Avenir du dispositif du placement éducatif à domicile (PEAD)
Question de :
Mme Alexandra Martin
Alpes-Maritimes (8e circonscription) - Droite Républicaine
Mme Alexandra Martin attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'avenir du dispositif de placement éducatif à domicile (PEAD), dont la pérennité est mise en cause depuis un avis rendu par la Cour de cassation le 2 octobre 2024. La Cour a estimé que le PEAD devrait être requalifié en mesure d'assistance éducative en milieu ouvert renforcée (AEMO) plutôt qu'en mesure de placement, conformément à la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 sur la protection des enfants. Selon la Cour, bien que l'enfant « placé à domicile » reste dans son foyer, bénéficiant d'une intervention éducative régulière et renforcée, cette mesure ne correspond pas à un placement au sens de l'article 375-3 du code civil, mais à une AEMO renforcée, dont l'hébergement reste exceptionnel. Cette réinterprétation a provoqué des inquiétudes dans plusieurs départements, qui envisagent déjà une réorganisation de leurs services habilités, voire une fermeture des dispositifs de PEAD. Si certains professionnels et experts saluent l'intensification de l'accompagnement éducatif, d'autres, comme l'ANMECS, la CNAPE ou la GEPso, soulignent les risques de déstabilisation du secteur, déjà fragile. En effet, dans un contexte de crise systémique de la protection de l'enfance, avec des services déjà sous pression, la disparition du PEAD pourrait entraîner une rupture de prise en charge pour de nombreux enfants. De plus, la réaffectation des mesures à une AEMO renforcée risquerait d'aggraver l'engorgement des dispositifs déjà existants et de compromettre la prise en charge de l'ensemble des enfants en danger. Mme la députée souhaite savoir si le Gouvernement envisage des mesures législatives visant à sécuriser et pérenniser le dispositif de PEAD, ou à le réorganiser d'une manière qui garantirait une réponse proportionnée aux besoins des enfants et des familles tout en préservant les approches cliniques et éducatives développées depuis des décennies. Par ailleurs, elle l'interroge sur les conséquences de cette requalification sur les décisions judiciaires prises en faveur du PEAD et sur les modalités de prise en charge alternatives, dans un contexte de raréfaction des places d'hébergement et de saturation des services d'AEMO.
Réponse publiée le 1er avril 2025
Le dispositif de placement éducatif à domicile (PEAD) est une pratique qui s'est développée dans différents territoires, à l'initiative du secteur associatif habilité (SAH) ou des conseils départementaux, chefs de file en matière de protection de l'enfance. Cependant, le développement de ce dispositif s'est fait alors même qu'aucune disposition du code civil ne le prévoit. En outre, le PEAD pose des difficultés d'articulation avec les dispositions relatives aux conditions du placement institutionnel (évaluation systématique préalable, sauf urgence, des possibilités d'un placement au sein de la famille ou chez un tiers digne de confiance), aux actes usuels (exercés par la personne à qui l'enfant a été confié, soit l'aide sociale à l'enfance, et non les parents), aux droits de visite des parents (en particulier en cas de séparation parentale), aux frais de placement et à la responsabilité civile de l'enfant. Aussi, la première chambre civile de la cour de Cassation a considéré, dans l'arrêt du 2 octobre 2024 (pourvoi n° 21-25.974), et dans la continuité de son avis du 14 février 2024 (pourvoi n° 23-70.015), sur les fondements des articles 375, 375-2, 375-3,3° et 375-7 du code civil, que lorsque le juge des enfants décide de confier le mineur à l'aide sociale à l'enfance (ASE), un droit d'hébergement à temps complet ne peut pas être accordé cumulativement à l'un ou aux deux parents. Cet arrêt emporte comme conséquence pour le juge des enfants de ne plus pouvoir ordonner de mesure de placement prenant la forme d'un PEAD, sans risque de voir sa décision infirmée en cas de recours. Cette conséquence vaut pour les décisions à venir ou non définitives. En outre, le PEAD repose sur trois principes : un maintien de l'enfant à son domicile, une mise à l'abri possible à tout moment en cas de risque pour l'enfant et une intervention intensive, adaptée et multiforme des professionnels. Or, ces principes d'intervention sont ceux d'ores et déjà applicables à une mesure d'AEMO-R (article 375-2 du code civil). En effet, l'AEMO-R se caractérise par une intervention éducative plus soutenue, pouvant aller jusqu'à plusieurs visites par semaine dans les cas qui le nécessitent. Malgré des variations d'un territoire à l'autre, les services compétents offrent généralement une grande disponibilité, avec des amplitudes élargies d'ouverture en semaine et des dispositifs d'astreinte permettant de solliciter un éducateur à tout moment, y compris la nuit ou le week-end. Elle peut également s'accompagner d'une autorisation d'hébergement exceptionnel ou périodique, répondant ainsi aux besoins de l'enfant et de sa famille avec la même efficience que la mesure de PEAD. C'est donc en se fondant sur le droit applicable et sur les dispositifs existants que la cour de Cassation a rendu son premier avis en février 2024, puis son arrêt en octobre 2024, considérant que les textes actuels permettaient de mettre en œuvre les objectifs poursuivis par le dispositif. En tout état de cause, si une modification législative devait intervenir, elle exigerait préalablement une étude approfondie du dispositif pour identifier les éventuelles lacunes du droit en vigueur qui empêcheraient de garantir, comme vous le mentionnez, une réponse proportionnée aux besoins des enfants et des familles tout en préservant les approches cliniques et éducatives. En l'état actuel, cette décision implique que les départements fassent évoluer la structuration juridique des établissements et services qui la mettent en œuvre quand celle-ci n'est pas conforme. L'enjeu pour le ministère de la Justice est d'accompagner cette transformation en s'appuyant sur les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), officiant comme services instructeurs des Préfets dans ce type de procédure. Aussi, la direction de la PJJ a diffusé une note à l'attention de ses services déconcentrés le 8 janvier 2025, leur présentant les solutions possibles pour accompagner cette période de transition au regard des textes régissant les autorisations et les habilitations et les invitant à favoriser les échanges avec les départements, en lien avec les préfets et les juridictions. Des réflexions sont, par ailleurs, en cours au niveau national sur la faisabilité juridique d'accélerer la transformation des structures en créant un régime transitoire et dérogatoire afin de soulager les départements dans les démarches à réaliser, et permettre ainsi la continuité de nouvelles prises en charge dans le respect des dispositions de la procédure en assistance éducative.
Auteur : Mme Alexandra Martin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enfants
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 28 janvier 2025
Réponse publiée le 1er avril 2025