leurs proches menacés ou agressés. Depuis sa création, plus de 70 élus ont fait la démarche (source CALAÉ). Dans la continuité de ces dispositifs, le CALAÉ a également supervisé la distribution de boutons d'appel d'urgence auprès d'élus faisant l'objet de menaces particulières. Ces boutons sont attribués par les préfectures après évaluation de la situation de l'élu concerné. Ils sont remis par les référents élus en brigade ou en commissariat. Ils permettent aux élus qui en bénéficient d'alerter un contact de confiance chargé de la levée de doute en cas de risque pour leur sécurité. Après une phase d'expérimentation concluante au premier semestre 2024 dans huit départements pilotes, ces boutons d'appels vont être généralisés sur l'ensemble du territoire d'ici la fin 2025. Ainsi, les forces de sécurité intérieure de l'Etat, interlocutrices de premier plan des élus, mais également les préfets, et les parquets, sont pleinement mobilisés localement pour assurer leur protection et les soutenir dans l'exercice de leurs fonctions. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, est particulièrement attentif à la sécurité des élus, fondement de notre démocratie.
Auteur : M. Aurélien Dutremble
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élus
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 28 janvier 2025
Réponse publiée le 20 mai 2025